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L'opposition politique en Algérie : quel statut ?
Publié dans Liberté le 08 - 09 - 2011

L'opposition peut être définie comme l'ensemble des forces politiques qui expriment des divergences importantes par rapport aux détenteurs du pouvoir. Cette opposition peut prendre deux formes différentes. Elle peut s'exprimer au sein du Parlement à travers des représentants élus, mais également en dehors, c'est-à-dire dans un cadre extraparlementaire. Pour Maurice Duverger, “le critère fondamental de la démocratie libérale se trouve dans la reconnaissance de l'opposition, la proclamation et l'application du droit à l'hétérodoxie”1. L'importance de cette reconnaissance est également soulignée par Kelsen, pour qui “la fonction essentielle” des libertés fondamentales est de protéger la minorité.
En Algérie, les premières élections législatives pluralistes ayant été annulées en 1991 après la “victoire” du FIS, ce n'est qu'en 1997 que différentes sensibilités politiques ont pu intégrer et être représentées à l'Assemblée nationale. C'est pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie qu'on parle de majorité et d'opposition au sein de cette même assemblée.
Ainsi, à la veille des nouvelles réformes annoncées par le gouvernement et face à un régime qui a fait le choix de verrouiller la scène politique, la question du statut de l'opposition politique en Algérie mérite d'être soulevée.
1- L'opposition parlementaire
Le Parlement est un instrument incontournable de la vie politique dans toutes les démocraties. Il est chargé de légiférer et de contrôler l'action du gouvernement. C'est aussi un instrument de débat et d'échange qui permet la discussion en public des affaires du peuple. Si la vie politique se caractérise par l'existence de clivages plus ou moins marqués, le Parlement reste le moyen d'expression de ces clivages. C'est donc au Parlement que les droits de la minorité doivent être protégés. C'est en ce sens que la 28e Conférence de l'Union parlementaire africaine en novembre 2005 à Brazzaville a invité la majorité au pouvoir à reconnaître les droits et devoirs de l'opposition. Ces partis, qui sont donc au Parlement, ont la vocation de s'opposer à la politique de la majorité parlementaire qui soutient le gouvernement.
L'avènement d'une opposition au Parlement permet d'enrichir le débat ainsi que de renforcer le contrôle sur l'action gouvernementale à condition que le règlement intérieur et que certains principes soient respectés. Malheureusement, le pouvoir algérien a fait du Parlement une chambre d'enregistrement chargée de légitimer et de donner une existence légale aux projets de loi élaborés par ses membres. En effet, contrairement à beaucoup de pays démocratiques, l'ordonnance dans le droit constitutionnel algérien a un caractère très spécifique. C'est une législation non exceptionnelle qui est compétitive plus que complétive de la législation parlementaire. Cette pratique porte inévitablement une atteinte aux droits des parlementaires et notamment ceux de l'opposition puisque l'éternel recours aux ordonnances présidentielles vient concurrencer et priver le Parlement de son rôle fondamental : celui de débattre. La loi en Algérie n'est donc que le prolongement législatif des souhaits présidentiels. En légiférant systématiquement par ordonnance, le pouvoir exécutif écarte le Parlement du jeu institutionnel.
Par conséquent, l'absence de débats contradictoires, le blocage des initiatives de l'opposition et le refus systématique des propositions qui émanent des différents parlementaires hors de la majorité sont des pratiques qui discréditent encore plus notre Parlement.
Ce discrédit est aussi la conséquence de l'opacité et des irrégularités qui entourent chaque scrutin. C'est d'ailleurs ce qui explique le boycott massif des urnes par les citoyens. Ainsi comme le souligne G. Ferrero, pour que l'opposition soit loyale est respectueuse des institutions, encore faut-il que son respect soit garanti par l'existence d'une majorité qui “ne soit pas une minorité camouflée par la violence ou la fraude”2.
L'opposition parlementaire en Algérie est donc marginalisée et mise à l'écart, alors même que le bon fonctionnement d'un régime démocratique dépend du traitement et des droits qui sont reconnus à l'opposition au sein du Parlement.
Néanmoins, si l'opposition au sein de l'Assemblée parlementaire est très importante, celle qui s'exprime en dehors du cadre parlementaire joue également un rôle déterminant. Cette dernière est constituée des partis politiques qui ne sont pas représentés au Parlement. C'est l'opposition extraparlementaire.
