Liberté : Vous allez vous rendre en Algérie à l'invitation de la société RH International Communication pour animer une conférence dans le cadre des deuxièmes journées internationales du marketing sportif, qui auront lieu les 6 et 7 décembre prochain. Quel message souhaiteriez-vous faire à cette occasion ? Gary Tribou : Sans aucun doute, un message de fraternité sportive. Je m'étais déjà rendu à Alger, il y a quelques années à l'invitation de mes collègues universitaires algériens, à une époque assez tendue sur le plan politique qui avait plus ou moins isolé l'Algérie de la communauté scientifique, et je m'étais promis de revenir. Je suis attaché à ce pays pour y avoir été coopérant comme assistant à la faculté des sciences économiques d'Alger, et je m'y sens bien. Quelle idée faites-vous du marketing sportif dans les pays africains et maghrébins ? Je trouve regrettant que le marketing sportif en Afrique se limite parfois à la seule détection de joueurs pour les clubs européens. Il me semble que les grands annonceurs seraient partants pour investir dans le sport africain, notamment algérien, mais selon certaines conditions liées au retour sur investissement : conditions de couverture médiatique et d'audience qualifiées (un annonceur calcule le coût des “contacts utiles”), conditions de sécurité contractuelle (qui va garantir les clauses des contrats ?), conditions de logistique dans l'organisation événementielle (technique panneautique, emplacements caméras, protocoles d'interviews, etc.). Comment avancer ? À mon sens, une mauvaise solution consiste à laisser le champ libre aux grandes agences comme Sportfive ou IMG. L'autre mauvaise solution revient à céder à la tentation bureaucratique : l'Etat. D'où la nécessite de réfléchir à des solutions nationales sous forme d'entités, soit 100% commerciales, soit associatives (à l'instar de la FFT en France qui commercialise Roland-Garros). Je crois avoir compris que ces journées du marketing sportif d'Alger visaient à réfléchir à ce type de problématique. Êtes-vous d'accord avec ceux qui disent que le marketing sportif doit encore évoluer pour prendre toute sa dimension économique, sociale et institutionnelle ? Pourquoi ne l'est-il pas ? Le marketing sportif me semble suffisamment abouti en France, pour citer le contexte que je connais le mieux. Il me semble difficile de convaincre les entreprises à lui consacrer plus de 10% de leurs dépenses en communication. Actuellement, on estime que la marge de progression porte sur le mécénat sportif, mais dans un contexte fiscal particulier à la France (ouvre droit à la déduction de l'impôt). Il a été envisagé une internalisation du marketing sportif au sein des clubs et des fédérations (à l'instar de ce qu'a fait la Fifa), ce qui aurait pour conséquence la disparition progressive des agences. À ce jour, rien n'a changé parce que les intermédiaires ont apporté la preuve économique de leur utilité. En d'autres termes, un club qui passe par une agence gagne plus d'argent que s'il gère ses droits lui-même (malgré les royalties). Un mot sur la cession des droits de retransmission des rencontres sportives… Il s'agit d'un marché – une offre des organisateurs (fédérations, clubs, etc.) confrontée à une demande des diffuseurs (TV, mais aussi opérateurs téléphoniques, Web TV) – plus ou moins régulé par les prix. Si la demande est forte, les droits s'envolent et inversement (cf. la Ligue 1 en France). Mais ce système libéral peut aussi être régulé par les pouvoirs publics : l'Etat peut estimer que les citoyens ont le droit d'accéder gratuitement au spectacle sportif et imposer ses propres règles. Par exemple, une chaîne publique peut très bien être désignée comme la chaîne officielle et, par conséquent, les droits sont alors “politiques” (la fédération se voyant imposer le montant). Deux remarques : 1) il existe aussi des intermédiaires – agences de marketing sportif – qui sont directement intéressés par les droits et qui font monter les enchères. 2) Le diffuseur propriétaire des droits peut ensuite les revendre à d'autres diffuseurs à l'international et ainsi amortir son investissement, voire faire des bénéfices. Avant de vous donner rendez-vous à Alger, un mot sur le niveau du sport en Algérie, notamment à quelques mois de la Coupe du monde… Le sport en Algérie, le football en particulier me semble être à la fois une “institution nationale” que le pouvoir politique entretient et une passion populaire qui s'exprime dans la rue. Par conséquent, les sportifs algériens doivent ressentir une pression incroyable. Ils sont des héros quand ils gagnent, subissent la vindicte populaire quand ils perdent. Ils sont condamnés à l'excellence, en quelque sorte. Les équipes algériennes ont souvent flirté avec les podiums mondiaux (je pense à certaines rencontres de Coupe du monde de football), et je me dis que le prochain Mondial sur le continent africain pourrait être le bon.