Le Calife général de la Tariqa Tidjania, Cheikh Ali Belarabi entame une visite au Burkina Faso    Moutons de l'Aïd importés: lancement de l'opération de vente la semaine prochaine dans toutes les wilayas    Palestine/agression sioniste: ce qui se passe à Ghaza "est une abomination"    Presse écrite et électronique: le statut et le mode de rémunération du président, des membres et du secrétaire général de l'Autorité de régulation publiés au JO    Plus de 30.000 enfants du sud, des hauts plateaux et de la communauté nationale à l'étranger bénéficieront de camps d'été    Foot/ Ligue 1 Mobilis : le coup d'envoi de la saison 2025-2026 fixé au 21 août 2025    Journée internationale des travailleurs: activités diverses et hommages à des travailleur et des retraités à l'est du pays    Fête du Travail à l'ouest du pays: activités variées et hommages aux travailleurs et aux retraités    Rebiga assiste à "Hô Chi Minh-Ville", à un défilé commémorant le 50e anniversaire de la libération du Sud Vietnam    Merad donne le coup d'envoi de la 2e édition du Festival des Sports d'Alger    Les marchandises usagées importées appartenant à l'Etat exonérées des droits et taxes    Il y a cinq ans, disparaissait Idir après un riche parcours de près d'un demi-siècle    Accident mortel à Bouira : le chauffeur de bus placé en détention provisoire    Hamlaoui reçoit une délégation de l'OAEDC    Agression sioniste: l'ONU met en garde contre l'aggravation de la crise humanitaire à Ghaza    Lazzarini: les allégations visant l'UNRWA menacent la vie et le bien-être de son personnel    CHAN 2025/Algérie-Gambie: séance technico-tactique pour les Verts    APN: Boudjemaa présente le projet de loi relatif à la mobilisation générale    Poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Le championnat national de football se met à jour    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    Présentation à Alger des projets associatifs    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ce qui bloque
PRELÈVEMENTS D'ORGANES SUR PERSONNES DECEDEES
Publié dans Liberté le 11 - 03 - 2017

Les prélèvements d'organes sur personnes décédées, cette formidable victoire de la médecine du XXe siècle, tardent à se développer chez nous en Algérie.
Ces dons d'une partie de soi après sa mort, gratuits et anonymes pour sauver son prochain, demeurent encore "tabous" dans notre société. Depuis plus d'un demi-siècle, près de cent pays dans le monde transplantent des organes prélevés sur des personnes déclarées décédées. Notre pays doit également permettre à ses citoyens d'accéder à cette médecine et de bénéficier, eux aussi, d'organes de remplacement.
Il est vrai qu'un travail colossal doit être fait en Algérie, au regard de l'opinion publique générale qui reste encore "frileuse" pour ne pas dire "hostile", mais pas seulement, car même une partie de la communauté médicale et paramédicale demeure toujours réticente, force est de le reconnaître et de l' admettre.
Où se situe la difficulté ?
Puisque ni notre religion, l'islam, ni nos lois, ni nos autorités politiques ne s'opposent aux prélèvements sur personnes décédées. Où est le problème alors ?
Qui mettra fin aux souffrances des centaines de dialysés chroniques, des dizaines d'insuffisants hépatiques, vivant en sursis en Algérie, qui attendent et espèrent, qui une greffe rénale, qui une greffe hépatique ? Que leur dire ?
Mieux, des greffes rénales et hépatiques se font régulièrement à partir de donneurs vivants apparentés (DVA), alors même que ce sont les greffes les plus difficiles à réaliser, car en plus de l'obligation de moyens, il y a l'obligation de résultats. Aucun échec n'est toléré ici, en tout cas n'est pas très facilement pardonné.
Le nombre de greffes réalisées annuellement à partir de DVA reste très insuffisant. La demande est dix fois supérieure à l'offre actuelle.
