S'y prenant bien à l'avance, soit trois années avant l'expiration de son second et ultime mandat, prévue pour juin 2019, le président mauritanien prépare le terrain pour se maintenir au pouvoir au-delà de cette date. À quelques rares exceptions, il est difficile de trouver un pays africain où un président, dont les deux mandats prévus par la Constitution arrivent à expiration, quitte le pouvoir sans tenter de s'y maintenir en changeant la loi fondamentale. Ils sont nombreux à user de tous les subterfuges pour conserver leur poste. Le dernier en date n'est autre que le général Mohamed Ould Abdelaziz, le président de la Mauritanie, qui préparerait le terrain à une prolongation de son règne à la tête du pays. Et c'est à l'Assemblée nationale que le débat sur un troisième mandat du général s'est invité, à l'initiative de plusieurs ministres, notamment ceux des Finances et de la Justice. L'argument avancé est qu'il faut lui accorder plus de temps pour qu'il termine les chantiers qu'il a lancés dans l'intérêt du pays. L'opposition a affirmé lors d'une conférence de presse qu'elle désapprouve totalement cette initiative, quelle que soit son origine, a rapporté RFI. Les députés de l'opposition jugent "inacceptables" les propos des ministres plaidant pour un troisième mandat pour le président actuel. Idem pour certains parlementaires de la majorité, à l'instar de Lalla Mint Hassena, qui a déclaré : "Ce n'est pas dans l'intérêt du peuple, ni dans l'intérêt de la majorité, ni de l'opposition de remettre sur la table le problème d'un troisième mandat. Il n'y a pas de troisième mandat, nous respectons tous la Constitution. Et nous n'avons pas besoin d'une crise politique de ce genre." Quant à la question de savoir si le général Mohamed Ould Abdelaziz est l'instigateur de cette initiative, certains n'hésitent pas à dire qu'ils ne voient pas comment il pourrait en être autrement. Ainsi, pour maître Bettah, responsable du pôle politique du FNDU, la coalition de l'opposition : "C'est la logique du pouvoir en place, les ministres n'ont aucun avis à donner. S'ils s'expriment publiquement sur un thème aussi dangereux, aussi grave, c'est qu'ils ont obtenu le feu vert du chef de l'Etat. Voilà pourquoi nous disons que c'est manifestement la preuve de l'engagement du pouvoir vers une fuite en avant tendant donc à se maintenir au pouvoir." Afin de montrer son refus total de cette idée, l'opposition a décidé de suspendre tous ses contacts avec le pouvoir, tant que celui-ci n'exprimera pas publiquement sa volonté de respecter la Constitution et le nombre de mandats qu'elle prévoit. La seule mise au point officielle a, pour l'instant, été faite par le porte-parole du gouvernement. Mohamed Lemine Ould Cheikh a défendu la liberté des ministres à s'exprimer sur la question du troisième mandat "au nom de la volonté du peuple." Et pourtant, Ahmed Ould Bah, l'ambassadeur de Mauritanie auprès de l'Unesco, avait assuré dans un entretien accordé en octobre 2015 que Mohamed Ould Abdelaziz, président de la République islamique de Mauritanie, ne le fera pas et respectera la Constitution. Mais les événements en cours démontrent le contraire. Ould Abdelaziz ne semble pas inspiré par son homologue béninois Boni Yayi qui s'est interdit de garder le pouvoir à l'issue de son second et dernier mandat, mais plutôt par d'autres chefs d'Etat africains comme Denis Sassou-Nguesso du Congo-Brazaville. Merzak Tigrine