Résumé : Nous quittons le premier village aux premières lueurs de l'aube. La neige fondait, et le froid glacial rendait notre périple difficile. Un mauvais pressentiment me taraudait... J'avais peur, mais je n'osais l'avouer à papa Si Ahmed qui m'aurait ri au nez. Pourtant, Kheïra aussi avait ce mauvais pressentiment... Elle était nerveuse et tentait de cacher sa peur... Je tire papa Si Ahmed par la manche : -Il fait trop froid pour continuer... Arrêtons-nous quelque part et allumons un bon feu. -J'y ai pensé moi aussi, mais je préfère qu'on continue encore à marcher... Je pense qu'il vaudra mieux attendre d'arriver dans un hameau... Avec cette neige, où veux-tu allumer un feu ? D'autant plus que ce vent glacial n'arrange pas les choses. Courage... Nous n'avons plus d'autre choix que celui de continuer à marcher droit devant. Je ne sais pas combien de kilomètres nous avions encore parcouru dans la neige et le vent, mais je sais que je ne sentais plus ni mes pieds ni mes jambes. Nous marchions tels des robots et à l'affût du moindre bruit. Au milieu de l'après-midi, nous repérons un petit hameau sur la montagne. Si Ahmed tendit son index : -Je ne sais pas ce qui nous attend, mais nous trouverons sûrement un peu de chaleur dans ce petit hameau perdu dans ces montagnes. Epuisés, mouillés, affamés, nous nous traînons jusqu'au lieudit. Le froid avait incité les gens à ce cloîtrer chez eux très tôt, mais on sentait que dans ces maisons perdues régnait une certaine animation. Un chien aboyait, des femmes s'interpellaient, de la fumée sortait des toits de chaume, et une odeur de nourriture embaumait les lieux. Je salivais... Mon estomac criait famine. Kheïra nous avait donné quelques figues et un morceau de galette... Mais la pitance était trop maigre pour marcher dans le froid et la neige... Nos forces commençaient à nous abandonner. Si Ahmed lève la main : -Ne soyez pas impatients... Je vais tout d'abord inspecter les lieux. Sa mitraillette dissimulée sous sa kachabia, le toubib s'aventurera à l'intérieur du lieudit. Kheïra et moi le regardions s'éloigner : -Je ne sais pas si je pourrais tenir encore longtemps avec mon treillis glacé sur mon corps. Kheïra me serre le bras : -Courage... Nous allons bientôt nous réchauffer devant un bon feu. Un demi-heure passe, avant que Si Ahmed ne daigne se montrer : -Aller, venez vous deux... -Tu as trouvé un abri sûr... ? Il sourit : -Pas seulement... Il y a aussi d'autres maquisards qui sont déjà pris en charge par les braves gens de ce hameau... Nous allons nous retrouver en famille. -Bien... Mais es-tu sûr que les lieux sont sécurisés ? Papa Si Ahmed me regarde dans les yeux : -Je ne vais pas m'amuser à visiter chaque maison fiston... Moi j'ai faim et j'ai froid, et la présence de nos frères dans ces lieux est suffisante pour nous rassurer... Ma foi, si tu veux encore rester dans la neige et mourir de faim et de froid, tu as le choix. Kheïra avait déjà pris les devants. Je regarde papa Si Ahmed qui me tendait le bras, avant de me mettre à détaler la pente qui nous séparait des premières maisons. Des éclats de rire nous parvinrent. Un homme de stature imposante montait la garde devant une maison. À n'en pas douter, c'était là qu'étaient réunis nos compatriotes. Si Ahmed fera les présentations. Parmi les maquisards, il y avait Kaci, un ancien ami à Da Belaïd. Un rude de l'ancienne génération, tout aussi imposant que l'était notre chef. Réunis devant une table basse sur laquelle était servi un repas, nos frères discutaient de la politique du pays et des nouvelles stratégies élaborées par l'ennemi. D'aucuns savaient que la France avait perdu la partie et s'apprêtait à subir l'humiliation de la défaite. -Ah ! Vous voici vous autres, nous lance Kaci d'un air autoritaire. Venez donc vous asseoir et prendre part à ce repas béni. Je ne me le fis pas répéter. Poussant Kheïra du coude, je m'assois à ses côtés et me fait servir une pleine assiette de riz au poulet. Je me mets avaler cette nourriture comme un forçat. Si Ahmed me demandera de manger plus lentement. -Et si jamais on nous surprend, lui répondis-je entre deux rations... Je n'aimerais surtout pas mourir ou me faire emprisonner le ventre vide... Kheïra se met elle aussi à manger sans demander son reste. Elle semblait fatiguée, et ses yeux enflés par le manque de sommeil la rendaient plus vulnérable. Que c'était bon de humer l'odeur de la nourriture et de manger à satiété. Le riz me parut succulent et le morceau de poulet encore plus. Après ce repas inattendu, je ne pouvais refuser le café, et les gâteaux qu'on vint déposer devant nous. (À suivre) Y. H. Nom Adresse email