Au moins trois CHU se sont dotés d'une organisation humaine, matérielle et administrative pour des prélèvements d'organes sur personnes décédées : le CHU Ben Badis à Constantine, le CHU Frantz-Fanon à Blida et le CHU Mustapha à Alger. Cette organisation interne a été mise en place au sein des trois CHU, elle est dénommée "coordination hospitalière". C'est la clé de voûte du système, elle est indispensable et incontournable pour la réussite d'un programme pérenne.
Ces trois CHU ont entamé, à plusieurs reprises depuis 2002, des procédures de prélèvements d'organes sur personnes décédées, conformément à la loi algérienne, dans le strict respect des familles et avec tous les moyens prévus par la réglementation en vigueur.
Pour les équipes de ces trois CHU, le constat est le même : le taux de refus des familles reste élevé, malgré tout. Les familles éprouvées hésitent encore beaucoup, quand elles ne s'opposent pas catégoriquement au prélèvement, et c'est le cas de figure le plus fréquent.
Quel est le problème pour nos concitoyens ?
La mort précède le don et donc le prélèvement d'organes. Le respect de ce principe reste fondamental : le décès déclaré du donneur potentiel doit absolument précéder le prélèvement des organes. De fait, le problème réside dans la certitude absolue du décès de la personne pour toute sa famille angoissée : est-il réel, irréversible ?
La plupart des familles ignorent tout du don d'organes, elles écoutent médusées nos explications sur la mort certaine de leur proche, l'incompréhension est "palpable" lorsque les mots sont prononcés : "Une opération chirurgicale pour prélever les reins et le foie, le corps vous sera rendu juste après pour l'inhumer, quelques heures seulement nous suffisent, des patients sont en attente d'une greffe, les organes prélevés seront greffés à d'autres."
Cette personne, leur proche, est déclarée décédée alors que son cœur bat encore, un mort dont le "cœur est toujours battant", l'entourage familial choqué, ne comprend pas et refuse de l'admettre. Pour ses parents, il est toujours vivant !
Pourtant, les équipes médicales et paramédicales sont respectueuses de nos principes religieux et des lois de notre pays, la personne est en mort encéphalique (mort cérébrale), les examens l'ont établie, leur parent est bel et bien décédé. Certes, le cœur bat encore sous l'effet des drogues et des appareils de ventilation artificielle, mais il s'arrêtera de fonctionner très vite, malgré toutes les mesures médicales en cours.
Beaucoup reste à faire dans le fond et dans la forme. Dans le fond, les familles découvrent brutalement dans des moments pénibles, "dans l'horreur de la mort", ce principe de solidarité qu'est le don de soi après la mort, le don d'organes pour autrui. On leur demande, alors que rien ne les a préparées, de donner leur accord pour réaliser des prélèvements sur un être cher. Dans la forme, la définition de la mort encéphalique reste très mal comprise par les proches, car dans l'imaginaire collectif, le décès c'est avant tout l'arrêt cardiaque et respiratoire.
La Sacralisation du Corps dans nos coutumes, conjuguée à nos rites mortuaires, commandent et expliquent l'attitude très réservée, souvent négative, de nos concitoyens face à la démarche et à la demande de prélèvement d'organes faites par les équipes soignantes.
L'inhumation du corps doit se faire sans délais, c'est la tradition musulmane. La question pour les très rares familles consentantes est comment l'accommoder avec les exigences du prélèvement ?
Les questions se bousculent alors au sein de la famille : nous ne connaissons pas la volonté du défunt, ce que vous nous demandez est-il vraiment légal ? la direction du CHU est-elle au courant ? Comment sera son corps après les prélèvements, pourquoi deux reins, un rein suffit ? À qui vous donnerez ses organes ? Notre religion, l'Islam, permet-elle les lois qui vous autorisent à le faire ? Qui décide dans la famille ? Les Imams sont-ils d'accord ?

