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La lente agonie des Patriotes
Livrés à eux-mêmes après avoir pris les armes contre le terrorisme
Publié dans Liberté le 16 - 10 - 2008

S'ils revendiquent une couverture sociale et une valorisation de l'indemnité mensuelle fixée à 11 000 DA, les Patriotes souhaitent surtout la reconnaissance et la considération de l'Etat. Reconnaissance pour leur engagement corps et âme dans la lutte contre le terrorisme, au sacrifice de leur vie, de leur intégrité physique et — pour leur majorité — de la famille et de la carrière professionnelle.
“Si je pouvais remonter le temps, je ne ferais pas le choix d'être Patriote. Qu'est-ce que nous avons gagné ? Rien, alors que nous avons négligé nos familles et risqué nos vies à tout instant”, s'emporte Abdi Ahmed, chef du groupe des Patriotes du douar Sidi Abed à Birtouta. Au milieu des années 1990, rien que l'énoncé du nom de cette agglomération faisait frémir d'épouvante les Algériens, ébranlés notamment par la publication dans la presse nationale des photos de visages, figés par la mort, de deux sœurs assassinées par des groupes armés. Ahmed a rejoint le noyau embryonnaire des Patriotes de Tessala El-Merdja en 1995, en réaction à une attaque terroriste contre sa famille. Le groupe armé lui a subtilisé l'équivalent de 720 000 DA en bijoux, mobiliers… et une R4. Une véritable fortune à l'époque. “J'ai rencontré l'oncle de Nenouche, qui m'a demandé si je voulais prendre les armes. J'ai immédiatement dit oui. Il m'a mis en contact avec son neveu, qui nous servait d'intermédiaire avec les responsables du commandement militaire.” Son groupe, composé au final de 72 hommes, opérait dans toute la région de la Mitidja. “La plupart du temps, nous nous déplacions à pied. Au début, l'armée nous donnait des tenues de combat et des chaussures adaptées. Puis, il fallait nous débrouiller par nous-mêmes.” Nos interlocuteurs nous guident à travers les pistes tortueuses du village jusqu'aux vergers du douar Baba-Ali-Lyes, lesquels promettent une bonne récolte de pommes et d'oranges pour la saison. Qui croirait que quelques années plus tôt, cet endroit, qui sent bon les arbres fruitiers, était interdit d'accès à ses propriétaires. Les hommes de Belhadi Redouane et de l'“émir” Dziri régnaient en maîtres des lieux. “Nous avons découvert une casemate construite sur deux niveaux (12 mètres de profondeur). En réussissant à neutraliser le groupe, les habitants sont revenus au douar, en exigeant que les Patriotes assurent la garde durant la nuit”, raconte Mâlaoui Derouiche. En 1994, le sexagénaire a été pris de force, de son domicile familial, par des terroristes qui l'ont confondu avec un autre citoyen. Ce dernier avait donné des informations ayant permis aux éléments de l'ANP de tendre une embuscade à un groupe islamiste armé. “On m'a tabassé trois jours durant. On m'aurait certainement tué si l'un d'eux n'était pas intervenu en faveur de ma libération, en révélant l'erreur commise sur la personne recherchée. Je me suis rendu à la brigade de gendarmerie pour déclarer mon kidnapping. Personne n'a voulu prendre ma déposition. Quelques mois après, je suis devenu Patriote.” Mâlaoui regrette les 13 points de retraite qu'il a perdus et le salaire qu'il avait à l'entreprise publique qui l'employait. “Je touchais 19 000 DA à l'époque. Si j'avais conservé mon poste. Mon salaire aurait certainement évolué au lieu des 11 000 DA que je perçois aujourd'hui.” De temps à autre, le commandement militaire sollicite une trentaine de Patriotes, encore en activité à Tessala El-Merdja, pour participer à des opérations de ratissage. Autrement, l'oisiveté guette ceux qui n'ont pas su — ou pu — se reconvertir dans les affaires. “Pendant la campagne électorale pour les législatives de 2007, Ahmed Ouyahia et des candidats à la députation sont venus nous parler et nous écouter. Ils nous ont promis de régulariser notre situation. Nous les avons jamais revus”, rapporte Kouhil Amar. En intégrant le corps des Patriotes, son ami Zerzour Aïssa a pris le soin de mettre sa famille à l'abri dans une location en ville. Il a puisé toutes ses économies. À présent, c'est une tante qui l'héberge avec son épouse et ses enfants. Il ne subsiste qu'avec la solde.
