Le procès de l'«Angolagate» s'est ouvert hier devant la cour d'appel de Paris, qui va examiner jusqu'au 2 mars cette affaire de trafic présumé d'armes vers l'Angola sur fond de guerre civile, pétrole et diplomatie parallèle. Accusés vedettes, l'homme d'affaires franco-angolais Pierre Falcone, 56 ans, et l'ancien ministre français de l'Intérieur, Charles Pasqua, 83 ans, la mine sombre, étaient assis au premier rang de la grande salle d'audience. Ils étaient 42 accusés lors du premier procès, tenu il y a deux ans devant le tribunal correctionnel. Ils sont cette fois une vingtaine, qui ont fait appel de leurs condamnations et sont poursuivis soit pour avoir organisé ou facilité la vente d'armes, sur la période 1993-1998 et pour un montant estimé à 790 millions de dollars, soit pour avoir perçu des pots-de-vin. Un autre acteur principal présumé, le businessman franco-israélien d'origine russe Arcadi Gaydamak, 58 ans, est en revanche absent, comme lors du premier procès. Falcone et lui avaient été condamnés à six ans de prison ferme en première instance, reconnus coupables de commerce «illicite» d'armes vers l'Angola, pays d'Afrique alors en guerre civile. Le premier est écroué depuis, le second en fuite. «Je conteste tous les faits qui me sont reprochés», a déclaré Pierre Falcone, appelé à la barre. Il a déploré «onze années de torture et d'humiliation» infligées, a-t-il dit, à lui-même et à sa famille. Le président, Alain Guillou, lui demande si sa résidence est toujours «Luanda», comme il l'avait déclaré aux enquêteurs. «Il n'y a rien de nouveau», répond-il, debout au micro, blazer et pantalon sombres. Et il demeure «ministre conseiller (ambassadeur) auprès de l'Unesco pour l'Angola», confirme-t-il. Son métier de directeur de sociétés? Quelles sociétés? lui demande le président de la cour. «Les mêmes: agro-industrie, pré-financement, trading, pétrole, courtier financier...». Où réside votre famille? «Au Mexique», répond-il. Charles Pasqua est quant à lui soupçonné d'avoir perçu indûment des fonds en échange de son lobbying. Il avait écopé de trois ans de prison dont un ferme en première instance. Selon son avocat, Me Léon Lef-Forster, il est décidé à démontrer «le caractère totalement infondé» des accusations portées contre lui. «Un homme comme lui ne se lasse jamais», a-t-il déclaré avant l'audience. Son ancien bras droit à l'époque, l'ex-préfet Jean-Charles Marchiani, est également parmi les prévenus, de même que plusieurs anciens salariés de la société de Falcone, Brenco, des proches et divers intermédiaires. Jean-Christophe Mitterrand, le fils de l'ancien président socialiste François Mitterrand, n'a pas fait appel de sa condamnation à 2 ans de prison avec sursis et 100.000 euros d'amende, mais s'est malgré tout présenté à l'audience, «une petite partie civile ayant fait appel» de l'ensemble du jugement, a-t-il expliqué. Les trois premiers jours d'audience devraient être largement consacrés à des points de procédure soulevés par la défense, qui conteste fermement le caractère «illicite» de la vente d'armes. Elle a cité une vingtaine de témoins, dont l'ancien président Jacques Chirac, son ex-Premier ministre, Dominique de Villepin, l'actuel ministre de la Défense, Alain Juppé...Peu d'entre eux devraient néanmoins se présenter, à moins que la cour ne l'exige.