La crise des musulmans Rohingyas a connu de nouveaux développements hier avec la première réaction officielle de Rangoon, qui a dénoncé un "iceberg de désinformation", tandis que l'armée birmane continue son œuvre macabre. Toute honte bue, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, a dénoncé hier "l'iceberg de désinformation" donnant selon elle une vision trompeuse de la crise des musulmans Rohingyas, qui alarme les Nations unies. C'est lors d'un échange téléphonique avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, que la Cheffe du gouvernement birman a réagi officiellement, depuis le début des troubles fin août. Très critiquée à l'étranger pour son silence sur le sort de cette minorité musulmane, qui fuit par dizaines de milliers au Bangladesh, elle a estimé que la compassion internationale à l'égard des musulmans Rohingyas est le résultat "d'un énorme iceberg de désinformation créé pour générer des problèmes entre les différentes communautés et promouvoir les intérêts des terroristes". Face à la position du président turc, qui a condamné à plusieurs reprises la réponse du gouvernement birman à cette crise, allant jusqu'à évoquer un "génocide" dans cette région du nord-ouest de la Birmanie, l'Etat Rakhine, Aung San Suu Kyi a tout rejeté en bloc. Pis encore, elle a encore défendu l'armée birmane et affirmé que son pays fait "en sorte que tous les habitants voient leurs droits protégés". "Nous savons bien mieux que d'autres ce que c'est que d'être privés de droits et de protection démocratique", a-t-elle ajouté, dans une allusion à ses années de lutte contre la junte militaire et d'assignation à résidence. Il n'en demeure pas moins que sur le terrain, le massacre continue. Les organisations humanitaires affirment qu'outre les 125 000 réfugiés au Bangladesh depuis le 25 août, des milliers de personnes seraient en route et certaines toujours bloquées à la frontière. Hier, les corps de cinq enfants noyés dans le naufrage de leur bateau se sont échoués côté Bangladesh. Selon les autorités de ce pays, trois ou quatre embarcations ont coulé à l'embouchure du fleuve Naf, qui marque une frontière naturelle entre la Birmanie et la pointe sud-est du Bangladesh. De son côté, l'agence de l'ONU spécialisée dans les droits de l'enfant, Unicef, a réclamé un accès aux enfants pris dans les combats dans l'Etat Rakhine en Birmanie, dont le nombre est estimé à plusieurs dizaines de milliers. "L'Unicef n'a actuellement pas d'accès dans les zones concernées (par les combats) dans le nord de l'Etat Rakhine", a indiqué dans un communiqué à New York son directeur, Anthony Lak, précisant que l'organisation onusienne "intensifie ses actions" au Bangladesh pour fournir "protection, nourriture, soins et eau aux enfants qui y sont réfugiés". Selon lui, quelque 28 000 enfants à qui étaient apportés jusqu'à présent une aide psychologique et sociale n'en bénéficient plus. L'Unicef n'a plus accès à plus de 4 000 enfants qui étaient traités pour malnutrition à Buthidaung et Maungdaw, a-t-il précisé. Anthony Lake a souligné que 80% des 125 000 réfugiés Rohingyas au Bangladesh sont des femmes et des enfants. "Les enfants des deux côtés de la frontière ont besoin d'une aide urgente et de protection", a-t-il souligné. Merzak Tigrine