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Entre usure et intérêt
La riba se justifie par le tort porté au débiteur
Publié dans Liberté le 25 - 11 - 2013

Seule une infime minorité de savants du culte estime, depuis le milieu du XIXe siècle, que l'extension de la notion de riba aux intérêts bancaires n'est pas juste : parmi ces oulémas, citons aussi Muhammad Abdouh, Mahmoud Shaltout, Muhammad Sayyed Tantawi ou Nasr Farid Wasil (tous grands muftis d'Egypte et cheikhs d'Al-Azhar). Rejoignant ces éminents experts qui considèrent que l'assimilation de la riba à l'intérêt bancaire constitue une interprétation abusive des règles du droit musulman, des économistes apportent leur savoir dans une question sur laquelle le jurisconsulte ne peut statuer sans les expertises de spécialistes en la matière. Ainsi l'économiste Khalid Chraïbi, qui a occupé des postes importants dont celui de responsable à la Banque mondiale, écrit que l'assimilation de la riba à l'intérêt s'est faite "sur des bases juridiques discutables, dans la mesure où les opérations de banque moderne sont de nature totalement différentes de ce qui existait en Arabie, au temps de la Révélation". Ce n'est guère le lieu de citer, ici, toutes les fatwas énoncées sur ces questions mais celle de Abd Al Moun'im Al Nimr, ancien ministre des Habous d'Egypte, est éloquente : "L'interdiction de la riba se justifie par le tort porté au débiteur. Mais, puisqu'il n'y a aucun tort porté aux personnes qui procèdent à des dépôts dans une banque, l'interdiction de la riba ne s'applique pas aux dépôts en banque". Cet imam valide donc la différence entre usure et intérêt. Quand on définit la riba comme étant l'usure, dans une interprétation éclairée du Coran, la banque moderne devient une institution honorable, dans une logique qui met l'Islam en harmonie avec les lois scientifiques de son temps. On ne peut, d'un côté, prétendre que le Coran est fondé sur des vérités scientifiques et, de l'autre, décréter des fatwas qui attestent d'un esprit irrationnel ou de l'ignorance de ceux qui les émettent. On ne comprend donc pas pourquoi le wahhabite Al-Qaradaoui, qui a condamné la riba dans tous les pays musulmans, l'a autorisée en 2006 pour le Maroc, sous prétexte qu'il n'y existe pas de banques islamiques, en se basant sur le principe que "la nécessité abolit les interdits" (addarouratou toubihou al mahdhourat). Si la nécessité autorise l'illicite pour le Maroc pourquoi ne l'autoriserait-elle pas ailleurs ? Puis les autorités marocaines qui ont interdit l'implantation de banques islamiques durant deux décennies ont soudain changé d'avis : ce revirement n'est pas issu d'une nouvelle compréhension de l'Islam mais du fait que des opérateurs des pays du Golfe se sont engagés à investir plusieurs milliards de dollars dans l'économie marocaine, à la seule condition qu'on leur fournisse les "conduits" adéquats ! La riba est illicite mais l'opportunisme et la corruption, halal ? En Islam, certains hadiths cités par Boukhari autoriseraient l'emprunt à intérêt (îkâl ar-ribâ) en cas de nécessité absolue (dharûra) ! Ces cas de nécessité ne sont pas définis.
Au lieu de chercher les explications dans l'histoire et d'essayer de comprendre ce que l'Islam est venu interdire, les imams du Moyen-Âge se sont mis à spéculer pour tenter d'expliquer le pourquoi de l'interdit. Les imams wahhabites ou ignares d'aujourd'hui reprennent bêtement cet argumentaire sur le riba qu'ils confondent avec l'intérêt, interdisant ainsi une activité qui n'existait pas du temps de Mohamed et qui est universellement avérée être d'utilité fondamentale pour les finances et l'économie mondiales. Sous le seul prétexte que mot riba signifie augmentation ou accroissement, tout comme l'intérêt, ils décident que les deux concepts sont identiques, alors que plusieurs siècles séparent les deux notions, l'une de l'économie antique, et l'autre de l'économie contemporaine. Sans craindre de saper l'économie de leurs pays respectifs ou de la nation, ils statuent sur la base d'arguments obsolètes et discutables alors que la religion exige des compétences plus larges.
