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“Il y a trop d’affect dans cette campagne�
Le sociologue Liess Boukra à Liberté
Publié dans Liberté le 03 - 04 - 2004

Liess Boukra est docteur d’État en sciences sociales et dirige l’Institut de sondage IPSOFIM (Institut professionnel de sondage, de fabrication d’image et de marketing). Il est, entre autres, l’auteur d’un important ouvrage sur le terrorisme : Algérie, la terreur sacrée, (éditions Favre, Lausanne, 2002). Son analyse est pertinente sur les tendances lourdes de cette élection. Éclairage.
Liberté : La scène électorale s’anime de plus en plus à mesure que l’on approche de la date du 8 avril. Quelle appréciation faites-vous de la “qualité " de cette campagne que l’on s’est plu parfois à qualifier de “campagne à l’américaine�?
Dr Liess Boukra : La première semaine a été un round d’observation ; la seconde s’annonce sous d’autres auspices. Quel bilan peut-on en faire ? D’abord un fait saillant : le niveau de la campagne est faible. Les candidats ne parviennent pas à provoquer ce déclic nécessaire à l’amorce d’une véritable campagne électorale. Quand nous nous baladons dans nos villes et villages, nous n’avons pas l’impression que l’Algérie est en pleine campagne électorale. Exception faite des portraits des candidats en lice placardés çà et là et des médias (télévisions, radios, journaux), qui en parlent, nous avons peine à croire que nous sommes en pleine campagne présidentielle. Il y a aussi le fait que nombre de candidats versent dans l’invective. Les attaques au vitriol et les dénonciations se multiplient. Les candidats disent peu ou prou, pourquoi on doit voter pour eux ; ils disent plus pourquoi on ne doit pas voter pour les autres. Il est évident que tous les tirs sont concentrés sur la personne du Président-candidat. En définitive, on ne trouve aucune proposition sérieuse pour remédier aux graves problèmes auxquels sont confrontés les Algériens (chômage, pauvreté, exclusion sociale, insécurité grandissante, dégradation du cadre de vie, pénurie d’eau…). Nous ne trouvons non plus aucune réponse à l’endroit des grands défis stratégiques auxquels notre pays est confronté dans le contexte d’une mondialisation qui prend de plus en plus l’allure d’un vaste processus de recolonisation. Bref, il ne se dégage des discours aucune vision d’ensemble, cohérente et systématique. Ce qui est visé chez l’électeur, c’est l’affect et l’émotionnel. D’où ce tissu de généralités empreintes d’un populisme à la limite de la démagogie. Au plan de la forme, nous n’avons pas avancé d’un iota. Nous sommes donc loin d’une campagne à l’américaine. Mais, il ne faut pas être exigeant outre mesure. L’expérience pluraliste algérienne est encore dans les langes. L’Algérie reste un petit pays malgré l’étendue de son territoire. C’est aussi un pays sous-développé avec tout ce que cela implique. Par conséquent, il faut cesser de nous comparer aux puissances du Nord. Il serait plus juste de nous comparer aux pays qui ont notre " âge " : le Maghreb, le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne. À ce niveau de comparaison, n’en déplaise aux " algéro-pessimistes ", l’Algérie est en avance. Elle enregistre des percées évidentes. Combien y a t-il de pays au Maghreb et dans le monde arabe où il y a de véritables élections présidentielles comme celle qui s’annonce chez nous ? Combien y a-t-il de pays dans cet ensemble géopolitique où les élections présidentielles sont empreintes d’un aussi grand ton de liberté que chez nous ? N’oublions tout de même pas que dans cet espace, nombre de républiques sont en voie de se transformer — ou se sont déjà transformées — en monarchies héréditaires. Comparée à ces pays, l’Algérie est effectivement le pays de la parole en cours de libération. À mon sens, c’est une tendance lourde qu’aucune politique de " restauration� ne pourrait étouffer. C’est ce qu’il faut retenir de cette élection, malgré les dérapages qui sont en train de l’accompagner.
Justement, force est de constater que la violence est en train de prendre une place inquiétante dans le débat électoral. Comment le sociologue que vous êtes appréhende-t-il ce comportement?
