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“Il n'y a plus d'immunité diplomatique en Irak”
Adnane Baki Chafik, responsable de l'ambassade d'Algérie à Bagdad
Publié dans Liberté le 05 - 01 - 2004

M. Adnane Baki Chafik est actuellement le premier responsable de notre ambassade à Bagdad. Dans cet entretien, il revient sur la situation de la communauté algérienne établie en Irak et sur le quotidien de nos diplomates en poste dans un pays en guerre.
Liberté : Dans la situation actuelle, existe-t-il une représentation diplomatique au sens fort du terme en Irak ?
M. Chafik Baki : En vérité, non. La coalition a levé l'immunité diplomatique pour tous les diplomates en poste en Irak. À l'heure qu'il est, aucune ambassade ne fonctionne normalement à Bagdad. La plupart des chancelleries n'ont pas gardé leur ambassadeur ni son second. Actuellement, nous sommes un bureau de liaison. Tout le personnel est parti. Nous étions sept diplomates avant la guerre. Là, nous sommes seulement deux en poste. Moi, j'étais le régisseur de l'ambassade. J'étais chargé des finances.
Il n'y a pas un chargé d'affaires ?
Je remplis de facto la mission de chargé d'affaires, mais je n'ai pas été nommé en tant que tel par ma tutelle. Officiellement, je ne suis qu'un attaché diplomatique chargé de la gestion de l'ambassade et des biens de l'Etat. Mais, côté irakien, je suis effectivement le chargé d'affaires.
Vous n'assurez que le “service minimum” en quelque sorte…
Absolument. Nous nous occupons beaucoup plus des aspects consulaire et administratif. L'aspect politique est gelé.
Dans quel état avez-vous trouvé l'ambassade quand vous l'avez réinvestie ?
Il y avait des débris de verre, des éclats d'obus sur la terrasse, des sacs de sable partout. Un décor de guerre, en fait.
Vous êtes revenu quand ?
Le personnel a été évacué le 18 mars 2003, soit la veille du déclenchement des opérations. Nous sommes partis à Amman, et de là-bas à Alger. Un mois plus tard, en mai 2003, j'ai repris mon poste.
L'ambassade n'a pas été pillée ?
Dieu merci, elle a été épargnée, d'un côté parce qu'elle était bien surveillée, d'un autre, grâce aux voisins. Il faut noter que nous avons de bons rapports avec nos voisins. Nous leur avons donné l'électricité, les médicaments, etc. Et ils nous l'ont bien rendu. Pendant les pillages, c'était l'autodéfense : chaque quartier assurait sa propre sécurité. Et c'est ainsi que nous avons été à l'abri.
Le drapeau algérien n'y est pas pour quelque chose ?
Oui, bien sûr. Ils ont pillé pas mal d'ambassades sauf celle d'Algérie. Historiquement, nous avons toujours eu de bonnes relations avec l'Irak. De tout temps, l'Algérien a été bien vu et bien considéré en Irak. Nous avons toujours un petit “plus” avec les Irakiens. Pour vous citer un exemple, dernièrement, il y a eu un Algérien décédé. Théoriquement, un corps n'est pas censé rester au-delà de vingt-quatre heures à la morgue. Passé vingt-quatre heures, il est enterré automatiquement. Comme ils ont vu à l'hôpital qu'il était Algérien, ils ont fait une exception et ont laissé le soin aux autorités algériennes de décider de son sort.
Officiellement, il y a combien d'Algériens en Irak ?
Les inscrits avant la guerre étaient autour de 300, exactement 286 ressortissants dont 136 étudiants dans le cadre de la coopération culturelle. Maintenant, tous les étudiants sont réaffectés avec des bourses algériennes, qui vers l'Egypte, qui vers la Jordanie, qui vers le Liban, selon leur spécialité, et ne sont restés que 140 Algériens qui sont pour l'écrasante majorité des femmes mariées à des Irakiens ou à des Palestiniens.
Avant la guerre de 1991, il y avait beaucoup plus d'Algériens qui venaient travailler dans des compagnies étrangères, notamment françaises. Le problème avec la communauté, c'est qu'elle est éparpillée, elle n'est pas toute concentrée à Bagdad.
