En décidant de ne pas accorder sa confiance au nouveau gouvernement tunisien, le parti de Rached Ghannouchi ne prend-il pas le risque de provoquer une crise politique dans un pays qui vient à peine de sortir d'une difficile transition ? Non invité à participer à ce gouvernement, le parti Ennahda, qui constitue la deuxième force politique en Tunisie, a annoncé dimanche qu'il a décidé de ne pas soutenir le cabinet du Premier ministre désigné Habib Essid. C'est un des responsables du mouvement islamiste, en l'occurrence Saïd Ferjani, qui a déclaré, à l'issue de la réunion du Conseil de la choura, l'autorité suprême du parti : "Ennahda a décidé de ne pas accorder sa confiance au gouvernement de Habib Essid." Il a affirmé que ce gouvernement, dont le parti Ennahda ne fait pas partie, "n'a pas de programme clair et il ne fait pas l'objet d'un consensus national". Dans le même ordre d'idées, l'organe exécutif d'Ennahda a indiqué dans un communiqué que "la composition du gouvernement ne représente pas la diversité dans la scène politique (...) et ne répond pas aux exigences de cette étape qui nécessite des réformes primordiales pour l'avenir du pays". A voir cette prise de position, on ne peut que s'interroger sur les intentions du parti politique de Rached Ghannouchi, qui contrôle 69 sièges sur les 217 du Parlement, après qu'il se soit classé deuxième après Nidaa Tounès, qui occupe 86 sièges, lors des dernières élections législatives. S'agit-il tout simplement d'une manière pour Ennahda de se laver les mains de ce gouvernement, ou y aurait-il d'autres motivations ? Il faut attendre la suite des événements pour être bien fixé sur les véritables mobiles du mouvement islamiste tunisien. En effet, cette décision peut menacer l'adoption du cabinet de Habib Essid, qui doit obtenir la confiance de l'Assemblée des représentants du peuple avec 109 voix avant d'entrer en fonctions. Certes, le Premier ministre désigné Habib Essid, un indépendant, qui a présenté un gouvernement composé de 24 ministres et 15 secrétaires d'Etat, dont neuf femmes, peut compter sur la majorité que réunirait le parti Nidaa Tounes du président Béji Caïd Essebsi, mais il n'est pas à l'abri d'un renversement de situation. Pour rappel, le parti anti-islamiste Nidaa Tounès occupe plusieurs portefeuilles dans ce gouvernement comme les affaires étrangères, la santé et le transport. L'Union patriotique libre (UPL), parti du richissime homme d'affaires et patron de club de foot Slim Riahi, troisième force au Parlement avec 16 sièges, obtient quant à lui les portefeuilles du tourisme et de la jeunesse et des sports. Selon la Constitution, si ce gouvernement n'obtient pas la confiance du Parlement, le président Béji Caïd Essebsi doit charger encore une fois Habib Essid de former une nouvelle équipe. Devant cette situation, le vote de confiance au gouvernement de Habib Essid, qui était prévu aujourd'hui et s'annonçait ardu, a été reporté, a annoncé le Parlement hier. "La séance plénière, prévue mardi 27 janvier et consacrée au vote de confiance au gouvernement, a été reportée à une date ultérieure", a indiqué le Parlement sur son site. M. T.