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«La Suisse n'est pas antimusulmane»
AFFAIRE DES MINARETS L'AMBASSADEUR DE SUISSE EN ALGERIE À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 05 - 12 - 2009

L'interdiction de la construction des minarets en Suisse défraie l'actualité internationale. Après le référendum du 29 novembre dernier, toute l'Europe s'interroge sur la finalité de cette consultation populaire. Dans l'entretien accordé à notre journal, l'ambassadeur de Suisse à Alger, M.Jean-Claude Richard, apporte quelques éléments de réponse sur le sujet qui secoue les milieux politiques en Occident et la communauté musulmane.
L'Expression: Dimanche dernier, 57,5% de la population suisse s'est exprimée par référendum pour l'interdiction des minarets. Pourquoi ce vote et maintenant?
Jean-Claude Richard: Effectivement, je crois qu'il est indispensable de situer un peu cette votation dans son contexte. Comme il est important aussi de savoir que nous avons une structure politique et quelques institutions qui sont typiquement suisses et différentes des autres pays. La raison est simple: nous sommes un pays multiculturel, pluri-religieux et plurilingue. Pour schématiser un peu la composition de la société et du système, je tiens à préciser que nous avons une partie germanophone, une francophone et une autre italienne. Pour arriver à cette cohabitation, c'est l'histoire européenne qui a conduit à cela en aboutissant au milieu du XIXe siècle à une structure fédéraliste qui nous met en association sur le modèle de l'Union européenne. Nous avons des cantons germanophones catholiques et des cantons francophones protestants et catholiques. Cela pour vous dire que nous avons eu aussi nos difficultés de vivre ensemble et connu des guerre de religion. Nous avons pu mettre un terme à ces guerres grâce aux structures politiques choisies qui sont des structures de grande autonomie des cantons. Elles sont particulièrement importantes car elles laissent non pas à l'Etat central mais aux cantons eux-mêmes la responsabilité de la religion et du système judiciaire et éducatif avec un Parlement et un gouvernement. Je ne vais pas vous faire un cours sur le fédéralisme, loin de là. Sauf, je le souligne parce que la tendance tant pour les Algériens que pour les francophones, c'est de raisonner de façon beaucoup centralisée en pensant qu'il y a un gouvernement qui décide pour beaucoup de choses et ce n'est pas le cas en Suisse. Il y a aussi un élément qui caractérise la Suisse, c'est la démocratie directe qui se pratique par l'institution qui s'appelle le référendum ou l'initiative. Cette institution permet à 100.000 citoyens de proposer une modification d'un article ou l'adjonction de nouveaux articles dans la Constitution. Le vote de dimanche est le résultat d'une initiative prise par un petit groupe appuyé de façon très marquée par un parti politique très nationaliste classé plutôt à droite. Cette initiative est malheureuse car la majorité du Parlement l'a condamnée et le gouvernement également. Mais vu que le texte n'a pas été jugé anticonstitutionnel, il a été décidé de recourir au référendum.
Vous dites que l'initiative a été proposée par un petit groupe et que le gouvernement et le Parlement étaient contre, est-ce une surprise?
Ah! oui, c'était une grande surprise! Personne ne s'attendait à ce résultat. Ni le gouvernement ni le Parlement ne prévoyaient un tel score. Même les sondages ne l'ont pas pronostiqué. Jusqu'à dimanche matin, je suivais les sondages qui donnaient encore qu'environ 53% de la population se prononcerait contre cette initiative, mais malheureusement cela n'a pas été le cas. Ça a été même une très grande surprise pour les initiateurs du projet qui ne croyaient pas leurs yeux en atteignant un tel résultat au bout d'une campagne.
Qu'est-ce qui, selon vous, justifie une telle position? Est-ce là une crainte de l'Islam, comme l'a argué l'extrême droite suisse, à l'origine de ce référendum?
Non, je ne crois pas que c'est une crainte de l'Islam mais peut-être une crainte de certains éléments extrémistes de l'Islam dont on parle depuis le 11 septembre. Cette crainte s'est cristallisée parce que le peuple a tendance à focaliser son attention sur ces sujets, car la réalité sociale, culturelle, politique et économique devient de plus en plus compliquée. Personnellement, je pense qu'il y a cette peur de l'extrémisme et de l'intégrisme islamistes dont nous ne sommes pas véritablement victimes. D'autres considérations sont entrées en jeu que je ne considère pas d'anti-islamistes car des musulmans suisses ont voté pour l'interdiction. Il y a un souci important de la paix intérieure et la religion chrétienne entre protestants et catholiques a provoqué beaucoup de difficultés dans le passé. Nous voulons continuer à vivre pacifiquement. Or, il y a des limites à ne pas franchir, bien entendu, nos lois ont été faites pour nous, elles doivent être appliquées sur nos territoires quelle que soit la religion. Evidemment, la liberté du culte doit être respectée et nous considérons que nous la respectons. C'est vrai que l'initiative limite la pratique publique de la religion musulmane, mais ne l'interdit pas au niveau des mosquées. Il y a quelque 400.000 musulmans en Suisse qui sont bien intégrés et certains ont voté en faveur de l'initiative.
