Merouane Azzi a une curieuse façon de mesurer le succès de la "réconciliation nationale". Pour le président de la cellule d'assistance judiciaire pour l'application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, la réconciliation aurait atteint, à son neuvième anniversaire, "95% de ses objectifs". De 2006 à 2013, 9 000 personnes et familles ont bénéficié de la loi, "soit 95% des per0sonnes concernées". Il ne reste donc plus que quelques petites centaines d'individus à "indemniser"... et de fêter le triomphe total de la réconciliation ! En y ajoutant les 6 500 bénéficiaires de la "Concorde civile" (1999-2006), le nombre total de familles ayant profité des mesures de la Concorde civile et de la réconciliation nationale s'établit à 11 222. Pour le régime, il n'y a pas que la "stabilité" qui se mesure à l'aune de ses largesses ciblées ; la "paix", aussi, est une affaire de générosité bien orientée. D'ailleurs, le pouvoir n'a pas perdu de temps pour élargir le champ d'application de la formule. Comme le lui permet l'article 47 de la Charte, il a généralisé ce qu'il appelle les "indemnités" à toutes les familles de terroristes "indistinctement de leurs revenus" et pris la décision d'"intégrer les années de licenciement des travailleurs pour motif de terrorisme dans le calcul de la retraite". Gageons que l'année à venir sera dédiée à la satisfaction des 5% des bénéficiaires dont les dossiers sont encore en souffrance : ce qui nous permettra de fêter la pleine réussite de la "réconciliation nationale" à l'occasion du dixième anniversaire de la Charte. Charte, désormais dispensée d'effet militaire, puisque le président de la cellule chargée de veiller à "l'indemnisation" des familles de terroristes ne nous donne pas d'informations sur d'éventuelles redditions. Lors de son intervention, avant-hier, au forum d'El Moudjahid, il était plutôt question des terroristes (au nombre de 1 900, depuis la promulgation de la Charte en 2006), éliminés par les forces de sécurité. On ne peut pas dire que la "réconciliation" ait permis à l'Algérie de faire l'économie d'une guerre ! En fait, l'essentiel de cette guerre avait déjà eu lieu, et ce, bien avant le plébiscite de la Charte : sur les 17 000 terroristes éliminés depuis l'avènement de la "tragédie nationale", plus de 15 000 l'ont donc été avant 2006 ! Et, si l'on ajoute à ce funeste calcul le nombre de terroristes "sauvés" par la réconciliation (dont les 2 000 AIS, sur le point d'être anéantis par le GIA, à la fin des années 1990 et les plus de 2 000 terroristes emprisonnés et élargis à la faveur de la réconciliation), celle-ci se réduit à une opération plus financière que sécuritaire. Elle aura même enrichi quelques "émirs" rentrés avec leur "butin de guerre" et ayant, aujourd'hui, pignon sur rue. Des affaires particulièrement florissantes, en ce qu'elles ne s'embarrassent généralement pas de se conformer aux contraintes administratives et fiscales. Les agents préférant se tenir éloignés de ces opérateurs politiquement "sensibles". Ses effets peuvent se constater de visu : la réconciliation est, avant d'être une opération sécuritaire, une opération financière. À moins de considérer qu'un terroriste a plus droit à l'empressement "social" de l'Etat qu'un paisible quidam... M. H. [email protected]