En effet, nous sommes témoins d’une montée de la violence. Les incidents se multiplient et la fin de la campagne s’annonce houleuse. Les risques de dérapage sont certains, d’autant que la commission concernée par ce problème me semble dans l’incapacité de réagir efficacement. Elle ne dispose que d’un rôle consultatif. Trois raisons peuvent expliquer ces débordements. Il y a d’abord l’effet des mouvements de foule qui provoque la fameuse “contagion mutuelle des émotions " dont parle Hyppolite Taine. Les foules carburent à l’émotionnel, et l’émotionnel ne se déploie qu’au détriment de la raison et de l’intelligence. Plus qu’un supplément d’âme, la foule, dit Gustave Lebon, libère les instincts de ceux qui la composent, en particulier ceux de la violence, de la puissance et de la bêtise. Il y a, ensuite, la stratégie des candidats et de leurs états-majors. En Algérie, comme dans tous les pays du tiers-monde, tout candidat recalé considère que les élections ont été truquées. Il s’engage dans la compétition électorale tout en étant convaincu, a priori, que s’il est battu c’est parce que les urnes ont été bourrées. Aussi peut-il envisager la violence comme un moyen de dissuasion. La violence peut aussi être le fait d’un candidat en perte de vitesse visant à perturber la campagne de ses concurrents. C’est un signe de panique.
Même dans l’entourage du candidat au pouvoir, on laisse entendre que si le Président-candidat ne passe pas, c’est qu’il y aura eu fraude…
C’est une première en Algérie. Ordinairement, sous nos cieux, le candidat au pouvoir (Boumediene, Chadli) ou le candidat coopté par l’establishment (Zeroual et Bouteflika en 1999) est toujours sûr de l’emporter. Aucun n’a dérogé à cette règle implicite. Pour cela, il faut le souligner, il ne fut pas toujours nécessaire de truquer les élections tant la pesanteur conservatrice du suffrage universel en Algérie conduit les ruralités grégaires à voter naturellement pour le candidat au pouvoir ou celui du pouvoir. D’ailleurs, depuis 1990, les résultats des élections ont toujours confirmé le pronostic des sondages. Le fait que l’entourage du Président-candidat tienne ce discours, prouve bien que le jeu est ouvert et que l’Algérie est en train de changer.
Votre institut est, entre autres, spécialisé dans la fabrication de l’image. Comment analyseriez-vous la prestation des candidats en termes d’image au regard des règles du marketing politique ?
Un seul mot me vient immédiatement à l’esprit : déplorable. On baigne dans l’amateurisme. Il y a beaucoup de photos, mais pas d’images.
Nous n’avons encore vu aucun candidat s’afficher avec la première dame potentielle. L’épisode de Bouteflika est particulièrement édifiant à ce propos, sa situation matrimoniale ayant suscité les spéculations les plus folles. À quoi attribuez-vous cette attitude?
Les candidats ne sont pas seuls en cause. Dans notre société, la présence de la femme dans l’espace public, en général, pose problème. Il n’y a de place dans cet espace que pour le mâle adulte. La femme demeure confinée dans la sphère privée. Même dans la conscience des Algériens les plus avancés, la seule représentation possible de la femme est celle de “citoyenne domestique" parce qu’elle incarne, à leurs yeux, avant tout, les vertus du privé. C’est que nous sommes un ensemble social qui n’est à proprement parler ni moderne ni traditionnel. C’est une formation entropique fondée sur la rente et la prédominance du père (le patriarche). L’Algérie ne représente pas un système social mais une formation pluristructurée à segmentation cumulée.
À cela s'adjoignent les vestiges d’une tradition politique qui fait de l’opacité une vertu militante et nourrit cette religion du secret qui frise la paranoïa. Nous sommes un des rares États au monde où, dans un contexte démocratique, consacré par la loi fondamentale du pays, les élites au pouvoir ou dans l’opposition activent avec une mentalité de clandestin, pour certains, parce qu’ils vécurent dans la clandestinité, ou de maquisards, pour d’autres, parce qu’ils furent au maquis.
M. B.
(Suite dans notre édition de demain)


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