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Un harraga d'Aïn El-Hammam relate son aventure
Après 5 ans de “labeur” clandestin en France
Publié dans Liberté le 23 - 04 - 2009

“Si c'était à refaire, je le referais, mais pas en aventure comme en 2002 ! À quoi bon ? Il n'y a pas plus horrible et inquiétant que lorsque vous regardez de tous côtés, où vous voulez, moteur de votre barque silencieux (panne), pour ne voir qu'une immensité d'eau, rien que de l'eau, de vallon en vallon du liquide s'élevant autour de vous et jusqu'aux infinis horizons, rien que des vagues et du bleu sans écume.”
Ce harraga, avec ses 31 ans aujourd'hui, est encore si jeune et ne veut pas déposer l'aiguillon à terre, comme le disait un dicton de la paysannerie kabyle, malgré le demi-échec de son aventure en 2002, alors qu'il n'avait que 24 ans. Tahar Naït Chikh — il s'agit de lui — avait tenté, en effet, et réussi sa harga (littéralement, “griller”, violer l'interdit, ou, si l'on veut, une frontière), avant de se faire prendre dans un chantier, suite à une dénonciation certainement, après plusieurs années de labeur dans la clandestinité. Originaire d'Aïn El-Hammam, plus précisément de Tiferdoud, un village perché sur les hauteurs rocailleuses de Kabylie, Tahar ne savait plus, en cette année, quoi faire et pourquoi donc continuer à vivoter chez lui où tout brin de loisir lui paraissait irréalisable, impossible à palper. Pourtant, en 2002, il travaillait bien dans le garage de mécanique de son père et gagnait son pain normalement. “Insuffisant”, estime-t-il. Son exclusion prématurée de l'école, le regard de haut porté sur lui par les grands dans tout service d'administration et beaucoup d'autres choses encore dans la société entretenaient en lui cette flamme et ce désir ardent de s'en aller au plus vite vers d'autres contrées, vers d'autres cieux, au-delà des mers, s'il le faut, où, du moins, la personne humaine a droit de cité. Chose pensée, chose à concrétiser. Comme il a beaucoup d'amis pêcheurs du côté du littoral de la Kabylie, Tigzirt notamment, Tahar lance l'idée de griller, de violer les interdits de la mer pour rejoindre, à la barque, l'autre rive de la Méditerranée ; une idée qui taraudera encore, sitôt dite, l'esprit de ses amis.
À onze doués pêcheurs au port de Tigzirt, auxquels le fruit de leur labeur ne profitait guère, ils résolurent à laisser vieillir sous les eaux le poisson qui ne fait plus vivre ses hommes, le citoyen moyen ne l'achetant plus, car trop cher par rapport à son niveau de vie. Le rêve de cet outre-mer de la liberté les ayant fascinés au fur et à mesure qu'ils pensaient jusqu'au mûrissement de l'idée de partir. Partir où ? Partir, c'est tout… à l'aventure, avec 80 à 90% de chances de réussir. Le 15 août 2002, par une nuit de lune, calme, comme annoncé par la météo, ils embarquèrent à onze sur une barque à moteur, au bord d'une crique de Tigzirt et cap vers le Nord. Les provisions en eau et en nourriture réunies. Au bout de six jours de tangage en haute mer, voilà nos harragas qui jettent l'ancre à proximité d'une plage dont ils ignorent le pays d'appartenance (la France, l'Espagne, l'Italie ?). Nul ne le sut sur le moment. La nuit et quelques heures d'errance vers les lumières. Ils parcoururent un petit mile de plage pour arriver sur la terre ferme. Tahar Naït Chikh et ses camarades touchent, sains et saufs, un port d'attache, avant de se lancer, chacun son chemin, dans un coin de Marseille où ils furent reçus clandestinement par des amis. Notre harraga narre qu'il rencontra, par hasard, dans une agglomération, un Egyptien à qui il proposera son aide dans le transport de ses valises et cabas. Volontiers, et la chance ne lui sourit pas moins, comme à plusieurs d'entre ses camarades, plus tard, après s'être séparés un à un pour que personne ne puisse dénoncer personne en cas de surprise policière. Djamel, le plus doué des navigateurs, trouvera quelqu'un de son village et travaillera clando jusqu'à sa régularisation.