C'est parce qu'il a jugé la conformité des banques modernes avec les principes d'équité, de justice et de transparence, qu'Al-Azhar affirme que la riba n'a rien à voir avec l'intérêt bancaire. Seuls les faux imams continuent à pêcher en eaux troubles ; or notre ministère des Affaires religieuses ne cherche même pas à se mettre à la page pour savoir ce qu'a dit Al-Azhar, qui doit pourtant être soutenu dans sa lutte contre le fanatisme issu des pays du Golfe et de l'Arabie Saoudite qui profitent du vide et de l'inertie ambiante pour imposer une vision pervertie de l'Islam. De plus, les fatwas contre l'illicéité de l'intérêt ne sont pas des décisions de jurisprudence unanimes, claires, libres et définitives mais plutôt les assauts d'une campagne au profit des banques islamiques, car tous les sites web et toutes les chaînes de télévision wahhabites qui ressassent ce sujet reçoivent de la publicité des banques "islamiques", ce qui montre leur collusion avec leurs financiers. Hypocrite, mensongère et fondée sur traficotage sémantique, la campagne sur la riba devient de plus en plus agressive en même temps que se développe la pensée wahhabite excommunicatrice (takfiriste) dont elle est issue. Assimiler l'intérêt à la riba est non seulement faux mais débile. Dire que l'intérêt est illicite est une insulte à l'esprit de l'Islam et à ses fondements scientifiques et rationnels. C'est l'irtida (ارتداء) ou usure qui est illicite, non seulement en Islam mais pour le christianisme et pour toute morale digne de ce nom. Le terme intérêt se traduit par maslaha (مصلحة) et non pas par riba. L'ignorance a permis ce glissement sémantique qui fait que l'intérêt soit assimilé à la riba alors que cette dernière se rapporte en vérité à l'usure.
Mais revenons à l'histoire. Le phénomène de la riba existe bien avant l'Islam ; et la religion chrétienne l'a abordé car Jésus-Christ a eu directement affaire à cette catégorie de gens, les usuriers, qu'il a été le premier à vilipender et à en disperser les affaires : il s'agit notamment des commerçants qui étaient dans le Temple non pas pour prier mais pour s'adonner à la vente. Le Coran est postérieur à la Bible et le prophète Mohamed(QSSSL), à La Mecque ou lors de ses voyages, a eu l'occasion de voir par lui-même les comportements rapaces des usuriers dont le métier n'obéissait à aucune règle et pratiqué sans foi ni loi. "Rien n'est pire que d'aimer l'argent, en effet il met sa propre âme en vente", dit l'Ecclésiastique 10 : 9-10.
Littérature et peinture occidentales
Saint-Augustin a condamné les usuriers, faisant le lien avec les voleurs. A partir du IXe siècle, la doctrine ecclésiastique condamne radicalement les métiers de l'argent, mais c'est vers la seconde moitié du XIIe siècle, à la suite de l'interdiction des théologiens, que le droit canon et les conciles œcuméniques condamnent l'usure avec la plus grande sévérité. Définie à l'époque comme tout payement reçu ou demandé sur un prêt en addition à la valeur prêtée elle-même, l'usure est à la fois un péché pour lequel la pénitence est obligatoire, et un crime canonique qui encourt des sanctions. En Occident, le sens du mot usure finira par évoluer pour signifier, actuellement, un prêt avec intérêt exagéré ou trop élevé ainsi que des conditions arbitraires. Rappelons que le Nouveau Testament condamne clairement les usuriers juifs. Vers la seconde moitié du XIIe siècle, à la suite de l'interdiction des théologiens, le droit canon et les conciles œcuméniques condamnent fermement l'usure, qui est alors devenue une préoccupation majeure de la chrétienté occidentale. D'ailleurs, en religion chrétienne, l'usure est liée à l'avarice, un autre péché capital. L'usurier a d'ailleurs fortement alimenté la haine populaire envers son personnage, le Juif, car ces prêteurs considéraient leurs clients comme des proies. Le personnage de l'usurier est assimilé au Juif et vice-versa, et ce, depuis les temps les plus anciens, notamment à l'époque romaine, chez les Egyptiens et surtout en Europe au Moyen-Âge, puis au XXe siècle, notamment en Allemagne et en Grèce : en Allemagne, les