Après une première déclaration dans laquelle il a annoncé ses principes fondateurs, le Forum des journalistes libres signe sa première dénonciation de la situation que le régime tente d'imposer aux médias et aux journalistes. S'élevant contre les velléités liberticides des tenants du pouvoir à travers "ce qui s'apparente à une entreprise déterminée à museler l'expression libre et à faire disparaître les quelques supports médiatiques qui continuent à assurer, aujourd'hui, au prix de leur viabilité économique, leur vocation d'informer objectivement et d'assumer leur responsabilité d'éclairer l'opinion, notamment en ces moments décisifs où le pays négocie le virage délicat du changement", le Forum des journalistes libres (FJL) a apporté son soutien à "toutes les initiatives de collectifs professionnels visant à organiser la résistance contre les menées funestes des tenants de la pensée et de l'expression uniques et se déclare partie prenante de toute action concertée pour défendre les libertés médiatiques". Dans une déclaration rendue publique hier, le FJL n'a, par ailleurs, pas manqué de dénoncer "le scandaleux chantage institutionnalisé exercé par l'Anep" appelant à "la levée du monopole sur la publicité, par lequel le pouvoir en place continue à exercer sa tutelle sur les consciences et son mépris pour les règles économiques". Aussi, le FJL, qui prend à témoin "l'opinion sur les dépassements en cours et interpelle toute la société sur la nécessité d'organiser la solidarité entre tous ses segments acquis aux valeurs démocratiques et engagés dans la lutte contre l'autoritarisme", rappelle que "la liberté de la presse est un vecteur essentiel de développement social et une exigence de la vie démocratique". Une position qui rompt avec les atermoiements entretenus par le pouvoir et ses relais depuis les années 1990 sur les questions fondamentales inhérentes à la liberté d'expression et que le FJL fonde sur la base d'un constat des plus inquiétants, notamment dans le sillage de la révolution populaire pour un changement radical du système politique en place, née le 22 février dernier. Le Forum des journalistes libres décèle, ainsi, "des événements qui confirment, malheureusement, les appréhensions nourries jusqu'ici sur les réelles intentions des tenants du pouvoir quant aux droits démocratiques et sa conception restrictive des libertés à travers les intimidations et menaces à l'égard des médias, et qui prennent désormais des formes de plus en plus affirmées qui augurent de lendemains sombres pour la liberté d'expression, en général, et la liberté de la presse, en particulier". Ce qui va, selon le FJL, "à contresens des aspirations des Algériens qui poursuivent admirablement leur lutte pacifique et résolue pour débarrasser le pays d'un système qui s'obstine dangereusement à assumer sa vocation autoritaire". Le Forum, qui note que "le contrôle sur les médias publics ne s'encombre plus de formes et s'affiche sans nuances comme un mode de gestion immuable mettant au service exclusif du discours du pouvoir télévisions, radios et publications de la presse écrite", salue "la courageuse revendication de changement portée par un collectif professionnel de la Télévision publique" à laquelle le pouvoir a opposé "une série de sanctions administratives et autres sournoises représailles visant à neutraliser les animateurs de ce mouvement et à dissuader toute possibilité d'engagement et de solidarité de la part de leurs collègues". La presse électronique n'est pas en marge des préoccupations du FJL qui relève un "travail de parasitages et de manipulation des officines du système" qui entrave la pleine expression de cette dernière. La presse écrite, qui est déjà "confrontée à la crise systémique de son modèle économique — grandement provoquée par une stratégie du pouvoir ayant de tout temps limité les marges de son autonomie et programmé sa vulnérabilité —", selon le FJL, se retrouve, elle aussi, en butte à une lutte "pour sa survie et à résister au chantage qui lui est imposé. Le monopole sur le marché publicitaire, via l'Agence nationale d'édition et de publication (Anep), est non seulement maintenu, mais aussi ouvertement orienté pour achever de condamner à l'asphyxie financière des entreprises de presse par ailleurs livrées à la concurrence déloyale et à la ‘pollution', orchestrée de longue date, du marché de l'édition", conclut le Forum des journalistes libres.