Tahar, lui, suivra son Egyptien, Ahmed, un entrepreneur installé à Saint-Nazaire. Il y travaillera pour lui, dans le bâtiment, d'autant que Tahar est un artiste en peinture, comme sur les planches aussi, puisqu'il eut même à monter sur les planches et jouer avec feu Mohya dans plusieurs des pièces du regretté dramaturge. Une chose étonne Tahar. Pourquoi partout ailleurs, nous jouions à guichets fermés, mais ici, chez nous, en Kabylie, j'ai l'occasion de monter sur scène avec onze comédiens — le chiffre onze me porte bonheur à chaque départ, mais échoue à chaque fin — avant de constater qu'il n'y a que… neuf spectateurs. Révoltant ! Il nous rappellera même le titre d'un livre encore inédit de Mohya : Les fourberies de Scapin. Il s'étonne pourquoi la réussite est quasi sûre hors de nos frontières, mais jamais ici, lorsqu'on est honnête ? Chez nous, travailler honnêtement pendant des décennies, tu ne réussiras pas à t'acheter un logement ou une voiture, aussi banale soit-elle, mais hors de notre cher pays, si tu travailles honnêtement moins d'une année, tu pourras t'acheter une voiture, te loger décemment… Pourquoi la malédiction ne frappe que les honnêtes gens en Algérie ? se demande-t-il, pour justifier son acte qu'il ne regrette pas et qu'il est prêt à refaire à la moindre occasion, mais d'une autre manière, pas par la mer. Pendant les quelques années vécues en France en clandestin, il réussit à gagner jusqu'à plus de 5 500 euros par mois, selon lui. “C'est vrai, je ne trichais pas, ce n'est pas mon truc, la triche. Sans papiers, j'ai pu entrer en Espagne, en Belgique pour plus d'un mois, en Allemagne, en Suisse. Comme nous étions des bosseurs, nous avions réussi. Djamel, mon camarade navigateur est désormais installé là-bas en France. Personnellement, j'ai pu avoir un boulot, au noir évidemment, obtenir un HLM à 385 euros le mois, en plus de l'expérience que je ne regretterai jamais. En cinq années, j'ai eu beaucoup de chance, surtout d'extirper de mon esprit cette mentalité d'un blédard qui m'empêchait de voir au-delà des horizons et préfigurer l'avenir et la réussite.” Parlant des malheureux harragas qui ne réussissent pas, qui se font arrêter ou qui crèvent en mer, Tahar Naït Chikh dit que “si c'était à refaire, je le referais, mais pas en aventure comme en 2002 ! À quoi bon ? Il n'y a pas plus horrible et inquiétant que lorsque vous regardez de tous côtés, où vous voulez, moteur de votre barque silencieux (panne), pour ne voir qu'une immensité d'eau, rien que de l'eau, de vallon en vallon du liquide, s'élevant autour de vous et jusqu'aux infinis horizons, rien que des vagues et du bleu sans écume. Vous commencez alors à prier, à vous illusionner pour voir apparaître quelque hypothétique bateau qui puisse vous voir et vous distinguer, tanguant telle une brindille flottante au gré des montagnes d'eau en folie, que vous êtes des humains, des miraculés, une mouette peut vous réconforter… Plus jamais ça !”, dit Tahar qui préconise en revanche de nombreuses astuces, telles que solliciter le visa auprès de consulats d'autres pays, comme le Mexique, la Malaisie, la Chine, la Thaïlande, l'Argentine ; c'est très facile à avoir, ensuite se débrouiller, au lieu de risquer bêtement sa vie en mer.
L'exemple de la Malaisie, un pays pour lequel l'on n'a pas besoin de visa. Il suffit d'être un peu doué et c'est la réussite à 98%, avant de virer en Europe où les chances de s'en sortir pour le travail sont encore meilleures, explique encore notre malchanceux harraga qui se dit déprimé par son arrestation, récemment, car “lors de mon retour (expulsion), après 35 jours dans le centre de rétention, le regard des policiers à l'aéroport d'Alger m'a d'autant plus révolté, c'est comme si j'ai commis quelque crime, alors que j'étais parti pour gagner mon pain et me faire un avenir le plus honnêtement possible. Lorsqu'on m'a pris, c'était dans un chantier, travaillant normalement, personne ne m'a touché en me reconduisant simplement à la frontière. Et dire que sans papiers, j'ai réussi, j'ai pu avoir un HLM à 385 euros le mois. Mais, ici, tu ne peux pas, avec toute ta paperasse, c'est comme si je suis un étranger dans mon pays. Tu ne trouves pas bizarre, tout ça ? Non ? Là où tu pars, c'est l'enfer des regards des autres. Est-ce moi qui suis étranger ou est-ce toute l'administration du pays qui est étrangère ? Cette question me torture l'esprit, je vous assure… En Algérie, j'ai travaillé quelque 10 ans comme tôlier, ce qui m'a permis, en partant d'ici, d'avoir du travail chez Ahmed l'Egyptien, qui m'a exploité pendant trois années, mais j'ai accepté car je sais que je m'en sortirai ensuite. Au tout début à 38 euros le mois, puis à 45 et enfin à 61 euros”. Spécialisé du travail de l'intérieur du bâtiment (papier peint, peinture, décor, moquette, etc.) Tahar, par son travail et son honnêteté, réussit à mettre un peu d'argent de côté, et même à se faire délivrer des cartes vitales pour tout travailleur : assurance maladie, soins gratuits, carte de transport annuel avec deux mois gratuits, des puces de téléphone spéciales, l'une pour ses contacts ordinaires, l'autre exclusivement pour le travail. Avec ma carte orange gratuite, je peux aller où je veux. Pour comparer sa vie au bled et le peu d'années passées en France, il
dira : “Je peux passer une année dans le centre de rétention où l'on m'a détenu avec d'autres harragas, mais pas un mois en Algérie, mon pays. Et après mon arrivée ici, l'on n'a même pas osé nous suivre psychologiquement, et Dieu sait pourtant que c'est nécessaire, comme ça se fait dans tous les pays du monde…”, déplore notre jeune harraga. “Aujourd'hui, en me levant le matin, je ne sais où il faut aller. C'est l'enfer sur terre. C'est grave, ce qui s'est passé ; sur 15 aventuriers harragas, 11 trouvèrent la mort, noyés… Pourquoi ? Personne ne s'inquiète ni cherche pourquoi ? Je me demande pourquoi Bouteflika paie les billets des sans-papiers algériens ? Les Français ont passé 130 ans chez nous tout en pillant nos biens, mais nous, on nous force à payer des pénalités, et c'est à la recherche de travail, pas autre chose ; c'est révoltant ! Je trouve très sage l'attitude du gouvernement égyptien qui ne paie jamais pour les sans-papiers de son pays. C'est ce que nous aurions dû faire, nous aussi”, préconise Tahar, qui se sent toujours en proie au feu d'ardents désirs d'évasion vers ce monde où la personne humaine, travailleuse, honnête, a toujours sa place et une chance de réussir.
S. Y.


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