Notre ministre de la Pêche vient, enfin, de livrer ses intentions. Dans un point de presse qu´il a tenu, mercredi dernier, à l´issue d´une réunion avec les directeurs de pêche des wilayas, il a clairement affirmé son objectif de production mixte (poisson de mer et poisson d´eau douce). Il est convaincu que la Méditerranée ne peut nous donner que «6 kg par an et par habitant» alors que le ratio fixé par la FAO (ce n´est pas lui qui le dit) est de 13 kg. Déduction: notre ministre compte sur les barrages pour combler la différence. «Une richesse halieutique non négligeable se trouve au fond de nos barrages», a seulement déclaré le ministre sans donner d´estimation. On le croit cependant volontiers, puisque nous pouvons témoigner qu´il n´a raté aucune mise en service des nombreux barrages construits ces dernières années pour aussitôt les ensemencer. Nous lui devons donc cette «cette richesse halieutique des barrages». Voilà des années qu´il court de barrage en barrage et ce n´est que maintenant qu´il dit publiquement ce qu´il avait derrière la tête. Fatigué de se battre contre la mer Méditerranée qui ne peut donner selon lui «bon an mal an que 220.000 tonnes de poissons» quand nos besoins sont estimés au double, notre ministre baisse les bras et opte pour la culture du poisson en bassins fermés (aquaculture). C´est un choix. Sauf que la solution de facilité des barrages n´est pas vraiment la solution au problème de la pêche en Algérie. Un des aspects du problème est d´ailleurs évoqué par le ministre lui-même qui, dans le même point de presse, reconnaît qu «´il y a un grand travail à faire pour convaincre nos concitoyens de consommer le poisson d´eau douce». Mais il y va malgré tout. Pour barrer la route à ceux qui seraient tentés de dire qu´il n´a rien fait pour la pêche maritime, notre ministre s´empresse de préciser que la flottille nationale est «passée de 2552 unités en 2000 à 4532 en 2009». C´est-à-dire que la flottille a doublé. Mais pour le ministre «l´accroissement est de 84% et a eu une implication directe sur la population maritime totale qui est passée de 28.225 inscrits à 64 227 en 2009». Pour aller vite, relevons que nos marins auraient triplé pendant que les bateaux ont seulement doublé et qu´on ignore la progression de la production. Où est l´erreur? Peut-être bien dans les embarcations des barrages. Car il en faut là aussi. Surtout que nous avons l´objectif d´atteindre la même production que pour le poisson de mer. Ceci dit, il ne faut pas être grand pêcheur pour faire de la prospective sur la base du plan ministériel. Comme une société ne change pas du jour au lendemain son mode alimentaire, il est clair que la production des barrages ira pour partie à l´export et pour partie à l´industrie de transformation (aliments du bétail et autres intrants). Une vraie «richesse» en effet qu´il va falloir protéger pour qu´elle n´aille pas ailleurs que dans les caisses du Trésor public. Tant pis pour notre assiette de miettes des 6 kg par an! Tant mieux pour les pêcheurs des autres pays de la Méditerranée! Eux, qui se battent pour faire toujours plus de production et qui n´avaient qu´une partie de la nôtre refilée en haute mer, auront tout le poisson des côtes algériennes maintenant. C´est dur, très dur d´avaler un tel défaitisme. Surtout programmé depuis longtemps.