2- L'opposition extraparlementaire
L'opposition peut également s'exprimer en dehors de l'arène parlementaire, à travers des partis politiques non représentés au sein du Parlement. Cette non-représentation est la conséquence soit d'un boycott des élections, soit d'un échec après une participation aux compétitions électorales. En Algérie, l'opposition extraparlementaire est généralement composée des partis politiques qui ont boycotté les élections. Puisque le mode de scrutin proportionnel plurinominal favorise la représentation des partis même les plus modestes.
La participation de l'opposition extraparlementaire au jeu politique reste extrêmement limitée, puisqu'elle est loin des centres de débats et de décisions. Elle ne participe à la vie politique que par la confrontation des idées à travers les médias ou par l'organisation de rassemblements ou manifestations dans le cadre de ses activités partisanes. L'opposition extraparlementaire utilise donc les différentes libertés qui sont consacrées comme la liberté d'expression, de presse, de réunion pour essayer de se faire entendre et porter ses revendications.
Néanmoins, le pouvoir algérien ayant décidé d'instaurer l'état d'urgence en 1992, ces partis non représentés n'ont rien pu faire ou entreprendre durant ces années et même jusqu'à aujourd'hui après la levée de l'état d'urgence, le changement est toujours en attente. Deux années à peine après la libéralisation du champ politique en Algérie, celui-ci a été verrouillé de nouveau par la mise en œuvre de cette mesure.
Si le décret du 9 février 1992 était dicté par la situation de l'époque, notamment “les menaces visant la stabilité des institutions et les atteintes graves et répétées portées à l'encontre de la sécurité des citoyens et de la paix civile”. Il a surtout été utilisé pour museler les libertés individuelles et collectives. Le pouvoir a trouvé par cette mesure le moyen de contrôler et restreindre drastiquement l'activité des partis politiques. Par conséquent, cette situation qui a duré dix-neuf années a permis au pouvoir de socialiser et récupérer certains petits partis politiques non représentés au Parlement et voir d'autres disparaître tout simplement de la scène politique.
Quelle soit parlementaire ou extraparlementaire, l'existence de l'opposition et le renforcement de son rôle et de sa capacité passe inévitablement par l'adoption d'un cadre institutionnel précis. Si l'opposition extraparlementaire joue un rôle primordial dans le renforcement de la démocratie en dénonçant la mauvaise gestion des affaires et les abus du pouvoir, sa marge de manœuvre reste limitée. En effet, sa présence hors du Parlement ne lui permet pas de voter les lois, ni de participer efficacement au contrôle du gouvernement. Dans une société démocratique, la contradiction est l'élément de référence dans le processus de dynamisation de la vie politique. L'opposition encadre le gouvernement et l'oriente, mais faut-il encore que cette opposition soit consacrée juridique pour jouer pleinement son rôle.
3- l'Etat face à l'opposition
Face aux partis de l'opposition, le régime algérien a mis en œuvre une série de mesures, pour essouffler les petits partis de l'opposition et essayer de museler et restreindre l'activité des autres partis. On peut soulever trois points importants pour expliquer le jeu et le comportement du régime pour avilir l'opposition politique.
a- Les irrégularités et l'opacité
du processus électoral
Comme l'expliquent certaines spécialistes, les partis au pouvoir en Afrique ont développé des techniques de fraude électorale très sophistiquées et subtiles, rendant difficile la détection de certaines pratiques aussi bien par le chercheur que par les observateurs électoraux. Ainsi la plupart des processus électoraux qu'a connus le continent depuis les années 1990 ont été entachés d'énormes irrégularités.
Dans le cadre de l'Algérie, les partis d'opposition et les candidats libres lors des différentes élections et notamment présidentielle et législatives ont dénoncé ce qu'ils estiment être des pratiques de fraude électorale. Néanmoins, le pouvoir et ses institutions ont fait en sorte de ne donner aucune suite à ces accusations.
Ainsi on apprend par exemple dans un câble WikiLeaks que le chef de la mission des observateurs mandatés par les Nations unies, Abdool Rahman, a confirmé que le gouvernement algérien en 1999 “a largement utilisé la fraude durant cette élection présidentielle pour bourrer les urnes”, expliquant qu'à “chaque inquiétude que nous soulevions, le gouvernement pouvait sortir un point du code électoral… Les autorités algériennes ont utilisé des procédures compliquées pour maintenir l'apparence de transparence”. L'observateur onusien rajoute qu'à l'exception de Bouteflika, aucun candidat ou partis de l'opposition n'a pu avoir suffisamment accès aux médias pendant la période de campagne officielle s'étalent du 19 mars au 7 avril. Tout au long des élections, les partisans du boycott ont été interdits de s'exprimer. Ces pratiques utilisées par le pouvoir rentrent incontestablement dans la catégorie de la fraude électorale.