Vous a-t-on signalé des victimes parmi nos ressortissants des suites de la guerre ?
Non, pas à ma connaissance. Par contre, il y a eu un cas qui nous été signalé, mais pas parmi la communauté. C'est un combattant soi-disant de la “mouqawama”. On m'a dit, il y a un Algérien enterré ici. Je ne sais pas ce qu'il en est. On nous a ramené ses papiers, c'est effectivement un Algérien.
Il a été tué pendant la guerre ?
Non, après la guerre.
Justement, qu'en est-il des combattants algériens venus en Irak ?
Ils n'ont jamais pris attache avec l'ambassade. Ils avaient leurs propres réseaux. Nous n'avons aucun contact avec eux. La plupart d'entre eux venaient via la Syrie.
S'ils sont tués ou arrêtés, on est censé vous les signaler… Il y en a beaucoup qui ont été “vendus” aux Américains à 2 500 dollars, semble-t-il...
Oui, c'est ce qu'on dit, mais nous n'avons pas eu affaire à ce genre de cas au niveau de l'ambassade.
Quelle est exactement votre fonction ?
J'assure les intérêts du pays. Nous devons assurer le bon fonctionnement de notre patrimoine immobilier en Irak. Cette ambassade a été acquise en toute propriété, de même que la résidence et l'annexe commerciale. Ces biens ont été achetés par l'Algérie et nous devons les préserver. Et le plus important, j'assure la fonction d'interface pour notre communauté en Irak. Il faut que nos compatriotes sentent qu'on est là. On ne peut pas les laisser à leur sort. Nous fonctionnons, pour résumer, comme un “consulat” : renouvellement des passeports, décès, naissances, mariages. Par ailleurs, il faut souligner qu'il y a aussi un volet social. Il y a beaucoup d'Algériens qui traversent une conjoncture particulièrement critique en ce moment. Déjà, avant, la situation était difficile. Là, elle a empiré. Et l'ambassade doit porter assistance à nos compatriotes qui sont en difficulté. Il y a des Algériens, ici, en Irak, qui ne trouvent même pas de quoi manger. Le dollar a dégringolé, la vie est chère et il n'y a pas d'emploi. Où voulez-vous qu'ils aillent ?
Vous avez un fonds pour cela ?
Tout à fait.
Comment est octroyée cette aide ? à qui s'adresse-t-elle en priorité ?
C'est une aide qui ne concerne que la communauté algérienne en Irak à l'exclusion des gens de passage. On connaît la situation de nos ressortissants au cas par cas. Ce sont des gens mariés à des Irakiens et installés en Irak quand le dinar irakien faisait trois dollars. Ils avaient une bonne situation à l'époque. Après 1991, la vie est devenue difficile pour eux. Aujourd'hui, ils sont pour nombre d'entre eux dans le dénuement le plus total. À titre d'exemple, si l'un d'eux doit se faire hospitaliser pour une opération et qu'on lui exige 100, ou 200 dollars, nous le prenons en charge.
Y a-t-il des entreprises algériennes qui continuent à venir en Irak ?
La plupart ne sont pas revenues. Pour l'heure, il n'y a pratiquement qu'une seule entreprise qui est là, en l'occurrence la PMA. C'est une entreprise publique spécialisée dans la commercialisation du matériel agricole.
Il y avait une présence économique algérienne assez remarquable en Irak, notamment durant l'embargo…
Oui, Il y avait la Sonatrach, la SNVI, Anabib, Ferrovial aussi. Le secteur privé également commençait à s'intéresser au marché irakien. Il y avait, en particulier, deux privés. Mais l'ensemble de ces entreprises ne sont pas revenues pour le moment. Elles tergiversent.
Peut-on avoir une idée du volume des exportations algériennes vers l'Irak jusqu'à la guerre ?
C'est une information qui n'est pas à ma disposition vu que Monsieur l'ambassadeur n'est pas là, et l'attaché commercial qui a les chiffres non plus.
Comment vivez-vous à Bagdad en ce moment avec tout ce qui s'y passe ?
On vit le klach à la main, que voulez-vous que je vous dise ?
Avez-vous peur ? Le sentiment d'insécurité a-t-il augmenté ?
