"Brecht aujourd'hui !" Cela devait être le thème de la rencontre avec le journaliste et maître de conférences en littérature française à l'université de Annaba, Ahmed Cheniki. La rencontre s'est muée en discussion à bâtons rompus avec l'auteur de la thèse de doctorat "Théâtre en Algérie, itinéraire et tendances" soutenue à Paris IV-Sorbonne. Ces derniers temps, on le stigmatise, dira-t-il d'emblée. On dit qu'il est dépassé. Quels sont les motifs ? On s'attaque aussi à Sartre. Le problème, selon lui, c'est que l'on "ne s'arrête pas à ce qu'il a apporté à la réflexion, notamment au travail philosophique". Mais à ses prises de position. Un débat fortement idéologique, déplorera-t-il. La raison : c'est que le discours néolibéral domine partout. Il y a, bien sûr à côté, un discours marxisant, que l'on ne peut pas occulter. Pis, "on a dit de Brecht que ce n'était pas lui qui écrivait ses textes mais ses femmes. On considérait aussi que dans Brecht, il n'y avait pas d'émotion". On a assisté avec Brecht à une opposition extraordinaire un peu partout en Europe, notamment en Allemagne. Les pays du Maghreb et du Machrek vont "découvrir Brecht avec Barthe et le revue Founoun, proche du Parti communiste irakien (PCI). À sa tête Youcef El-Ali, l'un des plus grands metteurs en scène et membre du comité central du PCI". Ceci pour dire que c'est pour des choix politiques que l'on s'est mis à adapter Brecht. En URSS paradoxalement, il était mal vu. "Une importance exclusive a été accordée à Stanislavski." Celui-ci est l'un des créateurs, avec Vladimir Nemirovitch-Dantchenko, du Théâtre d'art de Moscou (qu'il dirigea jusqu'à sa mort) et il est l'auteur de La Formation de l'acteur et de La Construction du personnage. En effet, c'est à partir des années 60, notamment avec les décolonisations, que l'on a commencé à adapter Brecht. "Mais on a adapté Brecht sans l'interroger", a affirmé Ahmed Cheniki. Et pour cause : Brecht maîtrisait parfaitement le théâtre mais aussi ses choix politiques. "On va retrouver tout le savoir ancien chez Bertolt Brecht." Ici on reproduit Brecht sans le citer. Exemple : Kaki avait repris l'architecture brechtien. "On dit que ce n'est qu'un procédé, une technique. Dans Grab oua salihin, il en a fait un discours moralisant", a souligné Cheniki. Pour ce dernier, le problème est dans la réception de ce théâtre. Brechet a introduit, ajoutera-t-il, l'idée de distance dans le discours et la distance. C'est le distancement non pas de la distanciation. Et il avait une autre manière d'aborder le discours marxiste. Plus encore, Brecht va rompre avec le thème didactique où la relation est de type mécaniste, insistera Ahmed Cheniki. Et d'expliquer qu'avec Brecht, il y a un côté feedback. Il va nous proposer son théâtre, son procédé technique. L'idée centrale : la transformation et le changement. Pour mettre en œuvre cette idée, il va faire appel au théâtre épique ainsi qu'au distancement, distance comme processus ; c'est une esthétique théâtrale, théâtre dialectique. M. Ouyougoute