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Sinistrés de Mihoub : colère au rythme des répliques
ILS ATTENDENT UNE MEILLEURE PRISE EN CHARGE DE L'ETAT
Publié dans Liberté le 12 - 06 - 2016

Mihoub "vibre", quotidiennement, au rythme insoutenable de répliques de magnitude de 2 à 4 sur l'échelle ouverte de Richter. Cet "enfer sismique", les habitants le subissent à huis clos. La solidarité ne s'est pas pour autant organisée, hormis deux visites ministérielles et des promesses sans lendemain. Abandonnée à son sort, la moitié de la population a déjà évacué les lieux, à la recherche d'une vie apaisée. Au cœur de l'épicentre, les habitants ont la mort dans l'âme. Désabusés, ils lancent un cri de détresse aux autorités.
Perchée sur l'Atlas tellien à 780 mètres d'altitude, dominant de part et d'autre le massif de l'Ouarsenis, à 90 km au sud-est de Médéa, et l'Atlas de la Mitidja, le village Mihoub, aujourd'hui devenu une commune peuplée de près de 13 000 âmes, est majestueusement entourée de la zaouïa Sidi Laoufi, Ouled Azane, Ouled Hamou et la forêt des Azrou. De haut, Mihoub surplombe Oued Isser de Boumerdès et ces bourgades généreuses où foisonnent les produits du terroir, souvent étalés sur le bas-côté de la route de Tablat. C'est ce dernier axe que nous empruntons, dix jours après le violent séisme de magnitude 5,3 sur l'échelle ouverte de Richter, pour une virée en ce mois de Ramadhan. Plus nous avançons, plus on a l'impression que Mihoub est sujet, à n'importe quel moment, à une réplique qui pourrait, encore, signer un nouvel choc dans les esprits déjà meurtris par ces infinies répliques et qui ont décharné ces paysages féeriques, autrefois bénis par une immense zone boisée. Il n'est pas possible d'avancer sans penser comment aborder les habitants de cette bourgade. Encore moins ceux qui gardent les séquelles. Ils sont 80 âmes à avoir subi des blessures diverses près de 1 200 habitants, dont ceux de Mihoub, El-Azizia et Maghraoua, à avoir (presque) perdu leur toit. Il est 17h30, nous entamons les virages de Tablat et nous percevons déjà les dégâts, encore visibles des autres localités secouées la nuit du 28 au 29 mai dernier. Tablat, Mezghena, El-Guelb El-Kebir, Sidi Rabie et Beni Slimane sont, elles aussi, touchées par cette secousse tellurique qui aurait pu être fatale. Des maisons fissurées tiennent encore debout.
D'autres, difficilement, car soutenues par des moyens de bord. Dehors, des enfants, le peu d'enfants que nous avons croisés, sont accompagnés de leurs parents, comme si pour apprécier des "vacances scolaires" sur une faille sismique qui ne promet guère le bonheur. Sur les deux rives des chemins qui montent vers Mihoub, peu de marchands de légumes survivent à la catastrophe. Le commerce est mort.
Chocs et fissures toujours visibles
Voilà une fière carte postale qui, brusquement, s'est abîmée l'espace d'une nuit de colère de la nature. L'étendue des dégâts est là. Mihoub réapprend à vivre, plutôt à survivre. Reprendre des forces après 80 répliques de 3 et 4 sur l'échelle ouverte de Richter serait un exploit majeur pour celui qui, le jour, colmate les fissures des murs, et la nuit, dort à moitié sous peine d'être arraché de son sommeil par une autre réplique. Tragique. Ici, les candidats au bac sont désabusés.
Ils ont déjà quitté les lieux pour se préparer à la deuxième session. Les parents croisent les doigts pour leurs enfants envoyés pour passer leur examen du baccalauréat à Médéa et à Blida où ils bénéficient d'une prise en charge spécifique. Dans ce paysage fantomatique, seuls les éléments de la Protection civile sont à la manœuvre. A tout bout de champ, ils veillent à l'implantation des 770 tentes destinées aux familles et dont les maisons sont frappées d'une croix rouge, dont 510 tentes sont déjà occupées au cœur de la faille.
Il est 18h, nous arrivons à l'école primaire Mazouni-Mohamed. Le décor est horrible. L'école est en ruine. Les murs ne tiennent plus. Ils sont tellement secoués par les répliques que même l'enceinte de la cantine est partie en poussière. Des tentes sont érigées dans le préau pour accueillir des familles. Hélas, celles-ci refusent de s'y rendre par peur d'avoir droit à des tentes collectives. "Le 29 mai dernier, on a entendu un éclatement qui a duré près de 10 secondes. C'était apocalyptique. Depuis, nous vivons le peur au ventre et nous subissons une moyenne de 5 à 6 répliques par jour, notamment entre 2h et 7h du matin", témoigne un père de famille. Son voisin, fonctionnaire de son état, révélera qu'"une fumée est sortie de la terre".
Le décor est similaire à l'école Chenoufi-Mohamed d'El-Azizia, située au cœur de l'épicentre. Le surveillant des lieux nous invite à ne pas pénétrer dans l'enceinte des classes où les plafonds frôlent le parterre. Mohamed raconte : "Bien avant le séisme du 29 mai, il y avait ceux du 23 mars et du 10 avril. Des élèves ont presque perdu la raison à cause des répliques. Ils étaient en plein cours quand une réplique de 4,4 secoue El-Azizia et Mihoub. J'ai vu des enfants à genoux et crier de toutes leurs forces." À 19h tapantes, nous arrivons sur la principale faille. Une faille qui s'étale sur 8 km sur l'est et l'ouest. Nous sommes à Mihoub. Fermé, le lycée Belgherbi-Saïd fait face à une jolie cité d'une dizaine de bâtiments. Les murs en panneaux fissurés par la secousse ont vite cédé aux fortes répliques.
Les habitants sont évacués au CEM Yahi-Ibrahim où la Protection civile a érigé des tentes. La vingtaine, S. Abdellah refuse tout contact avec les familles. Femmes et enfants sont mis à l'abri dans ce centre de recasement en attendant les travaux entrepris par l'OPGI pour rendre le sourire aux familles.
À 20 m du centre se trouve la seule polyclinique de proximité de Mihoub. Craquelée par les répliques, cette enceinte hospitalière cède, elle aussi, et finit par une décision de fermeture. Il aurait fallu l'installation de points médicaux et d'assistance (PMA) par la Protection civile pour que les 549 enfants totalement choqués soient pris en charge par 3 psychologues et 3 médecins permanents.
La Protection civile veille à l'implantation des tentes destinées aux familles sinistrées. ©Zehani / Liberté

