Entre Téhéran et Riyad c'est la rupture totale, à l'initiative de l'Arabie Saoudite, qui met fin unilatéralement aux semblants de rapports qu'entretenaient les deux capitales sur fond de divergences dans presque tous les domaines. Dans une nouvelle escalade entre ces deux puissances régionales rivales, déclenchée par l'exécution de l'imam chiite Nimr Baqer al-Nimr, Riyad va jusqu'au bout en annonçant la rupture de ses relations diplomatiques avec Téhéran alors que les capitales occidentales appellent à l'apaisement. "L'Arabie saoudite annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec l'Iran, et exige le départ sous 48 heures des membres de la représentation diplomatique iranienne", a déclaré, dimanche soir, le chef de la diplomatie Adel Al-Jubeir à Ryad. Réagissant à cette annonce, le ministère des Affaires étrangères iraniennes a rétorqué : "L'Arabie saoudite voit, non seulement, ses intérêts mais aussi son existence dans la poursuite des tensions et des affrontements et essaie de régler ses problèmes en les exportant vers l'extérieur". Pour le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, a estimé qu' "en rompant les relations, Ryad ne peut pas faire oublier son erreur stratégique d'avoir exécuté un dignitaire religieux, tout en la fustigeant pour avoir porté atteinte aux intérêts de son propre peuple et aux peuples de la région avec le complot de faire baisser les prix du pétrole". Ainsi, rien ne va plus entre ces deux puissances régionales, connues pour leur rivalité permanente. Il faut croire que la situation s'est dégradée depuis que le régime des mollahs a signé un accord sur son programme nucléaire avec les grandes puissances, qui lui a permis de se replacer sur la scène internationale après avoir fait l'objet d'un isolement en raison des sanctions que lui avait imposées l'Occident. Ce retour, marqué par un flux plus importants du pétrole iranien sur les marchés, a été mal apprécié par les dirigeants du royaume wahhabite, qui n'ont rien fait pour améliorer les prix des hydrocarbures. Bien au contraire, ils refusent toute baisse de production, qui pourrait booster les prix sur les marchés, comme le leur reprochent les Iraniens. En effet, Téhéran accuse le royaume saoudien, premier exportateur mondial de pétrole brut, d'avoir joué un rôle primordial dans la baisse des prix du pétrole, en maintenant sa production à un niveau très élevé. Hier, les cours du pétrole étaient cependant orientés à la hausse en Asie après l'annonce de rupture des relations Ryad-Téhéran. Ceci étant, l'exécution du cheikh an-Nimr a provoqué des manifestations de la communauté chiite en Irak, au Yémen, au Liban, à Bahreïn ainsi qu'au Pakistan et même au Cachemire indien. Par contre, plusieurs pays arabes, dont le Koweït, le Qatar, les Emirats, l'Egypte et le pouvoir yéménite, ont condamné les attaques des représentations saoudiennes et apporté leur soutien à la lutte antiterroriste de Riyad. Le Bahreïn et le Soudan sont allés jusqu'à rompre, eux aussi, leurs relations diplomatiques avec l'Iran en signe de soutien à l'Arabie Saoudite. De leur côté les Emirats arabes unis ont rappelé leur ambassadeur en Iran, tout en réduisant les liens diplomatiques avec ce pays. Merzak Tigrine