Un million et demi de personnes se sont inscrites en une semaine sur les listes électorales en vue du référendum d'autodétermination du Sud-Soudan prévu en janvier. Le signe n'est pas trompeur : le Soudan se dirige tout droit vers sa la partition du plus grand pays d'Afrique et à la création d'un nouvel Etat enclavé au cœur du continent. Ce qui inquiète la Ligue arabe et l'Union africaine dont le pays est membre fondateur. La campagne d'inscription sur les listes électorales a commencé le 15 novembre et se poursuit jusqu'au premier décembre. Le référendum est prévu le 9 janvier 2011, s'il n'y a pas de dérapages. Le président du Soudan, Omar el Béchir a promis de se plier aux résultats de la consultation électorale mais des responsables de son parti, le Parti du congrès national, bruit et menace en accusant l'ex-rébellion sudiste du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) d'interférer dans l'identification des personnes éligibles, en refusant des électeurs ayant des prénoms arabes. Le SPLM de son côté accuse el Béchir d'empêcher les Sudistes du Nord à s'inscrire dans les centres de scrutin. Situation explosive. Les Sudistes sont environ un demi-million au Nord-Soudan. Le nouvel Etat qui fait trembler d'autres pays africains et des pays arabes. Le guide de la Jamahiriya libyenne a dit tout haut ce que pense et craint la Ligue arabe qui, dans cette affaire, donne l'impression d'avoir été prise de court par le processus de partition auquel a concédé son membre soudanais, oubliant que celui-ci la fait en 2005 sous la contrainte et qu'il est reste menacé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité au Darfour. Cette future et probable partition est le résultat d'un accord arraché en 2005 à Addis-Abeba, le siège de l'UA, entre John Garang qui dirigeait la rébellion sudiste et Khartoum. Au terme de cet accord, Omar el Béchir acceptait la révision de la Constitution, un gouvernement d'union nationale ainsi qu'un référendum d'autodétermination qui permettra aux populations du Sud de décider si oui ou non elles vont poursuivre la cohabitation avec leurs frères du Nord. À l'époque, la Ligue arabe n'avait pas émis d'avis contraire. Il en est de même de l'Union africaine qui, aujourd'hui, mène campagne pour l'unité du Soudan. L'organisation africaine ne pourra pas plaider le complot ou l'ignorance dans ce dossier puisque l'accord fut conclu sous son égide. L'indépendance du Sud est d'autant plus la seule piste probable que le nord et le sud du Soudan n'ont pratiquement jamais connue de paix depuis l'indépendance en 1956. Au très d'un lourd passif de guerres civiles (1956-1972 puis 1983-2005), de la question de l'application de la charia, rejetée par le Sud, plutôt animiste et chrétien, s'est agglomérée la question du pétrole. L'intérêt des grandes puissances pour ce pays n'a pas été réveillé par les crimes perpétrés au Darfour mais plutôt par les gisements immenses de l'or noir. Les réserves prouvées dépassent le milliard de tonnes et les principaux puits se trouvent au Sud. Alors que les principales raffineries sont installées au Nord, Juba, la capitale de ce futur Etat indépendant, a déjà dans ses cartons des projets d'évacuation du pétrole via des pays voisins. El Bechir tente de garder pour le nord province tampon d'Abeye, riche en pétrole et qui selon les accords de 2005 sera également départagée entre le Nord et le Sud au terme d'un mini-référendum exclusif. Les rumeurs d'un possible envahissement par des troupes du Nord dans un fait accompli stratégique bruissent dans le Sud. Ce n'est pas qu'une affaire soudano-soudanaise. On y retrouve les intérêts antagonistes des grandes puissances. Des Etats-Unis en première ligne qui veillent à la partition, de Chine dont la China National Petroleum Company (CNPC) a investi 5 milliards de dollars dans des champs pétroliers et 15 autres Mds dans les raffineries du Nord. La Chine, bien qu'elle se déclare neutre, a tout intérêt à faire triompher la cause unioniste pour garantir la pérennité de ses investissements. Premier client du Soudan, à qui il prend 80% de la production, l'empire du Milieu risque aussi gros au Darfour où il pourrait être le principal bénéficiaire de l'immense gisement de pétrole qui y a été découvert en 2005. D'un point de vue historique, la partition du Soudan ne sera pas un précédent en Afrique puisque l'Erythrée s'est détachée de l'Ethiopie, au terme d'une guerre meurtrière. Mais fait craindre le pire à de nombreux pays africains en proie aux conflits identitaires.