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«L'écriture m'a sauvée de la déraison»
PUISQUE MON COEUR EST MORT DE MAISSA BEY
Publié dans L'Expression le 20 - 01 - 2011

Plutôt deux fois qu'une. Barzakh a eu la judicieuse idée de publier en parallèle à ce roman incendiaire, un autre récit aux accents intimes, L'une et l'autre suivi de Mes pairs.
L'être humain est capable des pires et abjects exploits. Que reste-t-il quand il a tout perdu? La liberté de faire ce qu'il veut, quitte à se fourvoyer? Que fait-on quand on vient à nous voler notre gosse, notre chair et sang? Se venger?Est-ce la seule solution pour aller mieux? Comment faire alors pour échapper au cycle de la haine? C'est la problématique que pose Maïssa Bey dans son nouvel ouvrage incendiaire récompensé récemment du prix de la Méditerranée de l'association de langue française, Puisque mon coeur est mort.
Un roman dont le titre fait écho à l'un des poèmes de Victor Hugo Veni, vidi, vixi et son vers final «Puisque mon coeur est mort, j'ai bien assez vécu». Ce poème, Victor Hugo l'avait écrit suite à la mort de sa fille Léopoldine. Mais où veut en venir Maïssa Bey?
Dans son nouveau roman publié aux éditions Barzakh, il est question d'une maman, Aïda, quarante-huit ans, divorcée, qui perd son enfant, son garçon ayant été assassiné un soir alors qu'il rentrait chez lui. Nous sommes dans les années 1990, en plein de ce que nous appelons aujourd'hui «la, tragédie nationale».
La perte de Nadir va faire naître en elle un sentiment jusque-là insoupçonné. Aïda lui écrit chaque jour dans des cahiers d'écolier. L'heure de la vengeance a sonné? Conviée à parler de son roman, Maïssa Bey était l'invitée, mardi, du Centre culturel français d'Alger et interrogée par l'universitaire français Jacques Perrain qui a bien su mener cet échange fructueux. Première question incontournable liée à l'actualité brûlante de la Tunisie mais aussi de l'Algérie.
Maïssa Bey fera sienne le titre du livre de l'écrivain Stephan Essel, Indignez-vous, en donnant comme exemple le peuple algérien qui l'a déjà fait ne serait-ce qu'au cours de la lutte de Libération nationale. Place au décryptage du roman et de l'interview de l'écrivaine.
«C'est le roman le plus abouti», dira M.Perrain à propos de Puisque mon coeur est mort car il renvoie, nous apprend-on au passage de la lecture à l'écriture tout en révélant la grande lectrice qu'est Maïssa Bey à l'instar d'un Jean-Paul Sartre écrivant Les mots. «Cela renvoie aussi au passage de l'écriture pour soi à l'écriture pour les autres, en somme d'auteur à écrivain».
A cela, Maïssa Bey confiera que son passage à l'écriture dans son cas fut «très douloureux» et d'autant plus difficile dans une région comme Sidi Bel Abbès ou elle s'était construite une sorte de personnage dans sa ville, celle de professeur de français noyée dans des coutumes, normes sociales et valeurs inculquées par la famille.
«Il ne fallait pas déborder et aller au-delà des frontières» et d'ajouter: «Certains auteurs ont toujours su qu'ils deviendraient écrivains. Cet objectif je ne l'ai jamais eu pour deux rasions: d'abord le respect des valeurs et la position de lectrice très exigeante que j'étais.»
Maïssa Bey fera remarquer que «l'écriture est un exutoire, un moyen de ne pas se sentir seule».
Le glissement vers l'écriture s'est opéré, dit-elle, naturellement, en pleine tragédie nationale. Car elle sentait le besoin de faire face à la situation du pays qui sombrait dans le chaos et surtout lui donner un sens. «J'ai essayé de chercher et retrouver ce qui pouvait me raccrocher à la beauté, sortir de l'enfermement, pousser les murs afin d'imaginer le monde. L'écriture m'a sauvé de la déraison.» Plutôt deux fois qu'une. Barzakh a eu la judicieuse idée de publier en parallèle à Puisque mon coeur est mort, un autre récit aux accents intimes, L'une et l'autre suivi de Mes pairs.
Des textes où l'orpheline Maïssa se raconte et confie toujours et encore le silence et l'absence du père qui l'habitent. Autrement dit, écrire la même chose mais toujours de façon différente comme disait Mohamed Dib.
«Tout passe par la relation à l'autre, le lecteur et l'autre qui est en soi», indique-t-elle.
Evoquant son style d'écriture, Jacques Perrain relève une «écriture précise et plus affinée avec des phrases concises qui tombent» (tombes) comme des haches, des pierres qui vous éclaboussent en plein figure...
L'écrit de Maïssa Bey devient un cri! «Les livres que j'écris sont motivés par le silence, la colère et l'indignation. Je n'ai que les mots comme arme.»
Et de renchérir: «Les femmes dont je parle dans ce roman ont été condamnées à une double peine, d'abord par l'indifférence qu'on affiche à leur égard et ensuite par l'oubli. Je les ai rencontrées. Certaines tombent dans la folie. La question qui s'est imposé à moi est, ai-je le droit de m'accaparer leur histoires? mais la volonté d'aller au-delà était plus forte. Il fallait que ce soit dit.»
Maïssa Bey évoque son devoir de dire, raconter, témoigner, bref son rôle d'écrivain.. Et d'aborder le sujet crucial de son livre: La violence. Et de constater: «Il y a un espace de contagion qui amène à réagir de la même façon que celui qui est en face de nous. La haine engendre la haine.»
Une remarque qui n'est pas loin de nous rappeler le film de M'barek Menad, diffusé la semaine dernière au CCF, portant le nom de Concerto pour deux mémoires oubliées qui traite du même sujet.
«Plus j'avançais dans l'écriture, plus je me demandais en réécrivant à plusieurs reprises la fin de mon roman si cela répondait vraiment à ce que je voulais exprimer. Je n'acceptais pas cette fin préméditée. Même si au début j'avais cette image de vengeance...»
Evoquant l'engagement de l'écrivain dans la société, Maïssa Bey regrettera que ce dernier ne soit pas très entendu en Algérie arguant que la place qu'on accorde à la littérature est bien minime.
«Les écrivains sont marginalisés. Combien de tirages pour 38 millions d'habitants? Que vaut la parole d'un écrivain à ce niveau-là? Je me méfie personnellement des mots tel un veilleur de conscience. Personnellement, je me définis comme une faiseuse d'histoire. Ce qui m'importe est que mes livres suscitent un écho chez le lecteur, des questionnements pour qu'ils se sentent moins seuls».
Solitaire et solidaire comme écrivait Catherine à propos de son père Albert Camus, voilà ce qui pourrait résumer l'esprit de l'auteure Maïssa Bey.


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