Plusieurs pays européens étaient considérés comme le fief de groupes salafistes mais n'ont pas pris cette décision. Quelle en est la particularité pour la Suisse?
Il faut relier cela avec ma première réponse relative au système politique. Je ne dirais pas que la Suisse a voulu cela, non! C'est un groupe de Suisses. Le gouvernement et le Parlement étaient contre, mais le résultat est là. Je vous rappelle que nous sommes un petit pays de 7,5 millions d'habitants, neutre et pacifiste. C'est vrai que depuis quelque temps, la Suisse a subi des difficultés, notamment des attaques contre des institutions comme le secret bancaire, la Libye, les difficultés fiscales en plus du contexte international, tout ça justifie ou non cette décision. Je constate que les Suisses ne se sont pas sentis depuis longtemps aussi agressés. Le résultat de dimanche c'est un peu le reflet d'une réaction de repli sur soi.
La Suisse a-t-elle mesuré les conséquences de cette décision? En plus clair, la Suisse ne craint-elle pas d'éventuelles attaques terroristes?
Je ne pense pas que la Suisse craigne des attaques terroristes. Nous ne nous attaquons pas à l'Islam, même si je regrette cette décision, elle n'empêche pas la construction de nouvelles mosquées, elle ne ferme pas les 200 mosquées qui sont ouvertes à la pratique religieuse. Elle porte juste sur la limitation du nombre de minarets qui n'est pas, comme l'a soutenu le président du Haut Conseil islamique, Cheikh Bouamrane, une obligation dans l'Islam. Je rappelle que sur les 200 mosquées, seulement 4 ont des minarets et cela n'a jamais posé de problème auparavant. Je crois que nous ne nous attaquons pas aux fondements de l'Islam. Nous ne pouvons pas imaginer d'évoquer des attaques terroristes, nous ne le pensons pas. Ce sont des mauvaises interprétations à l'Islam. Bien sûr, nous sommes conscients du problème. Le gouvernement aurait bien voulu que cette initiative ne soit pas proposée ni adoptée, mais on ne peut s'opposer à la majorité et à la volonté du peuple, pour preuve, nous n'avons pas rejoint l'ONU sans que le peuple s'exprime.
L'ONU a déclaré que ce vote est une discrimination contre les musulmans. Qu'en pensez-vous?
C'est un aspect qu'on ne peut pas contester qu'il y a un élément de discrimination à l'égard de la communauté musulmane. Je ne crois pas que c'est une discrimination très grave, je ne peux le juger. Mais vous savez, dans l'histoire de la Suisse, il y a eu des interdictions de construire même des églises catholiques dans les cantons des protestants. Il y a aussi l'interdiction de l'installation de l'Ordre des jésuites pour des raisons de paix intérieure. Donc, il ne s'agit guère d'hostilité envers les musulmans. Certes, certains estiment que les minarets ne font pas partie du paysage suisse et nous sommes plutôt familiers avec les églises.
Face aux réactions, particulièrement en Europe, la Suisse pourrait-elle ou doit-elle faire marche arrière?
Je pense que les solutions seront toujours dans l'ordre du dialogue. C'est très difficile de revenir en arrière et surtout à court terme. L'initiative telle qu'elle a été juridiquement conçue est constitutionnelle et à partir du moment où le résultat a été clair pour la modification de la Constitution, elle est entrée en vigueur immédiatement. Elle a été introduite le même jour dans la Constitution. Evidemment, on ne change pas la Constitution sans une nouvelle consultation populaire. Donc, il est extrêmement difficile de renoncer à cette loi sauf en cas d'un nouveau vote, mais ça ne peut se faire rapidement. Il y a peut-être un autre bémol que je ne pourrais pas expliquer dans ses détails juridiques. Il y a la possibilité pour qu'un parti politique puisse établir un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme qui est une institution du Conseil de l'Europe de Strasbourg à laquelle la Suisse appartient. Evidemment on pourrait imaginer que la Cour européenne des droits de l'homme dise que cet article constitutionnel est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, voire au Pacte des Nations unies sur les droits politiques et civils. Dans ce cas précis, on serait dans une situation tout à fait difficile que je ne pourrais préciser. Mais nous serions dans une contradiction avec nous-mêmes, nous reconnaissons la Convention européenne des droits de l'homme, nous reconnaissons la compétence de cette cour et d'un autre côté nous avons une institution qui est bien plus ancienne qui applique la démocratie directe et qui se doit au référendum et à l'initiative. Ce qui va remettre en question notre conception de certains éléments de la démocratie. Mais, on n'en est pas là.
Un dernier mot...
J'espère que les Algériens comprendront que la Suisse n'est pas antimusulmane et qu'elle a aussi des problèmes qu'elle essaie de résoudre dans le cadre de ses droits.


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