Le projet du futur stade olympique de Tizi Ouzou, qui n'est pas près d'ouvrir ses portes, n'a pas encore livré tous ses secrets. Pourtant, lors d'une visite d'inspection effectuée en décembre 2018 par l'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohamed Hattab, ce dernier avait affiché un optimisme béat quant à l'avancement des travaux, puisque le gros œuvre était bel et bien achevé et que les travaux de réalisation de la toiture étaient au stade de la finition, alors que le second projet du stade annexe de 6500 places avait enregistré un bon taux d'avancement. Et si le ministre de l'époque était visiblement irrité par les nombreux obstacles et les retards considérables constatés de visu au niveau des deux autres stades d'Alger, en l'occurrence celui de Baraki et celui de Douéra, par contre le représentant du gouvernement avait affiché un gros soulagement lors de sa visite en Kabylie, puisqu'il avait annoncé, un peu trop hâtivement, que le stade de Tizi Ouzou devait être réceptionné au plus tard au mois d'avril de l'année en cours. Mieux encore, les quelque 51 500 sièges conçus aux couleurs vert et jaune de la JSK tout comme la pelouse hybride du nouveau stade de Boukhalfa, dans la proche banlieue de la ville des Genêts, avaient été réceptionnés entre-temps, ce qui était perçu comme des signes annonciateurs de dénouement d'une comédie qui n'avait que trop duré. Les Espagnols du FCC Barcelone ont failli Et pour cause, ce mégaprojet qui a été lancé en 2010, après une procédure bureaucratique et administrative à n'en plus finir, avait été confié au groupement d'entreprises algéro-espagnoles composé de l'ETRHB Haddad, du côté algérien, et du FCC Barcelone, du côté espagnol, alors que deux entreprises étrangères, l'une portugaise et l'autre chinoise, avaient été curieusement écartées de la bataille d'adjudication, ce qui relève d'une culture purement algérienne. Et si la société espagnole avait fait miroiter un label de haut standing pour avoir réalisé, paraît-il, de grands stades de football en Europe alors qu'elle était surtout connue comme spécialiste des projets hydrauliques, de travaux publics et était même chargée d'un contrat de nettoyage et de maintenance du réseau d'égouts de Barcelone, malheureusement, sur le terrain, il n'en fut rien. C'est que les Espagnols, qui étaient confrontés à de sérieuses difficultés financières et une grande menace d'endettement au début des années 2010 en Espagne, n'avaient pas mis les moyens matériels et surtout humains suffisants pour imprimer une cadence de travail raisonnable au lancement du chantier de Boukhalfa. C'est ainsi que ledit projet était voué à l'échec, ce qui a poussé au divorce entre l'ETRHB Haddad et le FCC Barcelone, mais au détriment du Trésor algérien puisque les Espagnols sont quand même repartis chez eux avec un bon pactole dans leur compte. Les Turcs de Mapa ont rattrapé le retard C'est ainsi que l'on a fait appel à l'entreprise turque Mapa qui, il faut le dire, aura mis le paquet pour accélérer les travaux, puisque ses ouvriers travaillaient de jour comme de nuit et ce à raison de 28 jours de boulot H/24 par mois, et en ne se contentant donc que de… deux vendredis de repos par mois. On pensait alors que le stade n'allait pas tarder à voir le jour, mais voilà que les deux entreprises ETRHB et Mapa ont été malheureusement confrontées à de gros problèmes de financement au niveau du MJS et du ministère des Finances. Résultat des courses, le chantier a connu de nombreux arrêts de travail, et le dernier en date a porté un grave préjudice à la réalisation du projet, puisque les Turcs ont fini par déposer les outils pour rentrer carrément chez eux depuis la fin du mois de mai dernier, faute de payement, alors qu'ils s'apprêtaient à installer les 51 500 sièges du stade et à poser la fameuse pelouse hybride, qui venaient d'être réceptionnés. De 3200 à… 6200 milliards ! En plus du retard considérable dans l'avancement des travaux, le drame est que le projet a été réévalué plusieurs fois jusqu'à atteindre des sommes colossales. Initialement évalué à 3200 milliards de centimes et confié au bureau d'architecture algérien Dune, dirigé de main de maître par Omar Malki, la cagnotte avait atteint l'an dernier la bagatelle de… 5000 milliards de centimes, même si le wali de l'époque avait tenu à démentir l'ampleur d'un tel gouffre. Pis encore, l'on croit savoir que ce projet diabolique aurait besoin d'une nouvelle rallonge de 1200 milliards qui pourrait, à la limite, contribuer à voir enfin le bout du tunnel et atteindre ainsi la somme astronomique de… 6200 milliards, et ce, au moment où la trésorerie de l'Etat est dans le rouge. N'est-ce pas qu'un tel crime économique – il faut l'appeler ainsi – doit faire l'objet d'une enquête sérieuse et approfondie pour faire toute la lumière sur cette tragédie qui ne dit pas son nom ? Une commission d'enquête sur place "C'est vrai que le chantier est à l'arrêt pour manque d'argent et que les Turcs ont plié bagage jusqu'à nouvel ordre, mais il faut savoir qu'il y a une commission d'enquête judiciaire qui est déjà sur place depuis quelque temps pour faire toute la lumière sur cette affaire qui a fait couler beaucoup d'encre, et dès que l'enquête sera ficelée, je pense que le chantier va reprendre et, si tout va bien, nous espérons réceptionner le stade d'ici le second trimestre 2020", a déclaré, cette semaine, le nouveau DJS de Tizi Ouzou, Rabah Chebbah, qui a été interpellé par des élus locaux lors de la dernière session de l'APW de Tizi Ouzou. C'est dire que ce projet de stade olympique de Tizi Ouzou est devenu, au fil du temps, une véritable boîte de Pandore qui n'a pas fini de surprendre l'opinion publique et tout le monde sportif. Et à ce rythme, bien malin celui qui est capable d'avancer le moindre échéancier pour voir enfin la JS Kabylie, club phare du Djurdjura mais aussi tout le football algérien, bénéficier d'un tel temple du football qui ne cesse de patauger malheureusement dans les terres marécageuses de Boukhalfa, alors qu'il a été pourtant judicieusement implanté sur la RN 12 qui dessert idéalement les deux grandes villes de Tizi Ouzou et d'Alger, mais aussi l'aéroport international Houari-Boumediene. Mohamed HAOUCHINE
