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Istanbul sur le qui-vive
Reportage
Publié dans Liberté le 23 - 12 - 2003

L'ancienne capitale de l'empire ottoman n'est plus cette cité grouillante de touristes. On n'en rencontre presque plus dans les rues de la ville. Même l'endroit où tout visiteur d'Istanbul se fait un devoir de se rendre, à savoir le grand bazar, présente désormais un visage de désolation. C'est là, en effet, que l'on mesure réellement l'impact des attentats terroristes des 15 et 20 novembre dernier.
La majeure partie des tour- opérateurs européens ont tout simplement annulé ou reporté à des dates indéterminées leurs commandes. D'ailleurs, ils ne pouvaient faire autrement devant les annulations qui affluaient sur leurs agences, suite aux recommandations des chancelleries occidentales demandant à leurs ressortissants de ne pas se rendre en Turquie. Les touristes étaient vraiment découragés. Il suffit de voir les nombreux artisans bijoutiers debout devant leurs vitrines en train de discuter tout en sirotant le traditionnel et inévitable thé, pour se rendre compte que le coup est très dur à supporter. Il y a à peine un mois, ces hommes, nous dit-on, ne pouvaient pas mettre le pied dehors tellement ils ont été sollicités par les clients, notamment les nombreux touristes.
Ces derniers étaient obligés de jouer du coude pour pouvoir s'offrir une bonne place devant les étalages afin d'admirer ou choisir l'article désiré. Triste constat pour les commerçants, surtout les bijoutiers. “C'est un véritable désastre pour nous. Nos chiffres d'affaires ont sensiblement baissé depuis le double attentat. Notre espoir demeure dans un retour rapide des touristes, du moment que la situation semble redevenue normale, sinon nous risquons de mettre la clé sous le paillasson si les choses ne s'arrangent pas”, lâche Tayyip, le patron d'une orfèvrerie de luxe. Selon lui, rien n'empêche un retour des touristes, au vu des importantes mesures de sécurité instaurées à Istanbul. Effectivement, un contrôle rigoureux et souple se fait devant chaque entrée du bazar. Munis de détecteurs de métal des agents de sécurité inspectent tout client portant un objet suspect. Dans les grandes artères du bazar l'on circule maintenant à l'aise. Le grand café où autrefois on devait attendre plusieurs minutes pour espérer prétendre à une table libre, n'est plus bondé de monde venu déguster un bon café turc ou un délicieux thé au citron. Au contraire, aujourd'hui, c'est le serveur qui se retrouve réduit à héler les rares clients du bazar leur proposant ses breuvages chauds et froids. Les temps ont changé, malheureusement en mal au grand dam des commerçants. C'est la désolation totale, car le manque à gagner touche plusieurs secteurs de l'artisanat traditionnel, qui nourrissent beaucoup de familles, nous a-t-on indiqué dans ce quartier de Beyazit. Le marché hebdomadaire jouxtant le bazar, où tout se vend et s'achète, offre lui aussi une triste image en ce dimanche. Les quelques touristes japonais ou en provenance de l'Europe de l'est, particulièrement des Bulgares, qui ont osé s'aventurer à Istanbul pour leur opérations de troc consistant à échanger du cristal contre d'autres produits, sont quasiment harcelés par les vendeurs. Dans ce marche “aux puces”, l'on vous propose des vêtements prêts à porter, des chaussures, en passant par les articles électriques, électroménagers, électroniques, et de musique.
On y trouve de tout et à des prix défiant toute concurrence. Vous pouvez payer en livre turque, en dollar américain ou en euro. Pas de problème. Vous recevez votre monnaie, même en petites pièces dans tous les cas de figure. Vous n'avez aucune chance pour que le marchand vous laisse partir les mains vides pour une quelconque raison, en tous les cas surtout pas pour une histoire de monnaie.
Depuis les quelques semaines ayant suivi les attentats terroristes, les commerçants ont, eux, vu leurs ventes considérablement réduites, faute de clients étrangers, d'où leur pugnacité à ne pas lâcher le moindre client qui commet l'erreur de s'arrêter devant leurs étals pour regarder la marchandise ou pour se renseigner sur les prix. D'ailleurs, même en passant à proximité des étalages l'on tente de vous attirer en louant la marchandise ou en annonçant à grands cris les prix. La concurrence bat son plein. Tous les moyens sont bons pour écouler son produits. Idem pour les restaurateurs et vendeurs de “chawarma”, de Beyazit, qui ne ratent aucune occasion de prier toute personne s'approchant de leurs restaurants à entrer goûter leurs plats.
L'objectif des commanditaires est apparemment atteint, à voir ces conséquences désastreuses pour ce pays, où les revenus du tourisme sont loin d'être négligeables. Le visiteur, en ces temps de disette, se rend rapidement compte que l'ambiance est peu joyeuse dans cette mégapole de douze millions d'âmes avec sa banlieue.
L'animation est, certes, importante dans les rues, en raison de la forte densité de la population, mais les Istanbuliotes paraissent préoccupés.
