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Des milliers d'immigrés subsahariens affluent sur les côtes mauritaniennes
Gagner l'Europe ou mourir en pirogue
Publié dans El Watan le 21 - 01 - 2007

Ils affluent sur les côtes mauritaniennes. Au quotidien. Depuis des semaines, voire des mois. Ils sont à Nouakchott notamment, à Nouadhibou surtout. Venus par milliers de l'Afrique subsaharienne, ces « candidats à l'exil », d'une dizaine de nationalités, attendent sur ce bout de terre peu prospère le « grand jour », le jour où ils s'embarqueront à bord d'une pirogue de fortune à la recherche de la terre promise.
Assis sur un rocher, pieds dans l'eau, tête couverte d'un bonnet en laine, Amadou M'Bombéi jette son regard loin dans l'immensité de l'Atlantique. Il se laisse emporter un instant par un rêve, son propre rêve de se retrouver un jour de l'autre côté de l'océan. A Santa Cruz de Ténériffe, à Las Palmas de Gran ou sur une autre île de la communauté autonome des Canaries. Peu importe le point de chute d'une traversée atlantique fatigante et des plus périlleuses. Ce jeune Malien, qui n'a vu la couleur de la mer qu'une fois arrivé il y a deux ans à Nouadhibou, vient quotidiennement « noyer » son chagrin ici, au cap Blanc, à quelque 13 km au nord du port de pêche de Nouadhibou, la deuxième ville mauritanienne. Chaque soir, à la sortie de son travail au crépuscule, il se rend dans ce petit bout de terre enfoncé dans l'eau océanique, comme s'il s'agit d'un lieu sacré. « Etre ici me rappelle le premier jour où je suis monté à bord d'une pirogue à destination des îles Canaries, il y a un an », lâche Amadou, s'engouffrant ensuite dans un silence religieux. Mais après un instant d'hésitation, il poursuit : « C'était un mois d'octobre. On était une soixantaine. J'ai payé ma place, comme tous les autres passagers, à 150 000 ouguiyas (près de 500 euros). La pirogue avait belle gueule. Le passeur, un Mauritanien, nous a donné rendez-vous à 3h du matin ici au milieu de ces rochers. J'ai pris avec moi le minimum permis à bord de la barque, à savoir un bidon de deux litres d'eau portable et une bouteille en plastique vide pour pisser dedans. C'est tout. Personne n'avait le droit de prendre quelque chose de plus. Le poids était bien compté. Le passeur était à l'heure. C'était une nuit très obscure ; il n'y avait pas de lune. J'étais, comme toutes les autres personnes, content d'embarquer. C'était pour moi un moment de délivrance, de rupture avec la souffrance. » Le voyage commençait bien, à 3h du matin. « Nous avons réussi à quitter le rivage sans susciter l'attention des gardes-côtes, certainement endormis. Au fur et à mesure que nous nous éloignions de la côte, je me sentais loin de la misère », se rappelle-t-il. Mais voilà que l'aventure tourne court. Au bout de quelques heures de navigation, en début de matinée, la pirogue finit par être repérée. « Les gardes-côtes nous ont pris de court. C'était un retour à la case départ. Le dépit se lisait sur tous les visages des passagers. Une profonde tristesse s'emparait de moi. Car mon rêve s'est vite effondré et l'aventure s'est terminée en queue de poisson. Pas comme je voulais. J'ai été rapatrié au Mali, comme les autres ont été refoulés dans leurs pays respectifs », raconte-t-il avec un brin de tristesse, les yeux toujours pointés droit vers l'océan. L'échec de cette première tentative n'a pas dissuadé Amadou qui, quelques mois plus tard, revient à Nouadhibou avec le même enthousiasme et la fermeté de partir vaille que vaille en Europe. Il est à son quatorzième mois dans cette ville côtière. « Je travaille, dit-il, au port de pêche pour une mensualité de 30 000 UM (90 euros). »
El Qirane ou la favela des « clandos »
Soit. Il gagne de quoi tenir jusqu'à la prochaine aventure. « Si je suis revenu ici, c'est pour partir en Europe. Ici, c'est comme à Bamako, il n'y a aucune autre perspective. Là-bas, en Europe, au moins, je suis sûr de gagner plus d'argent qu'ici, et de pouvoir envoyer de temps à autre quelques sous à ma mère et à mes deux sœurs. » Amadou essaie d'amasser un peu d'argent nécessaire pour les frais de la prochaine traversée. Il n'a pas peur de la mort. « Je suis conscient des risques de la traversée. Je risque la mort… Mais en fait, les hommes ne sont-ils pas tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis ? Et puis, qu'est-ce que la vie a donc de si regrettable pour moi ? Rien, à part la souffrance, la faim, la misère… Je n'ai rien vu de bon de cette vie », tonne-t-il comme pour exprimer un marasme tant refoulé. Il n'est pas le seul à vouloir à tout prix rejoindre l'archipel des îles Canaries. « Ici, à Nouadhibou, il n'y a qu'eux », nous confie