La saison chaude est dite saison du pauvre. On y entendait vivre à moindre frais. Dormir à la belle étoile et se nourrir de la profusion de légumes et fruit cultivés ou sauvages. Je ne sais si l'adage peut être de mise de nos jours. La quête d'un toit met le feu aux événements, quant à manger, la mercuriale se fait souvent maudire. Toutefois, il faut manger même tassés dans un espace réduit. Faut faire avec ses moyens. La nécessité faisant parfois le génie. Les cuisines sont des creusets où se fondent des petits riens qui traversent l'histoire en témoignant des us de tables de telle ou telle époque. La tbaykha est de ceux-ci. Par définition, c'est un ragoût de légumes longuement mijotés. Sans viande, la tbaykha n'accepte parfois qu'un morceau de khli' (ahchim, qadid) pour le reste c'est vraiment l'expression à la fortune du pot. De tbikh (préparation culinaire, cuisson), le diminutif tbaykha désigne un petit apprêt culinaire. À ne pas confondre avec tbikha, nom d'un fleuron de la cuisine algérienne, ce mets aujourd'hui disparu était un tajine d'agneau aux châtaignes sèches et au miel. La cuisine constantinoise nous a également gardé un tbikh, une incomparable spécialité salée sucrée aux pruneaux et amandes. Mais plus que ces somptueuses préparations, c'est la tbiykha qui a marqué indélébilement les palais de générations d'Algériens. Ce petit-grand plat est un mets à l'origine à base de plantes dites sauvages, qui ont servi à juguler bien des famines, auxquelles viendront s'ajouter des variétés cultivées. Bien que la tbaykha évoque le printemps, il existe des tbeykhate de toutes les saisons. Aux produits des cultures anciennes Hormis cela, il n'existe guère de recettes bien arrêtées. Il y a toujours le souvenir d'une khalti Yamina, Mama, Taos, etc. Avec sa vieille qadra en terre ou sa tanjra émaillée dont elle vous dira qu'elle a votre âge. C'est dans les vieilles marmites qu'on fait les meilleures tbaykha, paraphraserait-on. Muni du bon récipient de cuisson, nous voilà partis à la réalisation du mets. Comme pour exprimer son ancienneté, la tbaykha a une prédilection marquée pour les productions sauvages (blettes, guernina, boubaraiss, khobeïza, etc.) viennent ensuite les produits des cultures anciennes (oignons, ail, courges, fèves, pois, cardes…) puis au fils du temps s'y ajouteront les cultivars (pommes de terre, cardons, tomates, topinambours). Elle s'aromatise au persil, zaâtar, fliou, cumin. L'huile d'olive reste son corps gras préféré. Spécialités marquantes du répertoire gastronomique algérien, les tbeykhate ont des dizaines de variantes. Elles se retrouvent dans tout le pourtour méditerranéen en changeant d'appellations et s'agrémentent de produits spécifiques des pays qui l'adoptent. Remarquables sont les grecques et les turques très proches des nôtres, elles sont parfois relevées aux olives et fromage. RECETTE (http://melybelle.over-blog.com) Tbikha algéroise Ingrédients : - 500 g de fèves - 500 g de petits pois - 4 artichauts - 1 bouquet de coriandre - 3 c. à s. de riz - 6 gousses d'ail - 1 c. à s. de poivre rouge - 1 pincée de poivre noir - 4 c. à s. d'huile - Sel Préparation : Effilez les fèves et coupez-les en petits tronçons. Ecossez les petits pois. Nettoyez les artichauts, ne laissez que les fonds, coupez ces derniers en quatre, frottez-les de citron. Mettez dans un fait-tout les fèves à revenir dans l'huile d'olive, puis ajoutez l'ail, les épices, les petits pois, le sel et un peu de coriandre. Couvrez d'eau. Laissez cuire en surveillant le niveau de l'eau. Quand les légumes sont presque cuits, ajoutez le riz et après quelques minutes les artichauts. À la fin de la cuisson, la sauce doit être réduite. Garnir le plat de coriandre. Momo [email protected]