Oui, certainement, dans la mesure où il y a moins de sécurité qu'avant la guerre.
Comment vous êtes-vous retrouvé en poste à Bagdad ?
Je suis arrivé ici en 2000. Avant, j'ai occupé pas mal de postes comme dans toute carrière diplomatique. J'ai toujours fait les pays arabes, notamment la Tunisie et la Jordanie.
Quelle a été votre réaction en vous voyant affecté à Bagdad ? C'était quand même une période difficile…
J'avais, surtout, des soucis par rapport à la famille, les études des enfants… L'Irak était sous embargo et n'avait pas de moyens. Je suis père de trois enfants, dont deux scolarisés et j'avais des appréhensions par rapport à leur scolarité.
Maintenant, vos enfants sont en Algérie, c'est bien cela ?
En effet. On nous a évacués avec armes et bagages. Là, on est deux diplomates pour ainsi dire… “célibataires”. Nos familles sont en Algérie. Comme je viens de le dire, on circule avec la kalachnikov. Comment voulez-vous garder vos enfants dans de telles conditions ?
Donc le cursus scolaire de vos enfants a été interrompu…
Effectivement. Et c'est le cas de tous les membres de la communauté algérienne. C'était un réel problème. Heureusement qu'en Algérie, ils ont pris en considération le fait qu'ils étaient en Irak, et ils ont été intégrés au milieu de l'année scolaire. Ce qui s'est passé, en fait, c'est que les autorités algériennes ont mis en place une cellule de crise pour prendre en charge les familles rapatriées de Bagdad et se sont occupées de la réinscription de nos enfants. Mais les miens, par exemple, ont dû déployer plus d'efforts pour se mettre à niveau. Il fallait leur payer des cours particuliers pour le français surtout, car, ici, en Irak, ils maîtrisaient l'arabe et l'anglais et pas le français. Ils n'ont pas pu s'adapter. Cela s'est fait difficilement.
Un diplomate en poste dans un pays en guerre bénéficie-t-il d'avantages particuliers : “prime de guerre”, “indemnité de guerre” ou, à tout le moins, de congés de “détente” supplémentaires pour rompre avec la tension du pays hôte ?
Non, pas spécialement. Un diplomate, c'est comme un militaire. Où qu'il se trouve affecté, il prend son “paquetage”, son courage à deux mains et ne discute pas les ordres. L'Etat met les moyens pour assurer la sécurité des diplomates, sans plus. Nous n'avons aucun régime de “faveur”. Moi, je suis un cadre de l'Etat algérien, et je réponds présent partout où je suis envoyé, que ce soit dans un pays en guerre ou autre. J'ai une période de service à accomplir et je l'accomplis avec tous les aléas y afférents.
Quel regard portez-vous sur l'Irak de l'après-guerre ? Percevez-vous des changements dans la société irakienne d'aujourd'hui ?
C'est clair. Il y a beaucoup de changements. La situation est critique. L'aspect sécuritaire, économique, social, politique, tout a changé. La situation empire de jour en jour.
Vous arrive-t-il de sortir un peu ?
Non. Je limite au maximum mes déplacements.
Vous évitez de circuler avec une voiture diplomatique, j'imagine…
Evidemment. On peut être agressé par n'importe qui. D'ailleurs, tout ce qui est courrier, argent est à Amman, et c'est le cas de toutes les ambassades. Elles ont toutes transféré leurs avoirs en Jordanie pour les mettre à l'abri. Et pour convoyer les fonds, cela n'est pas une mince affaire car la route Bagdad-Amman n'est pas sûre.
À Amman, j'y vais en convoi. J'évite de prendre la voiture diplomatique. J'emprunte un GMC banalisé comme tout le monde. On n'a pas intérêt à se faire remarquer. Il n'y a plus d'immunité diplomatique en Irak. On fait la queue pour l'essence pendant des heures comme tout le monde, on n'a aucune priorité. L'électricité nous est rationnée, si bien que l'été dernier, nous avons particulièrement souffert. Il a fait 60° et nous ne pouvions pas utiliser l'air conditionné faute de courant. Et, avec cela, on ne pouvait pas sortir. C'était infernal !
M. B.


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