Haïti : Aristide dos au mur

Vu de près

Pratiquement tout le pays demande son départ mais Aristide n’en démord pas. Il n’entend pas lâcher prise. Même au prix d’une effroyable guerre civile. Il a accepté le plan de sortie de la crise proposé par l’organisation panaméricaine (OFA), exigeant de lui le partage du pouvoir, mais pour l’opposition ce n’est plus possible. Aristide, à ses yeux, en a fait trop. Rien ne peut absoudre ses méthodes violentes et sa tentative de monter les populations noires contre l’élite métisse.
Le président haïtien tente d’ailleurs de faire diversion en organisant autour du palais présidentiel (Port-au-Prince) où il s’est barricadé avec sa garde prétorienne, un carnaval pour le petit peuple des bidonvilles qui continue à voir en lui le messie devant le sortir de l’épouvantable misère. Le mouvement qui exige sa démission, le Front de résistance révolutionnaire parti de Gonaïve, ville au nord-ouest de l’île, berceau de l’indépendance en 1804 et également tombe de la famille Duvalier, la caricature de régimes bananiers, est au portes de la capitale. À Port-au-Prince, l’opposition (partis et sociétés civiles) regroupée au sein d’une plate-forme démocratique même si elle conteste l’emploi de la violence par la rébellion s’est jointe à l’exigence du retrait d’Aristide. La bataille de Port-au-Prince risque de ressembler à celle qui vient à peine de se terminer au Liberia où la guerre civile avait éclaté sur des ingrédients identiques : un pouvoir corrompu et violent qui a allumé le feu entre Américains et Africains. Ancien curé défroqué, Aristide avait conquis Haïti en tant que champion de la démocratie durant le règne des Duvalier et de leurs tontons macoutes.
Le masque est cependant vite tombé. L’ex-curé n’a fait que reprendre les méthodes Duvalier junior en exil en France. Fortement contesté, Aristide se réfugie aux États-Unis où des milieux religieux ultras l’ont couvé et même ramené au pouvoir en 1994. À son retour à Port-au-Prince, il s’est carrément mué en despote.
La communauté internationale et les ONG ont fini par se détourné de ce pays, le plus pauvre parmi les pauvres, après le hold-up législatif de 2000.
Aristide a non seulement empêché l’opposition de se faire représenter mais il a lâché à ses trousses des escadrons qui ressemblent en tous points de venue aux tontons macoutes des Duvalier, tristement célèbres pour leurs interventions expéditives. Les manifestations contre son pouvoir autocratique donnent naissance à une rébellion qui a gagné l’ensemble de l’île et tourné à l’insurrection.
D. B.