Tension sur la campagne

Provocations et saccages des permanences de candidats

Entamée sur les chapeaux de roue, la campagne électorale, à mesure qu’approche la date fatidique du 8 avril, tourne à un spectacle affligeant. Ce qu’il nous a été donné de voir, hier, à Tlemcen, laisse planer de sérieuses incertitudes sur le prochain scrutin. Jamais, sans doute, une élection pluraliste en Algérie n’a charrié autant d’actes de provocations et de haine.
À Tlemcen, hier, ville présentée comme le fief du Président-candidat, les permanences électorales du candidat du FLN, Ali Benflis et celle du candidat d’El-Islah, Abdallah Djaballah ont été saccagées par une “horde de jeunes� se revendiquant du clan présidentiel. Pis, à se fier au communiqué de dénonciation de la formation islamiste parvenu à notre rédaction, certains de ses militants ont été même séquestrés pendant près d’une demi-heure.
Cela sans compter, bien entendu de l’entreprise engagée depuis plusieurs jours et qui consiste à déchirer les portraits et autres affiches des candidats concurrents de Bouteflika. Il faut noter que ces incidents interviennent au lendemain des attaques contre le cortège de Benflis et les journalistes qui l’accompagnaient, avant-hier, à Relizane. Auparavant, des tentatives de provocations similaires ont été signalées à El-Bayadh et à Naâma. À Aïn Témouchent, la ville est devenue pratiquement un no man’s land pour les concurrents du Président sortant. Et Abdallah Djaballah a eu à le vérifier à ses dépens, lui qui était contraint à l’annulation pure et simple de son meeting dans cette ville en raison des pressions et des risques réels de dérapages. Et au rythme où vont les choses, l’on peut dire sans risque de se tromper que des actes aux conséquences imprévisibles ne sont pas à exclure, à huit jours de la clôture de la campagne électorale. Surtout qu’une seconde campagne semble inévitable, la majorité des observateurs estimant que cette élection donnera lieu nécessairement à un second tour.
La course au fauteuil présidentiel doit-elle donc passer par le recours à ce genre de procédés, du reste condamnables ? Non.
Mais comment peut-il en être autrement lorsqu’un Président en exercice, supposé être le garant des libertés, jette à la vindicte populaire des journalistes et des candidats dont le seul tort est de lui avoir apporté la contradiction quant au bilan de son mandat finissant ? Peut-il en être autrement lorsque des jeunes incapables de discernement n’ont droit qu’à un discours de haine, d’intolérance et de provocation ? Plus grave encore, au regard de l’espace, où les provocations semblent synchronisées, en l’occurrence les villes de l’Ouest, l’on est même tenté de croire qu’un travail à connotation régionaliste se fait en catimini.
En tout cas, c’est l’avis même de certains candidats qui accusent ouvertement le Président-candidat d’être derrière l’exacerbation du sentiment régionaliste. Un travail relayé, accusent-ils encore, par la complicité de l’administration et des autorités locales. “J’ai entendu dire, ici à Oran, qu’il faut voter pour le Président-candidat parce qu’il est des nôtres�, révélait, avant-hier, Saïd Sadi à Oran même, avant d’appeler à bannir toute référence à la région de naissance des candidats. “L’extrait d’acte de naissance n’a jamais été un programme politique�, ajoutait-il encore. Manifestement, et il faut s’en inquiéter, ce n’est pas l’avis de tous les candidats. C’est dire que le discours régionaliste, conjugué à ce que d’aucuns traduisent comme étant des “signes d’affolement� devant la perspective d’un éventuel échec, cette campagne ne pouvait être à l’abri des dérapages.
Mais a-t-on mesuré les dangers de telles méthodes ? Visiblement non. Et rien de plus édifiant que le silence abyssal de l’Exécutif et celui de la commission chargée de la surveillance des élections. Décidément, la prochaine consultation ne s’annonce pas sous de bons auspices. Il faut, en effet, craindre le pire, dès lors que le Président sortant parait trop tenir à son fauteuil pour accepter les règles du jeu.
K. K.