b- L'état d'urgence
Le pouvoir a utilisé l'état d'urgence comme un outil pour restreindre et étouffer la liberté partisane dans ces diverses dimensions. La prolongation de l'état d'urgence instauré par le décret du 9 février 1992 jusqu'en 2011 n'a été qu'une violation flagrante de la norme suprême algérienne. Comme l'a reconnu Khaled Nezzar en 1994 : “Cette mesure exceptionnelle a été méditée de longue date, un système prémédité pour museler un adversaire politique et, à travers lui, toute opposition légitime.” Pendant toutes ces années, cette mesure sans fondement politique, ni juridique a été le moyen utilisé par le pouvoir afin de verrouiller la scène politique. La levée de l'état d'urgence en 2011 n'a apporté aucun changement majeur, le pouvoir comme à son habitude fait du changement dans la continuité.
c- La loi organique de 1997
relative aux partis politiques
L'adoption de cette loi n'avait qu'un seul objectif, celui d'interdire la création de nouveaux partis politiques. Le choix d'un régime d'autorisation préalable et d'une procédure très complexe qui confère au ministre de l'Intérieur un large pouvoir d'appréciation est contraire à la Constitution algérienne de 1996 qui consacre dans ses articles 41 et 42 les libertés fondamentales qui permettent aux partis politiques d'exister et de déployer leurs activités partisanes dans l'espace public. Cette loi va également à l'encontre des engagements internationaux de l'Algérie, notamment l'article 22 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Ces instruments et pratiques utilisées par le pouvoir contre les partis de l'opposition confirment bien la nature du régime. Celles-ci sont consubstantielles à un régime autoritaire dont la première préoccupation n'est pas d'ouvrir le débat et consacrer l'opposition comme un pilier majeur de la démocratie, mais plutôt de restreindre les libertés en essayant de faire perdurer une façade démocratique. Le pouvoir algérien a fait le choix du pluralisme autoritaire depuis la réforme constitutionnelle de 1989.
4- La nécessaire consécration juridique de l'opposition en Algérie
L'adoption d'un statut juridique de l'opposition n'est pas une garantie fondamentale. Cela dépend aussi des autres facteurs relatifs à la culture et à la tradition de chaque pays. Ainsi dans certaines démocraties stables parvenues à maturité, l'opposition peut prospérer et jouer pleinement son rôle sans garanties légales.
Cependant, l'Algérie est loin de cette maturité, il est donc nécessaire que l'opposition soit reconnue constitutionnellement. L'ancrage de la démocratie doit absolument passer par l'adoption d'un statut juridique qui confère à l'opposition des droits spécifiques lui permettant d'être une force de proposition capable d'exercer efficacement son rôle de contrôle sur le gouvernement. Nier le rôle de l'opposition, c'est tout simplement nier la démocratie et ses fondements essentiels.
Cette reconnaissance doit également passer par l'abandon de certaines pratiques héritées du temps du parti unique. L'institutionnalisation de l'opposition doit se faire concrètement en prenant exemple sur certains pays, comme le Royaume-Uni qui a consacré la notion d'opposition officielle en 1826 en accordant un statut particulier depuis 1937 à son chef. D'autres pays plus proches de nous n'ont pas hésité à franchir le pas avec plus ou moins de succès comme le Sénégal qui a instauré un véritable statut de l'opposition dans la Constitution du 22 janvier 2001. Le Bénin, le Burkina-Faso ont fait de même. D'autres pays, sans conférer un statut juridique, ont reconnu des droits particuliers à l'opposition, comme la France ou l'Allemagne.
Face aux bouleversements actuels que connaît le monde arabe, il est plus que nécessaire pour le pouvoir de revoir sa copie. Le changement est inévitable et le pouvoir doit prendre ses responsabilités dans l'intérêt de la nation. Il doit organiser une transition pacifique du pouvoir pour aller vers une République démocratique et sociale. Une République qui respecte ses citoyens et ses engagements.
R. L.
(*) Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche (ATER) à l'Université du Littoral Côte d'Opale (ULCO).
Membre du laboratoire force du droit : paradoxes, comparaisons et expérimentations (Université Paris 8)
1. M. Duverger, Démocratie libérale et démocratie totalitaire, vie intellectuelle, juillet 1948, pp. 57-58.
2. G. Ferrero, Pouvoir. Les génies invisibles de la cité, (1943), trad. Fr. le livre de poche, 1988, p. 174. Cité par Marie-Claire Ponthoreau.


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