Mansour Iry, un jeune Mauritanien désœuvré. Eux, ce sont les candidats à l'exil, les « clandestins » comme on les désigne dans cette ville de pêche. Mansour se rappelle bien du jour de départ de Nouadhibou à destination des îles Canaries de Omar Moulay, un autre Malien, chauffeur de taxi. « Il y a, à peine une semaine, il a appelé un ami. Il est à Ténériffe. Il se porte bien », indique-t-il. Les cas sont nombreux. Souvent, l'annonce d'une traversée réussie encourage davantage les Africains subsahariens à persévérer dans leur démarche et à y faire tous les sacrifices possibles. « Il suffit qu'un seul réussisse pour entraîner les autres », affirme Mansour. Pour les aventuriers, Islas Canarias demeurent l'incontournable porte d'accès à l'eldorado européen. Depuis la fermeture des voies traditionnelles via la Méditerranée, notamment à travers les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla, les immigrés clandestins ont viré à l'Ouest, du côté de l'Atlantique. Et les côtes les moins surveillées, mais aussi les moins éloignées sont celles de la Mauritanie. Le nombre d'Africains subsahariens grandit du jour en jour. A fin 2006, on parlait de 20 000 personnes massées sur les côtes de Nouadhibou. Beaucoup plus, peut-être. Elles sont de diverses nationalités, de l'Afrique de l'Ouest surtout. Il y a des Gambiens, des Ghanéens, des Congolais, des Guinéens, des Maliens, des Gabonais, des Ivoiriens, des Camerounais et surtout des Sénégalais. Ils sont partout à Nouadhibou. Ils se regroupent par pays d'origine, notamment dans un bidonville au nom révélateur de Las Palmas. Le gros se trouve dans l'immense favela dénommée « El Qirane », le quartier de « Zounoudj » (les noirs), comme le désignent les Mauritaniens. C'est dans ce quartier, situé à quelques encablures seulement du port, que nous avons rencontré cheikh Cisso, président de l'association gambienne. Après une brève discussion dans son sommaire bureau, cheikh Cisso accepte de nous faire visiter le foyer dont dispose son association. Le lieu est une sorte de labyrinthe au bout duquel on trouve une salle (moyenne) pleine de monde : c'est enfin le foyer. C'est ici que nous rencontrons Mamadou N'Dyé de Guinée Bissau. Sorti au milieu d'une foule compacte qui regarde un match du championnat espagnol entre Real Madrid et Valence dont le score est déjà de 1 à 0, Mamadou nous salue d'un français approximatif. Après un échange en patois africain avec le président de l'association, l' « aventurier » nous invite à le suivre dans une autre petite salle loin du brouhaha du foyer.
« C'est la faute à la mer »
« J'ai fait cinq tentatives pour aller en Espagne. Toutes ont échoué », lance-t-il d'emblée, avant de baisser les yeux comme par honte. Mamadou peine, au début, à parler. Puis, au bout d'un moment, sa langue se délie et remue des souvenirs pour nous raconter l'une des plus tragiques de ses péripéties. « Ma dernière tentative, raconte-t-il, remonte au début du mois de novembre. J'ai intégré un groupe de 150 personnes, la plupart sont des Sénégalais. J'ai embarqué avec moi mes deux frères cadets. Nous avons acheté une vieille pirogue avec 1,5 million UM (5000 euros). Chacun d'entre nous a contribué à hauteur de 10 000 UM (30 euros). Nous nous sommes embarqués du cap Blanc. Nous avons pris avec nous des bidons de carburant, de l'eau et quelques gilets de sauvetage totalement usés. » D'un geste véloce de sa main gauche, il écrase une larme et continue : « Le voyage a malheureusement mal tourné au bout d'une semaine en haute mer. Un courant océanique nous a tirés vers le point de départ. Nous avons essayé de résister. Mais la mer était trop agitée et soulevait des vagues de plus de trois mètres qui s'abattaient sur nous jusqu'à ce que notre barque soit renversée. Je me suis réveillé sur un lit d'hôpital à Nouadhibou. J'ai eu une chance que mes deux frères n'ont pas eue. Car, eux, ils ont péri en plein océan, comme une dizaine d'autres passagers. C'est ma faute. Je les ai entraînés avec moi », regrette-t-il, avant de tomber en sanglots. « Mais, c'est la faute à la mer ! » A sa sortie de l'hôpital, Mamadou s'est vu pris en charge par l'association gambienne, ce qui l'a enchanté. « Je mange et je dors ici. J'essaie d'oublier et de refaire ma vie. Une chose est sûre : je ne remonterai plus à bord d'une pirogue », lâche-t-il avec regret. Le choc était tel que Mamadou frémit rien qu'en entendant le mot pirogue. Cette mésaventure l'a marqué à jamais. Malgré des épilogues souvent tragiques, des naufrages, des arrestations et des noyades, l'entreprise des Africains subsahariens, de l'Ouest surtout, continue. (...)
(A suivre)


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