Adulé par ses fans du titre de maître et jugé "infréquentable" par ses hâbleurs, l'existence de l'interprète A tarwa n lhif (enfants de la misère) n'était pas ce fleuve tranquille que s'imaginent les fans du regretté Matoub Lounès. Que sait-on en réalité du regretté Matoub Lounès ? Rien ! Sinon qu'on a seulement à l'esprit la voix de l'enfant de Taourirt Moussa à l'aide de laquelle le poète a tracé la voie vers la liberté, car Avrid n izerfan yergel (le chemin des droits est obstrué) qu'il chantait ! Et s'il reste un inconnu pour ses fans de moins de 20 ans, le livre d'obédience révélations et intitulé Notes et souvenirs d'un compagnon de lutte, du poète Tayeb Abdelli, narre et éclaire l'itinéraire de ce "maquisard de la chanson" qui est balisé de succès, mais aussi d'engagement sur le front de la résistance et du refus. D'essence pacifique, le nom du "Rebelle" (éd, Stock 1995) est intimement lié au combat et est l'égal de l'éloquence du verbe qu'il cueillait dans l'immensité de son âme. Son arme ? Le poète n'avait que sa rime et ses fils de mandole qu'il opposait au déni identitaire et au diktat de la secte de l'intolérance. Certes qu'elle n'est plus à présenter son étoile, puisqu'"elle brille au firmament de sa patrie, de son peuple, de sa Kabylie et de toute Tamazgha", a écrit l'écrivain, poète et journaliste Noufel Bouzeboudja en guise de préface. Plus qu'un témoignage, l'empreinte littéraire de Tayeb Abdelli se veut un carnet de bord de l'amitié d'un duo d'aèdes qui osa l'irrigation de l'identité amazighe sur les sillons asséchés de l'interdit : "Si vous veniez à lire ce modeste ouvrage sur Lounès mon acolyte, sachez qu'il a été écrit dans les deux mois qui ont suivi son tragique assassinat." C'est ainsi que l'auteur Tayeb Abdelli se confesse à l'aide d'un livre confessionnel où il avoue une utile complicité née au début de l'année 1978 dans le XVIIe à Paris et longtemps dissimulée avec le héraut des libertés qu'il fut de son vivant : "Nous étions des partisans de la vérité nue, crue, sans démagogie ni faux-fuyants. Un chat est un chat." D'où l'opus A tidet rdju (vérité, attend !) que Matoub Lounès a écrit pour l'auteur qui était également un animateur à la radio d'Alger Chaîne II dite aussi chaîne kabyle. Adulé par ses fans du titre de maître et jugé "infréquentable" par ses hâbleurs, l'existence de l'interprète A tarwa n lhif (enfants de la misère) Matoub Lounès n'était pas ce fleuve tranquille que s'imaginent ses fans. Loin s'en faut : "Certains de ses pourfendeurs sont miraculeusement devenus ses meilleurs amis, ce qu'ils n'ont jamais été de son vivant." De ce fait, l'auteur décrit beaucoup plus l'homme que l'artiste que fut ce Tafat n tlelli (lumière de la liberté), notamment l'enthousiasme et la sincérité dérangeante du défunt. À dire vrai, le témoignage de Tayeb Abdelli, notamment sur le chemin du premier Olympia du 10 mai 1980 de Matoub Lounès, laissera le lecteur bouche bée : "Les imposteurs abjects ne dorment que quand l'eau dort." Autre aveu, la déclaration de Masin Ferkal et l'album de photos qui authentifient l'amitié de l'auteur avec Lounès Matoub. Pour conclure, les notes et souvenirs de Tayeb Abdelli ne sont que l'épitaphe que l'auteur aurait aimé graver sur la pierre tombale de son ami Matoub Lounès, qu'il repose en paix.
Louhal Nourreddine "Matoub Lounés. Notes et souvenirs d'un compagnon de lutte", de Tayeb Abdelli, Ed. Aframed, 197 pages – 700 DA