Par un cri de cœur et de raison, la parlementaire, Mme Zohra Drif, s'est interrogée lors d'une séance de présentation du rapport de politique générale du gouvernement au Sénat : “Vous dites que beaucoup de réalisations ont été faites, alors expliquez-moi pourquoi les Algériens ne sont pas heureux ?” Cette moudjahida, dans un élan patriotique et humaniste, avait tiré la sonnette d'alarme sur la mal-vie des citoyens face aux difficultés de la vie quotidienne. Bureaucratie, opacité dans les critères d'accès au logement, aux soins dans les hôpitaux, aux services publics de façon générale, effervescence des étudiants, de la communauté universitaire et scientifique, problème du chômage des jeunes, cherté de la vie, grèves répétitives des travailleurs de nombreux secteurs de la production et des services, mécontentement des organisations patronales et syndicales, corruption et scandales politico-financiers, etc. Autant de causes qui nourrissent la colère sociale qui émaille de façon récurrente toutes les régions du pays. Face à ces exigences sociales, dues à la montée des besoins et à “l'incompétence des gouvernants”, les institutions, dont la mission est d'apporter des réponses concrètes à ces aspirations, semblent évoluer hors du temps. Sinon alors, pourquoi les citoyens portent leurs revendications au perron de la présidence de la République ? Cela signifie simplement que nous sommes en présence d'une situation de “rupture” entre les gouvernants et les gouvernés. Et que les échelons intermédiaires de “gestion des affaires de la cité” ont perdu toute crédibilité aux yeux de l'opinion publique nationale. Cela signifie également l'aggravation de la crise politique et sociale qui couve insidieusement dans notre pays. Les observateurs politiques, les experts des questions économiques et sociales, à l'instar de la deuxième session du think-tank, organisé récemment par le journal Liberté, tirent, à leur tour, la sonnette d'alarme sur la dégradation de la situation économique qui prévaut dans le pays. Ils déplorent le manque de concertation que devraient initier les pouvoirs publics dans les prises de décisions économiques majeures, qui engagent le devenir de la collectivité nationale. Ainsi, les dernières mesures gouvernementales relatives à l'emploi des jeunes, aux facilités d'accession au logement, à l'aide aux entreprises et la relance des investissements — censées anticiper sur les risques de l'effet domino qui peut être nourri par l'ébullition de la rue arabe — n'ont pas suffi à calmer les esprit et la “protesta à l'algérienne” continue de plus belle. La société algérienne gronde et est grosse avec ce risque d'explosions imprévisibles. En réponse à ces risques potentiels, les pouvoirs publics affichent une sérénité “feinte ou réelle” que d'aucuns qualifient “d'autisme politique”. En toile de fond de “l'absurdité” de cette situation ubuesque, les réformes annoncées tardent à venir et le vide sidéral de la communication officielle amplifie les rumeurs qui prédisent les scénarios les plus invraisemblables. Il est désormais venu le moment pour le président de la République de sortir de son mutisme pour dire et expliquer aux Algériens où il compte les mener, car entretenir indéfiniment l'attente “angoissée des citoyens” risque sérieusement d'être contre-productif. A. H.