À l'issue de deux jours de procès riches en révélations, l'ancien chef de l'unité aéroportée de la Sûreté nationale, Chouaïb Oultache, a été condamné, tard dans la soirée de lundi, à la peine capitale. Le tribunal criminel près la cour d'Alger a retenu l'ensemble des chefs d'inculpation, à savoir homicide volontaire avec préméditation et guet-apens à l'encontre de l'ex-DGSN, Ali Tounsi, tentative d'homicide volontaire avec préméditation et guet-apens contre l'ex-chef de sûreté de la wilaya d'Alger et l'ancien directeur de l'administration générale et, enfin, port d'arme sans autorisation. Sa défense a annoncé qu'elle introduira un pourvoi en cassation dans les prochains jours. Le tribunal criminel a également statué sur l'action civile dans l'affaire de l'assassinat de l'ancien DGSN en accordant à ses ayants droit un montant de 23 millions de dinars à titre de dommages et intérêts et un million de dinars pour l'ex-chef de sûreté de wilaya, Abdelmoumen Abd Rabou. Pour sa part, l'ancien directeur de l'administration générale de la DGSN, Youcef Daimi, a perdu ses droits à cause de sa défection à l'audience. Retour sur un procès qui n'aura pas éclairé toutes les zones d'ombre de l'affaire. Dès le début, Chouaïb Oultache avait la conviction qu'il allait être condamné à mort et il n'a pas manqué de le faire savoir au magistrat en charge de l'audience. Tout au long de son interrogatoire, il a été virulent, parfois cassant, assénant sa propre vérité et répétant inlassablement : "Je n'ai pas tué le DGSN." Le magistrat Belkherchi l'a aussi taclé sur son passé, sur ses aptitudes professionnelles et son intégrité morale. "Je suis un dur à cuire. Je ne suis pas resté dans l'Armée parce que pour accéder au grade de général, il fallait dire oui Sidi", commence à dire Oultache. "Je le suis davantage que vous", lui réplique le magistrat. Le ton est monté entre les deux hommes, à plusieurs reprises. Oultache accuse le juge d'instruction, l'ex-procureur général, Zaghmati, et la police d'avoir fomenté un complot contre lui, à l'instigation de l'ex-ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Zerhouni. "J'ai entendu le juge d'instruction dicter à Daïmi et à Abd Rabou ce qu'ils devaient dire. Zaghmati est l'ami de Zerhouni", affirme Oultache. Confronté aux photos insoutenables d'Ali Tounsi touché à la tête, il reste imperturbable. "Je l'ai seulement blessé au bras parce qu'il me menaçait avec un ouvre-enveloppe. Ce sont eux qui l'ont achevé. Les balles qu'il a reçues à la tête ne sont pas les miennes. Ce sont des balles de calibre 8 millimètres et mon pistolet fonctionne avec des balles de 9 millimètres." Il maintiendra cette version jusqu'au bout, relayé par sa défense qui base également sa plaidoirie sur le principe de la légitime défense, la falsification des preuves et la fabrication d'éléments à charge dans ce dossier. Ce procès pose, toutefois, plusieurs interrogations. En premier lieu, nous ne sommes pas davantage édifiés sur le mystérieux informateur du quotidien Ennahar. En effet, le matin du drame, Ali Tounsi demande une traduction en français d'un article paru dans l'édition du jour de ce journal, évoquant une transaction douteuse concernant l'acquisition d'onduleurs par la Sûreté nationale, dans laquelle était impliqué Oultache. Ce dernier aurait favorisé la société dans laquelle travaillait son gendre Sator. L'article annonce qu'Oultache sera limogé. Pourtant, interrogé quelques minutes avant son assassinat par son chef de cabinet, Tounsi dément avoir pris une telle décision. Le directeur d'Ennahar soutient devant le juge d'instruction qu'il a obtenu cette information au téléphone, auprès d'un informateur anonyme. Mais il s'est abstenu de se présenter en tant que témoin à l'audience pour apporter plus d'éclairage sur ce segment de l'affaire. Vu le nombre important de témoins qui n'ont pas répondu à la convocation de la justice, le président du tribunal criminel avait annoncé qu'il allait réquisitionner la force publique pour les ramener mais il ne l'a pas fait. La justice n'a pas, non plus, donné suite aux nombreuses demandes de la partie civile et de la défense d'Oultache d'auditionner Noureddine Zerhouni qui avait porté, quatre heures après le crime, un jugement sur l'état de santé mentale de l'accusé sans s'appuyer sur un rapport d'expertise psychiatrique. La justice s'est passée, en outre, du témoignage du directeur des renseignements généraux, de l'ex-directeur de la police judiciaire et du secrétaire général du ministère de la Justice. D'où ce soupçon qu'il y aurait comme une volonté de réduire cette affaire à un conflit entre deux hommes, lui ôtant toute dimension politique probable. La défense de la famille Tounsi pense que "c'est bien Oultache l'assassin, mais il n'a pas dit toute la vérité". N. H.