Déjà, à l'aéroport international Mustapha-Kemal-Atatürk, de nombreux policiers battent le pavé des longues allées, guettant le moindre geste suspect. Malgré toute leur discrétion pour ne pas gêner les hôtes d'Istanbul, ils ne peuvent passer inaperçus tellement ils sont nombreux. Dès sa sortie des espaces réservés aux formalités de la police des frontières et des douanes, le visiteur ressent cette présence policière dépassant les normes habituelles. Même chose en ville, où l'on retrouve des agents de police à presque chaque coin de rue et carrefour. Les regards scrutateurs sont là fixant toute personne au comportement plus ou moins intriguant. Dans les bateaux utilisés dans la traversée entre la partie européenne et la partie asiatique d'Istanbul, l'affluence n'est importante qu'aux heures de pointe. Durant le reste de la journée, les passagers sont plus rares. Ce secteur a, lui aussi, subi les retombées des attentats terroristes.
Les traversées très fréquentes, il y a quelque temps, sont devenues plus espacées sur certaines lignes maritimes pour atténuer les pertes. Il y a lieu de relever que, contrairement à la partie européenne d'Istanbul, objet des attentats, le côté asiatique de la ville composé essentiellement de sites résidentiels où habitent la classe aisée et de nombreuses personnalités turques a été épargné par les terroristes. Sur les lieux des drames, dans l'antique quartier de Beyoglu où se trouve le consulat britannique ou dans le quartier des affaires de Levent pas loin du lycée de Galatasaray, les travaux de réparation des édifices affectés par les déflagrations sont soient terminés soit en voie de l'être. Même situation devant les synagogues de Neve Shalom dans le vieux quartier de Beyoglu et de Beth Israël dans le quartier de Sisli, où l'on s'attelle à tout remettre en ordre. Les gens vaquent normalement à leurs occupations sans donner l'impression de prêter une attention particulière aux immeubles visés par les attentats terroristes.
Ainsi, à Levent où se concentre la majeure partie des businessmen en raison de la proximité des institutions financières, l'activité quotidienne est tout ce qu'il y a de normal. C'est le calme plat, tout semble être rentré dans l'ordre. Seulement, la hantise de nouveaux attentats est encore présente dans les esprits des Turcs.
“Nous avons vécu plus terrible que cela avec l'extrême droite durant les années 1960 et avec les indépendantistes kurdes durant les années 1980. Mais, cette fois-ci, le choc a été violent pour la simple raison que si auparavant les attaques étaient ciblées, aujourd'hui le terrorisme est aveugle. Personne n'est à l'abri, d'où cette peur justifiée chez une partie de la population et chez les touristes”, nous a avoué un autre enseignant de l'institut des relations internationales de Galatasaray. Pour le directeur de cette faculté, le docteur Artun Unsal, c'est le “statut laïc de la Turquie qui dérange les fondamentalistes islamistes de la région. Ils n'admettent pas qu'un pays musulman à 99% soit constitutionnellement laïc. À l'instar des dirigeants de leurs pays qui ne veulent pas que cela déteigne sur leurs institutions étatiques, les intégristes, qui rêvent encore de la restauration du califat, tentent de faire payer à la Turquie son engagement irréversible dans la démocratie”. Quant à la question de savoir pourquoi les auteurs des attentats ont d'abord pris pour cible les synagogues avant de s'attaquer aux intérêts britanniques, le Dr Unsal dira : “Je pense qu'il s'agit d'une histoire de timing et de logistique tout simplement.” Il ajoutera que “quoi que l'on dise au sujet des relations israélo-turques, elles se limitent au domaine militaire. Elles ne constituent pas à mon avis un motif aux attaques terroristes.”
“Dire que ces relations sont la cause principale des attentats relève de la facilité. C'est trop simpliste comme diagnostic. Il existe beaucoup de considérations endogènes et exogènes qui ont conduit à cette situation. La solution serait une coopération internationale étroite entre tous les pays de la planète pour venir à bout de ce fléau qui peut être à l'origine d'importants dégâts s'il n'est pas maîtrisé dans les meilleurs délais”, précisera le directeur de l'institut des relations internationales de l'université de Galatasaray. Le constat est là. Istanbul traverse des moments difficiles. Ses douze millions d'habitants prient pour que le cauchemar prenne fin rapidement. “Que Dieu fasse qu'il n'y ait plus d'attentats terroristes, sinon c'est notre perte assurée”, nous confiait un artisan de cuir attenant au bazar. C'est l'espoir de toute un peuple refusant de capituler devant la sauvagerie et la barbarie. La réponse opposée aux terroristes sur une des nombreuses banderoles lors des manifestations populaires qui se sont déroulées à Istanbul et Ankara au lendemain des attentats donne un aperçu sur la détermination des Turcs à résister.
“Nous déclarons au monde entier que nous nous ne nous enfermerons pas dans nos maisons, nous ne nous rendrons pas, nous ne serons pas une société réduite au silence et à la peur”, y lisait-on. La Turquie, qui a toujours aspiré à devenir le trait d'union entre l'orient et l'occident, est décidée à ne pas céder au terrorisme qui veut en faire le maillon faible ou le point de rupture entre ces deux parties du monde. Le combat continue.
K. A.


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