Un débat de société
Les familles algériennes ne s'opposent pas définitivement au don, elles ne comprennent pas, elles n'y sont pas préparées, disent ne pas être informées. Le refus initial est une réaction angoissée devant l'inconnu. Plusieurs membres de ces familles nous le rapportent : c'est trop brutal, nous expliquent-ils, comme pour les excuser, ils n'ont jamais entendu parler de prélèvements sur personnes décédées, ni au quartier, ni à l' école, ni à la mosquée, c'est tout nouveau pour eux.
L'autre question lancinante est celle du donneur décédé mais dont le cœur reste battant, elle soulève l'émoi et cristallise toutes les incompréhensions de la société civile algérienne, et pas seulement, même celles de nombreux soignants. Dans l'imaginaire collectif, la mort n'est certaine que lorsque l'activité cardiaque s'arrête définitivement. Nous devons en tenir compte et respecter cette notion de "mort cardiaque" obligatoire.
De nombreux pays ont été confrontés, par le passé, à cette problématique de la définition communément admise par leur société, du décès réel et constant qui est lié avant tout à un arrêt cardiaque. En 1995, les pays qui pratiquaient des prélèvements d'organes sur personnes en arrêt cardiaque se sont réunis à Maastricht, aux Pays-Bas, pour expliquer leurs choix, exposer leurs résultats, décrire l'attitude de la société civile et enfin pour y élaborer une première classification des donneurs décédés après arrêt cardiaque, ce sera celle de 1995 qui a été révisée en 2013, avec toujours les quatre classes ou catégories de donneurs à cœur arrêté, internationalement admises.
Le regard de notre société sur le devenir du corps après la mort, et donc sur le rite mortuaire, reste central. Il impose une attention toute particulière de la part des équipes soignantes. La vie est sacrée, car Don d' Allah, et le corps qui en est le dépositaire doit être traité avec toute la dignité et tout le respect qu'il mérite aux yeux de la famille. Les prélèvements d'organes ne sont pas interdits par notre religion, l'Islam, ils n'attentent pas à sa sacralité, seulement tout doit être fait pour respecter son apparence physique et ne pas altérer son image auprès de ses proches.
Le donneur décédé après arrêt cardiaque
Les premiers prélèvements d'organes, réalisés dans le monde pour des fins de transplantation, ont été faits sur des donneurs décédés après arrêt cardiaque (DDAC), faut-il le rappeler, c'était entre 1950 et 1980. La reconnaissance internationale de la mort encéphalique, à partir de 1970, a beaucoup changé les choses. Peu à peu, de nombreux pays ont choisi de ne réaliser des prélèvements que sur des donneurs décédés en état de mort encéphalique (DDEME), situation particulière où le donneur décédé l'est à cœur battant.
Plusieurs pays, dont les USA, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont poursuivi à ce jour les prélèvements sur DDAC, très largement admis par leurs concitoyens, car correspondants plus à leur sensibilité et à leur conscience.
Ces prélèvements sur DDAC seront peut-être mieux admis par la société algérienne et par une partie des soignants dès lors qu'ils feront l'objet d'un consensus national et seront inscrits dans nos lois.
Depuis 2007, clairement, la pratique des prélèvements sur DDAC s'est étendue à des pays leaders en transplantation. Certains ont adopté toutes les classes (au nombre de quatre), c'est-à-dire les 4 catégories de DDAC de Maastricht, d'autres ont en adopté seulement deux ou trois catégories.
Les Classes II et IV de Maastricht (respectivement arrêt cardiaque malgré une réanimation intensive et arrêt cardiaque chez un sujet en mort encéphalique) semblent à nos yeux les deux catégories à privilégier dans notre contexte cultuel et culturel, en Algérie.
Par : Dr Farid HADDOUM
Professeur à la faculté de médecine d'Alger, chef de service de néphrologie-transplantation au CHU Mustapha, Alger.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.