Les Patriotes ne sont détenteurs d'aucun document officiel attestant de leur appartenance aux corps constitués. Le permis de port d'arme ne sert presque qu'à les distinguer des ennemis de la nation. Pourtant, parce qu'ils sont assimilés, dans l'absolu, à des paramilitaires, ils subissent les contraintes posées aux éléments de l'ANP et de la Gendarmerie nationale —dont la discipline — mais sans les avantages. À la moindre faute (tirs de sommation lors d'un mariage, par exemple), la kalachnikov est retirée et l'indemnité supprimée. S'organiser en association ou faire des déclarations intempestives à la presse ne sont pas admis non plus. Les Patriotes de Boufarik ont fait les frais d'une politique défavorable aux groupes d'autodéfense. La plupart d'entre eux sont désarmés.
Depuis une année, ils n'ont plus d'endroit pour se réunir. Le local, attribué par la wilaya, leur a été enlevé au profit d'une association de jeunes. Plusieurs d'entre eux ont refusé de nous parler à visage découvert, afin d'éviter des ennuis. À quelques kilomètres de là, Ammi Aïssa a aussi gros sur le cœur. “C'est le nif qui m'a incité à prendre les armes avant la catastrophe (massacre du Raïs en septembre 1997, ndlr).” Au départ, il nous a fait jurer de ne publier un mot de ce qu'il nous racontera. “J'ai déjà donné des dizaines d'interviews à la presse nationale et internationale sans que cela change le cours des choses.” Grâce aux sollicitations de son camarade Lakhdar Morsi (coordinateur des Patriotes de Sidi-Moussa), il a consenti à nous livrer une infime partie de sa mémoire et… de sa rancœur. “Nous avons souffert pour rien. J'ai si mal d'être si mal considéré. Sans l'ANP, nous ne serons pas là aujourd'hui. Ce sont les terroristes qui nous ont anéantis. On les voit à présent soutenus.” Nous avons appris lors de notre reportage à Sidi-Moussa que les camions de l'ancien “émir” de l'AIS, Kertali, distribuent le lait en sachet dans la commune.
Des repentis ont construit des villas, ouvert des commerces et roulent dans des voitures rutilantes, tandis que des Patriotes peinent à boucler leurs fins de mois. Ammi Aïssa a usé ses pieds dans le tribunal de Larbaâ afin d'intégrer son fils dans la catégorie des victimes du terrorisme. “Il a réussi à déjouer un attentat contre l'hôtel El-Aurassi en informant à temps les services de sécurité. En représailles, les terroristes l'ont tué devant sa maison. Je connais celui qui l'a assassiné. Il est libre. Si j'ose l'interpeller, on me retirera mon arme et mon indemnité.” À 74 ans, Ammi Aïssa dit de ne pas avoir peur de la mort. “Qui viendra à mon enterrement ? À peine une trentaine de personnes, parmi lesquelles des gendarmes et des policiers. Vous savez pourquoi ? Nous sommes considérés comme des taghouts, parce que nous avons pris les armes contre les terroristes… Heu pardon, les moudjahidine comme on doit les appeler.”
Evidemment, tous les Patriotes ne vivent pas dans le dénuement. La débrouillardise ou un patrimoine propre ont sorti des dizaines de résistants de l'ornière de la pauvreté. Il n'en demeure pas moins, qu'ils soient nantis ou démunis, tous les Patriotes revendiquent le droit à la reconnaissance de l'Etat pour l'avoir activement assisté dans sa lutte contre le terrorisme.
Souhila Hammadi
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