usuriers ont fini par appauvrir et exproprier des milliers de paysans et prendre leurs terres, ce qui explique la répression antisémite lors de laDeuxième Guerre mondiale ; tandis qu'à Athènes, une grande partie des biens immobiliers sont passés en quelques siècles entre des mains juives, du fait de l'incapacité des propriétaires de rembourser des prêts contractés sous des ruses usurières, ce qui explique aussi les répressions anti-juives en Grèce lors de la Guerre mondiale. Le personnage de l'usurier (et du prêteur sur gage) foisonne dans la littérature européenne (Jacques Le Goff, Jean Gerson, Humbert de Romans, Sébastien Brant, Dante, Boccace dans le Decameron) qui le présente comme un pécheur, une créature néfaste, impénitente, sacrilège, impie, cruelle et âpre au gain, dont l'image coïncide avec celle, honnie, du juif durant tout le Moyen-Âge. Cruels, impitoyables et impavides devant le désespoir, l'usurier et le prêteur sur gage ont alimenté l'antisémitisme durant des millénaires. Cette image des usuriers accaparant et spoliant tout sur leur passage est aussi diffusée à profusion dans de très nombreuses peintures, de Jérôme Bosch à Giotto di Bondone, Jan Provoost, Gabriel Metsu ou Pieter Brueghel. Tous ces témoignages traduisent une vérité historique sur la vilénie des usuriers et autres prêteurs sur gage, métiers dominés par les juifs et les Lombards, ces derniers étant des Italiens de Lombardie installés partout en Europe. Pour répondre à la condamnation populaire des prêteurs, l'église (concile de Latran IV, 1215) imposera dès 1215 aux juifs de se distinguer des chrétiens par un habit spécial, un bonnet jaune. En France, dès la fin du quatorzième siècle, les juifs ont été chassés par Philippe le Bel en 1306, puis définitivement en 1394 par Charles VI. Vers le XVe siècle, les derniers juifs de France sont exclus des centres urbains vers la campagne. Dans certaines conditions, ces prêteurs pouvaient éviter la crise frumentaire, et les révoltes des ventres creux qui l'accompagnaient inévitablement. Dès les premières années du XVIe siècle, les juifs avaient pratiquement été exclus des différents Etats d'Europe occidentale. Aux Pays-Bas, dès 1618, la pratique de l'usure est interdite et ces fournisseurs de crédit se verront déchus en 1618 de leur monopole et remplacés par les monts-de-piété, créés dès 1462. La condamnation de l'usure a été accompagnée par l'exclusion des juifs de la société des élus, en somme leur bannissement, et ils ont été contraints d'exercer leur activité en secret. Puis, au milieu du XVIe siècle, l'utilité du service impose au législateur de légaliser le prêt mais à un taux précis, fixé à 21% dans certains Etats d'Europe, et beaucoup plus bas dans d'autres. Le retour de la licéité du profit issu de l'argent s'explique par les besoins économiques de l'époque, conditionnée par une réglementation stricte du prêt, dès lors considéré comme d'utilité publique. Même les princes, les laïcs et les ecclésiastiques ont commencé à emprunter pour financer leur politique ou simplement leur train de vie, notamment chez les Lombards qui avaient commerce partout en Europe, concurrents des juifs, accusés d'augmenter continuellement les prix et qui continuaient à faire beaucoup de malheureux, expropriés et appauvris, partout en Europe.
Dès ses prémices, la pensée chrétienne s'est efforcée de "définir les pratiques économiques légitimes et d'élargir le terrain de la licéité du profit" (1) tout en maintenant sa volonté de s'opposer aux activités économiques des "infidèles", c'est-à-dire les juifs. "Le lien qui a été établi par l'Eglise entre les mauvaises pratiques de l'argent et les juifs, a rapidement été appliqué à tous ceux qui pratiquaient le métier de l'usure". selon Myriam Greilsammer. Tandis que Lester K. Little écrit que "le commerce de l'argent, l'activité cruciale de la révolution commerciale, fut considéré dès lors comme étant exclusivement l'œuvre des juifs". Ou des chrétiens exerçant ce métier et qui sont qualifiés péjorativement de juifs.
A. E. T.
(À suivre)
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