Pour ce praticien, qui reçoit souvent dans son service des enfants avec des atteintes rénales induites par des maladies héréditaires, il est primordial d'“expliquer aux familles le rôle déterminant de l'endogamie dans la transmission de ces affections génétiques". Il estime, par ailleurs, qu'il ne convient pas de s'attarder sur le coût d'un traitement si ce dernier guérit la maladie. Liberté : Vous recevez, dans votre service, beaucoup d'enfants souffrant d'atteinte rénale, conséquence d'une maladie génétique. D'après votre propre expérience, pensez-vous que le nombre de cas est plus élevé qu'il y a quelques années ? Pour quelles raisons ? Pr Farid Haddoum : En effet, ces dernières années, le nombre d'enfants et d'adultes, admis en néphrologie pour une maladie rénale génétique, augmente régulièrement. Il double chaque année. Pour autant, nous ne pouvons pas affirmer qu'il existe une augmentation réelle de l'incidence des maladies rénales génétiques dans notre pays (nombre nouveaux cas). Cette augmentation peut simplement refléter un meilleur dépistage et une plus grande connaissance de ces maladies par nos collègues. Le diagnostic biochimique et génétique est maintenant possible en Algérie pour la majorité des affections rénales héréditaires. Nous travaillons en étroite collaboration avec le laboratoire central de biochimie du CHU Mustapha-Pacha, dirigé par le Pr A. Berhoune ; le département de génétique du l'USTHB de Bab-Azzouar à Alger (Pr Djerdjouri et Pr Aït Idir) et le service d'anatomo-pathologie du CHU de Hussein-Dey du Pr Kalem. Il y a bien d'autres équipes engagées à nos côtés. En Algérie, il n'existe pas de néphrologues pédiatres. Est-ce un handicap qu'un néphrologue d'adultes prend en charge des enfants ? Il est préférable de “parler" de collègues pédiatres néphrologues. Il y a, dans notre pays, plusieurs pédiatres néphrologues à Alger, Oran, Constantine et Tlemcen, pour ne citer que les grandes villes. Ils exercent dans des services de pédiatrie générale au sein des CHU, à l'exception de l'EHS Canastel où le service de néphrologie pédiatrique est autonome et fonctionne depuis 2002 avec une unité d'hémodialyse pédiatrique et une unité de dialyse péritonéale pédiatrique. C'est le seul exemple au niveau national. Pour notre part, nous intervenons effectivement par une offre de soins en direction des enfants atteints de maladies rénales. Nous avons développé la dialyse et la transplantation pédiatrique en étroite collaboration avec les pédiatres de notre hôpital. Souvent, l'on trouve plusieurs cas dans une même famille. Si oui y a-t-il moyen d'éviter de telles situations par un diagnostic préimplantatoire, par exemple, bien que cet examen ne soit pas pratiqué en Algérie ? C'est une question bien difficile et il n'est pas aisé d'apporter des réponses précises en quelques lignes. Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est possible dans plusieurs maladies rénales génétiques (l'exemple de la polykystose héréditaire), mais il y a encore de nombreuses affections héréditaires sans diagnostic précoce possible à l'heure actuelle. Le DPI est une avancée certaine qui peut être proposée (et seulement proposée) à des couples porteurs d'une anomalie génétique. Nous devons, avant tout, informer la famille, lui donner les explications, partager les connaissances, sans jamais l'heurter. Nous devons nous garder de toute investigation intempestive et ne pas chercher à imposer une attitude et/ou une décision médicale unilatérale. On sait combien ces situations sont extrêmement délicates... Sensibiliser contre les mariages consanguins serait une solution ? Un oui franc et massif !... Il est important d'expliquer aux familles le rôle déterminant de l'endogamie dans la transmission de ces affections génétiques. Les éclairages scientifiques apportés, le conseil génétique est aisément accepté par les familles et nous observons, avec satisfaction, une réelle prise de conscience des membres de la famille. Le traitement des maladies rares est extrêmement coûteux. Est-il constamment disponible ? Le cas échéant, quelles sont les contraintes ? En effet, les médicaments innovants, issus des biotechnologies, ont un coût plus élevé que les médicaments issus de la chimie et de la pharmacie traditionnelle. Ce n'est un secret pour personne. Maintenant, il convient de dire que tous les médicaments ne sont pas onéreux. Je peux citer le cas de la Cystinose. Elle peut être soignée par la prise de Cysréamine (en gélules et en collyres), dont le prix est plus que raisonnable... Nous devons intégrer le prix unitaire d'un médicament dans le coût global d'une affection héréditaire invalidante à vie, avec les désastres humains et familiaux qu'elle engendre. Lorsqu'un médicament, même cher, permet une guérison et évite, à la société, la prise en charge des autres conséquences de la maladie qui sont également très coûteuses et qui n'apportent pas grand-chose aux patients (soins palliatifs), nous avons vite choisi notre décision. En clair, comparé aux autres conséquences “coûteuses" de ces maladies invalidantes, un médicament qui guérit n'est jamais “cher" pour les familles atteintes, qui sont déjà suffisamment éprouvées par la maladie. Dans ce domaine, nous pouvons être fiers de notre pays. Des efforts financiers considérables (en millions d'euros) ont été consentis par nos autorités de tutelle pour la prise en charge de nos patients. Les médicaments, même coûteux, sont disponibles. Nous sommes le seul pays du Maghreb à prendre en charge financièrement les thérapeutiques innovantes des maladies héréditaires. Je dois souligner le rôle majeur et l'engagement des pharmaciens hospitaliers, qui ont soutenu toutes ces démarches. Il y a certes, encore, des efforts à faire dans le circuit de la distribution pour les volumes et la disponibilité. Cependant, nous restons confiants car le train est en marche. L'Algérie ne compte pas ses sous quand il s'agit d'enfants... Nom Adresse email