Cinq films de cinq réalisateurs, un échantillon du riche vivier que constitue notre cinéma algérien en renouvellement. «Etre une transition entre l'ancienne et la nouvelle génération qui arrive» et «ne pas vouloir faire des films pour être vus par la famille et proches, mais pour un large public dans des conditions professionnelles conformément aux normes universelles». Deux idées soutenues respectivement par Mounès Khemmar et Yasmine Chouikh, cinéastes, peuvent résumer, à elles seules, les visées, choix et objectifs de la nouvelle génération de cinéastes algériens. En effet, en près de dix ans, celle-ci est parvenue à s'affirmer et se hisser en haut de la scène nationale, mais aussi internationale grâce à des films qui ont le mérite et qui n'ont de cesse, aujourd'hui, de rafler des prix outre-mer. Et d'ailleurs même ici. Des cinéastes qui ne demandent qu'à être écoutés, soutenus et encouragés. C'est dans cette optique qu'a été organisée la soirée de mardi dernier à la salle Ibn Zeydoun (Oref), placée sous le signe du renouvellement du 7e art en Algérie, celui-là même qui constitue une véritable rupture avec l'ancien, car finalement, avouons-le, il n'y a pas eu de transmission du savoir. En effet, la tragédie nationale faisant, nos réalisateurs des années 1970 pour la plupart avaient choisi soit l'exil, soit changer de créneau. Aujourd'hui, si le cinéma renaît de ses cendres c'est grâce à cette nouvelle génération hybride qui fait fi de tout bois en s'adonnant au système D. S'il existe quelques vieux routards du cinéma algérien, rescapés du tremblement de terre (terrorisme, mais aussi du changement du système économique algérien) qui a secoué le pays et qui reprennent le chemin des plateaux de tournage, à côté, l'Algérie a vu naître des tentatives embryonnaires qui, aujourd'hui, ont la trentaine pour moyenne d'âge. Exit le cinéma à bout de ficelles. Des jeunes en herbe dites-vous? L'image de l'Algérie en outre-mer se mire aujourd'hui à travers ces bouts de films dont certains se révèlent de véritables bijoux cinématographiques. Le ministère de la Culture l'a enfin compris. Cette année, le département de Khalida Toumi s'est donc naturellement tourné vers ces jeunes en octroyant des aides à dix cinéastes. Parmi ceux-là, Mounès Khemmar, réalisateur et producteur qui, avec Le Dernier passager, met le turbo et parvient à rafler le Prix du meilleur court métrage au Festival arabe d'Abu Dhabi. Son film touchant, à plus d'un titre, se passe de dialogue. L'histoire, en sept minutes, est celle d'un jeune artiste (Mohamed Bouchaïb) désavoué, qui après s'être suicidé, son âme vogue une dernière fois sur terre afin de réaliser ses deux plus chers rêves, et les approcher enfin: l'amour de sa vie et la scène... mettre en lumière les rêves sous-jacents des êtres qui n'ont pas eu la chance de montrer suffisamment leur talent, est le propos de cette oeuvre. Un film poétique où la musique est mise à profit généreusement pour dire les choses, les donner à ressentir. Dans un autre registre est le film de Omar Belkacemi, intitulé Dihila. à travers la souffrance d'une mère kabyle, c'est à toutes ces mères délaissées dont le mari émigre que le réalisateur tend à rendre hommage dans son film. Sans grand pathos, le réalisateur parvient aussi à décrire avec fidélité la vie paysanne kabyle sans tomber dans le misérabilisme comme c'est un peu le cas dans le film Ahmed de Mourad Zidi où il est question d'un enfant qui se démène désespérément pour gagner de l'argent afin de faire opérer son grand-père malade,. Autre forme de narration décalée est celle du court métrage La Cité des vieux de Yahia Mozahem. Celui qui nous a habitués au style burlesque dans ses films ou feuilletons-télé ne déroge pas à la règle dans celui-là. Le réalisateur met en scène un quartier de vieux où il ne reste qu'un seul jeune, Wahid (Mohamed Bouchaïb) présupposé à l'émigration. Le ministère des vieux retraités symbolisant l'Etat ne fait rien pour ce jeune. Bien au contraire, il l'encourage à partir. C'est ce que tend à démontrer le réalisateur. Même le président, vraisemblablement incarné par feu Larbi Zekkal, pourchasse notre jeune homme dont la fille s'est entichée... Enfin, seule femme au tableau est, Yasmine Chouikh, qui présenta son nouveau court métrage Djins récompensé du Prix de la Fédération des critiques de cinéma russes. L'histoire de Djins, se déroule dans un petit village du Sud algérien, Taghit, que la réalisatrice connait très bien. Une légende raconte qu'un homme ne pouvant avoir de progéniture fit un pacte avec le maître des djins, celui-ci l'aida à enfanter, à condition qu'à sa puberté, l'enfant revienne au monde des djins. Quelques années plus tard, l'homme refusa de livrer sa fille au jeune djin venu la chercher. Fou de colère, le djin jura que si dans les six jours on ne lui rendait pas la fille, il posséderait toutes les femmes du village. Depuis ce temps-là, chaque fille de la tribu devenant pubère, a six jours pour prouver qu'elle n'est pas la proie du djin. Le jour de sa puberté, Amber subit la même initiation que ses aïeules. Mais sa rencontre avec une étrange fille, va bouleverser sa vie. Bien que l'image du film est très belle sur un plan esthétique, sur un plan purement cinématographique, le film pêche par un manque de cohérence pour un sujet aussi profond. La réalisatrice ne semble pas encore prête à en démordre avec ce sujet qui traite de la femme. Bab, son premier film, l'abordait autrement et avec plus de simplicité. Quoi qu'il en soit, bonnes ou mauvaises, il faut multiplier les expériences, c'est pourquoi on ne cessera de dire: «Soutenons le cinéma algérien!»