Colère sur l'épicentre
La ville est déserte. À 19h30, nous arrivons au stade communal. Un stade qui aurait pu être occupé pour les soirées ramadhanesques. Hélas ! Ici, encore une fois, seuls les éléments de la Protection civile veillent à la surveillance médicale, l'approvisionnement en eau potable et l'électricité sur les 80 familles installées dans ce camp de fortune.
Un habitant raconte : "Des dizaine de familles ont fui Mihoub. Nous vivons sous le stress. Nous sommes toujours sous le choc et personne ne vient à notre secours." Rahiche Lakhdar, la soixantaine, estime que "l'Etat doit attribuer une tente pour chaque famille. On ne peut pas vivre dans des tentes collectives. Depuis hier, nous avons ressenti 6 répliques. Nos tentes doivent être installées devant nos domiciles pour éviter les vols. On doit veiller sur nos femmes et nos enfants. Faites passer le message, car personne n'est à notre secours dans cette bourgade perdue". Son voisin, Guendouz Slimane, témoigne : "La scolarité de nos enfants est perdue. Les écoles, les CEM, le lycée et la polyclinique sont en ruine. Tout est fermé. Que reste-t-il ?" Et d'ajouter : "L'Etat doit prendre en charge l'état psychologique des habitants. Les murs sont faciles à refaire, mais pas l'état d'esprit d'un individu. Il faut le dire aux responsables, nous n'avons que la Protection civile qui vit avec nous de jour comme de nuit. Nous partageons avec eux nos colères et nos préoccupations. Ils font ce qu'ils peuvent et nous sommes reconnaissants envers eux." Leur voisin, la quarantaine, quant à lui, dénonce certains mercenaires.
"Comment, s'interroge-t-il, des habitants, ayant bénéficié de l'aide à l'habitat rural, reviennent du jour au lendemain vers Mihoub et ont bénéficié d'autres aides car leurs habitations en argile sont détruites par le séisme alors qu'ils ont quitté les lieux depuis plus de 10 ans ?" Notre interlocuteur ne s'arrête pas là et accuse : "J'interpelle les membres du CTC (contrôle technique des constructions) à revoir les classements. Venez voir ma maison et dites-moi si les murs tiennent encore ! Un membre du CTC m'a invité à reprendre vie dans cette maison qui vibre toute seule. Quand je l'ai invité à y rester seul quelque temps, il a fermé la porte et a quitté les lieux." Au village agricole El-Qaria, toutes seules 5 familles résistent encore aux répliques. Les autres ont déserté les lieux depuis le troisième jour.
"On jeûne difficilement. À peine la chorba consommée que nous renouons avec les répliques. On ne dort plus. Nous sommes épuisés. Au fond de nous-mêmes, on sait que notre jeûne n'est pas accompli selon les préceptes de l'islam. On n'a pas la paix dans l'âme. Ma famille est dans une tente et moi je surveille la maison et je passe la nuit à la belle étoile. On ne peut pas vivre loin de nos familles !", raconte un jeune homme, visiblement exténué par les longues nuits de Mihoub. Il est 20h04, c'est l'heure de la rupture du jeûne à Mihoub. Les trois principales mosquées fissurées et fermées à titre préventif, les habitants de Mihoub font leurs prières, chacun sa manière, pour que la nuit soit aussi courte que possible. Avec moins de répliques. Dehors, les habitants se recroquevillent contre les murs fissurés en attendant de meilleurs jours.
Reportage réalisé à Mihoub (Médéa) par : FARID BELGACEM


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