Les estimations de Belkhadem pour les législatives de 2012 devraient donner des motifs de réjouissance pour le MSP d'Abou Djerra Soltani même si elles paraissent fantaisistes. Signe d'une conformité avec la tendance électorale post-Printemps arabe, les chiffres du patron du FLN se veulent surtout un appel aux électeurs à faire des choix qui évitent l'aventure et l'inconnu. La précipitation de Belkhadem à “tailler” des résultats “futurs” découle de la “panique” qui secoue la classe politique, notamment les partis de l'Alliance qui n'ont pas réussi à imposer leur veto quant à l'agrément de nouveaux partis dont la participation aux prochaines législatives entourées de garanties risque fort de déboucher comme souhaité par la majorité des Algériens sur l'apparition de nouvelles têtes, surtout des jeunes, à l'Assemblée nationale. Le souci du pouvoir étant de gérer ce printemps houleux qui entoure le pays, donner sa véritable dimension à la démocratie, qui a prospéré depuis 1990 dans un climat de culture des champignons, sous l'état d'urgence, l'entrée dans le jeu de nouvelles formations politiques dont certaines attendent l'agrément depuis des années, constitue l'une des principales facettes de l'image exportable du pays. Paradoxalement, les nouveaux partis politiques ont été fondés en majorité par des dissidents, des déçus, des exclus de formation qui ont tenté de peser sur les textes relatifs aux réformes politiques, particulièrement la loi sur les partis. Outre leur volonté affichée de donner un coup de jeune aux assemblées élues, ces nouveaux partis, qui seraient une dizaine au moins pour entrer dans la course, sont créés par des militants qui ont quitté leurs partis en raison de leur gestion antidémocratique et autoritaire. Ils se recrutent parmi toutes les mouvances et tendances au sein des partis au gouvernement et dans l'opposition. Si le FD de Sid-Ahmed Ghozali ou le FJD de Mohamed Saïd se font un peu discrets, l'UDR de Amara Benyounès n'a raté aucune occasion sur le terrain. Sans agrément, aux législatives précédentes, il s'est allié avec l'ANR de Réda Malek. Pour l'ancien ministre de la Santé du RCD, l'UDR est déjà prêt à participer aux législatives de 2012, selon l'ancienne loi ou la nouvelle.Aussi il a sonné la mobilisation de ses troupes en organisant des rencontres à travers le pays. C'est quasiment sûr d'avoir le quitus de l'Intérieur que M. Benyounès s'engage dans une compétition anticipée sachant que les adversaires disposent d'une avance et de moyens pour se maintenir au pouvoir. Les dissidents du MSP, après plusieurs tentatives de mettre la main sur le parti, se sont résolus à créer leur propre mouvement avec la prétention d'être les véritables légataires de la ligne de Nahnah. Sofiane Djilali, Benbaïbeche, Djaballah… peuvent revenir sur le devant de la scène aux côtés de nouveaux leaders, des inconnus qui ont l'intention de bousculer l'ordre établi par “des pratiques saines” et le respect “du choix populaire et des libertés”. Le discours qu'ils développent ne déborde jusque-là pas de la critique de la gestion actuelle ainsi que l'attitude de l'opposition qui “assume” son rôle de façade et se débat dans ses contradictions internes qui débouchent souvent sur des frondes. L'annonce des réformes par le président de la République a vite ouvert la porte à tous ceux qui ne se reconnaissaient pas dans les formations légales et aiguisé leur appétit. Ainsi plusieurs logos ont vu le jour avec des consonances qui se veulent en rupture avec les partis existants. Liberté, justice, citoyen, renouveau, génération, jeunes… qui tendent et sous-entendent une distance et un éloignement des “union, front, rassemblement…”, qui sont trop marqués par la gestion chaotique et catastrophique des affaires publiques. Mais ce n'est pas tant le nombre qui semble déranger les poids lourds, mais surtout le risque quasi certain que les petites pointures vont grignoter des voix du réservoir électoral en net rétrécissement à chaque échéance. Une assemblée-mosaïque n'arrangerait pas les affaires du FLN ou du MSP qui comptent sur le vote traditionnel ou les effets collatéraux des révoltes arabes alors que le jeune électeur algérien exprime des besoins qui ne figurent pas à leur ordre du jour. Une sorte d'incompréhension mutuelle entourée de méfiance qui a donné lieu à une sorte de conflit de générations, politiquement parlant. D'un côté des gouvernants – toujours les mêmes ou appartenant à la même famille politique – qui se partagent le gâteau et traitent le “citoyen” avec mépris, le poussant à l'exil par tous les moyens. Les nouveaux partis sont les mieux placés pour capter le potentiel des jeunes en leur accordant des espaces et des places dans leurs instances de direction. Perspective qui déteindra à terme sur la représentation aux seins des assemblées élues et poussera inéluctablement les anciens partis à des alliances “non souhaitées”. Car ils seront contraints d'aller vers cette option devant le “péril” de rupture interne et une rupture encore plus large, avec la population. Cette seconde se vérifie déjà dans le désintérêt frappant vis-à-vis de la chose politique. Le défi de 2012 est dans la possible reconfiguration, du moins son commencement, de la scène politique avec une décantation naturelle. Une sorte de vrasi printemps. D. B.