“Nous sommes des magistrats, nous sommes autonomes”, a déclaré le nouveau président par intérim du Syndicat de la magistrature, après la révocation de son prédécesseur par le conseil national de l'organisation. Il n'est pas nécessaire de commenter la revendication de Aïdouni, tant les Algériens sont nombreux à avoir éprouvé cette prétendue autonomie. L'actualité judiciaire est, de plus, à ce point faite de procès politiques que les tribunaux en sont devenus une étape obligatoire des manœuvres par lesquelles le régime réprime l'expression sociale et citoyenne, contourne le débat public et entrave le jeu démocratique. Syndicalistes indépendants, journalistes libres et citoyens actifs font quotidiennement les frais de l'embrigadement, au demeurant traditionnel, de la justice dans l'œuvre d'assujettissement national que les intérêts du régime imposent à tous les secteurs de la société. La justice est sans conteste un outil prépondérant de l'ordre de l'arbitraire. Des magistrats indépendants ou, tout au moins, qui aspirent à l'indépendance existent. On observe en effet, et à l'occasion, que nombre d'entre eux défient les pressions, écoutent leur conscience et honorent la loi. Mais dans le cas du SNM, il faut bien faire le constat que c'est la crise qui met aux prises la direction formelle du FLN actuel avec un pan de ce parti allié au clan présidentiel qui se prolonge dans la structure corporative résiduaire du système des organisations de masse du parti unique. L'existence même du SNM comme monopole associatif répond à une conception politique de l'action corporative. Le SNM est aussi autonome qu'aurait pu l'être l'Union des médecins algériens, par exemple. La comparaison nous fait remarquer, en passant, que les responsables de ces structures finissent étrangement dans de hautes fonctions politiques, probablement quand leur insertion clanique a fini par être homologuée. C'est que, dans la logique totalitaire où toutes les fonctions sociales sont soumises aux intérêts de la secte, les carrières syndicales et associatives sont souvent para-politiques. Il n'y a aucune différence entre le parti officiel et le parti-écran, si ce n'est que, dans le premier, on assume franchement sa chapelle et que, dans le second, on croit dissimuler son obédience. Ce n'est pas Louh, dont l'intervention, en tant que ministre, dans le fonctionnement du SNM alimente la polémique sur “la justice de la nuit”, qui contredira ce fait. L'affaire du congrès du FLN n'a fait que révéler une collusion aisément perceptible entre le pouvoir effectif et le judiciaire. Cela dit, les magistrats n'ont pas pour vocation de consacrer l'Etat de droit, cet Etat où la loi s'impose par elle-même ; ils sont réputés se plier à cet ordre juste qui est leur préalable. Mais, comme “ils sont nés chez nous”, on peut, les choses étant ce qu'elles sont, “leur faire confiance” pour être à l'image du paysage général. M. H.