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LE TEMPS DE LIRE «LES TROIS DOIGTS DE LA MAIN» DE SLIMANE AIT SIDHOUM
Publié dans L'Expression le 06 - 11 - 2002

Ce personnage au courage entêté, au verbe truculent, serait-il un antihéros ?
C'est que l'histoire que raconte Slimane Aït Sidhoum dans son roman Les trois doigts de la main (*) est époustouflante de drôlerie, de gravité, de délire sentimental, et surtout d'imagination. Un texte que certains trouveraient agaçant - non pas provocant - tant le personnage-narrateur, victime d'un attentat au bus piégé, et même souffrant terriblement de blessures profondes sur tout le corps (sans compter «une amputation accidentelle» de trois doigts de la main), et même installé sur un chariot du service des urgences de l'hôpital, ne cesse de confondre fiction et réalité et d'user de citations littéraires puisées dans un fonds culturel très riche et varié, conservé intact par sa mémoire.
Ses élucubrations vocables, ses calembours mordants pour exprimer ses affres intérieures - ses amputations physiques et morales - sont orchestrées comme les sons tirés de quelque tonneau fantastique martelé à la manière d'un percussionniste d'un célèbre groupe moderne dont j'ai oublié le nom et que le narrateur, j'en suis sûr et certain, est encore capable de nous le rappeler. «Ma mémoire, dit-il en effet, malgré la déflagration, était restée vivace et prolifique par une production effrénée des substances anecdotiques.» Puis tout dans sa langue très personnelle est dérision, incapacité, chose improductive, chose insignifiante, «désarroi total», un pays et une société impossible ! Le narrateur, c'est presque toujours l'auteur, se rend à l'évidence: «J'avais hâte de montrer mon côté puéril que je noyais sous des tonnes de maîtrise factice.» C'est pourquoi «Dans la situation de naufrage intégral», il espérait, «dans un éclair de nostalgie», une visite inattendue, mais agréable, celle de Khaled, enfin «le visage d'un proche», «avec son sourire aigu et juvénile, doublé de son empressement habituel» et à qui, pour le rassurer et pour se soulager lui-même un peu, il fait le «bilan clinique exhaustif des parties endommagées, comme on égrène des événements heureux». Quelle dérision! «Tu peux dire, affirme-t-il à Khaled, d'un ton mi-sérieux mi-souriant, que je m'en étais sorti avec peu de dégâts: une amputation des trois doigts de la main droite. Une fracture au tibia droit, des plaies au niveau des pieds, doublées de brûlures du second degré, ainsi que le profil gauche du visage brûlé aussi au deuxième degré. Sans oublier les points de suture sur la tête, sinon à part ça tout va bien».
Cependant, quelque chose de tout à fait inattendu se produit au moment où le pessimisme du narrateur est à son paroxysme. «Dans ce monde impitoyable de la mutilation et des grands malades, nous révèle-t-il, j'ai entrevu une image qui avait les allures d'une île salvatrice pour un Robinson en plein désarroi. Je découvrais par la grâce d'une apparition heureuse un sanctuaire de tendresse, incarné par un Ange au sourire réanimateur. (...) Derrière des lunettes démodées, son visage était mis en valeur par des cheveux ramassés en tomate. Elle inspirait le respect et diffusait dans l'air glacial de ce sous-sol, une aura doucereuse qui atténuait les rigueurs de l'hiver. Intuitivement, je subodorais que j'avais atterri entre les meilleures mains du monde et que j'étais d'ores et déjà sauvé. Et pour oublier mes plaies et les éclats qui avaient éclaboussé mon corps, je m'entendais répétant: Sois amoureux d'elle. Après le coup du sort, la bagatelle serait le coup de foudre.»
Et plus loin, le narrateur nous fait cet aveu: «Farfelu et d'une légèreté affligeante, je donnais toujours aux situations un côté comique et absurde.» C'est bien dans le style général du récit pour exposer les faits et pour inciter à les analyser en toute objectivité.
Et nous voilà donc en plein dans «un conte moderne écrit avec des sonorités algériennes». A son «Ange» qui le rassure, le narrateur fait «une description assez exhaustive de (sa) situation clinique en un français châtié». Or, non pas son «Ange», mais «le hasard (lui) avait réservé un apprenti médecin maladroit». Il va subir le martyre. Plusieurs pages sont consacrées au décor de la salle d'examen et aux faits et gestes bons et mauvais des hommes en blanc de ce singulier hôpital. Là, il faut en plus veiller à ne pas vous faire sauter votre tour de passage en chirurgie «parce que, sincèrement dans ce pays, c'est toujours celui qui gueule plus que les autres qui passe en priorité». La preuve est immédiate. Le narrateur donne l'exemple du Drômois, à l'accent «bien de chez nous», qui fait irruption «avec toute la smala qui l'escortait et qui le propulsait au rang de concurrent redoutable».
Cependant, le roman, à bien des égards autobiographique, de Slimane Aït Sidhoum n'est pas que cela. «Les trois doigts de la main» (mais lesquels?) est un symbole obsessionnel lancinant que le lecteur saura découvrir de lui-même pour se délecter d'une lecture forte d'un vrai premier roman et pour comprendre, s'il ne le sait encore, comment le monde fonctionne autour de lui.


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