L'Université de Bab Ezzouar (USTHB) est, depuis dimanche, le théâtre d'une action de solidarité qui restera gravée dans les mémoires des étudiants. Une séance d'écriture à grande échelle durant laquelle des milliers d'étudiants se sont consacrés à coucher leur sentiment, leur opinion et leur solidarité sur le papier à remettre à des destinataires bien particuliers, à savoir les détenus d'opinion. Et pour immortaliser ce geste d'exception, ils ont été nombreux à répondre à l'appel du cœur. C'est ainsi qu'ils ont pris le temps d'écrire, avec soin, à leurs camarades et à ceux qu'ils ont qualifiés de "symboles de la révolution" et d'"espoir de tout un peuple". Il est d'ailleurs quasi impossible de museler les jeunes même au prix de privation des libertés, car c'est aujourd'hui et là que se joue le chapitre le plus important de leur avenir. "Nous sommes solidaires avec nos camarades et tous les détenus d'opinion que nous ne lâcherons jamais. Nous sommes aussi et surtout fidèles et profondément attachés à nos opinions et nos revendications que nous estimons légitimes", nous a déclaré, hier, Mohamed, un étudiant de l'USTHB et l'un de ceux à l'origine de cette initiative. Il déclare : "Nous avons reçu la visite de deux avocats pour nous parler et nous expliquer ce qui se passe. Ils nous ont dit que cela ferait beaucoup de bien d'écrire à nos camarades incarcérés depuis des mois. Une idée qui a été longuement discutée dans le cercle des étudiants mobilisés pour le hirak. Et nous avons opté, à l'unanimité, pour la confection de boîtes aux lettres en carton dont chacune a été accompagnée du portrait de l'un des jeunes détenus pour recueillir un maximum de messages à transmettre aux concernés par le biais des avocats." "Du fond de vos cellules, lisez-nous", résument les écrits des étudiants lors de cette journée mémorable intitulée "Une lettre, un sourire". Elle s'est soldée par des centaines de messages de solidarité très émouvants et des pensées pleines de détermination. "Il est important que nos amis et tous les détenus d'opinion sachent que nous n'avons jamais baissé les bras. Les arrestations arbitraires et la répression étaient prévisibles, car c'est leur dernière cartouche", nous a déclaré Sarah, étudiante en génétique, qui poursuit : "Cela est loin de nous arrêter ou nous décourager et nous continuerons jusqu'à atteindre notre but. Je dis à mes amis étudiants et à tous les autres détenus : patience, l'issue est proche et l'histoire retiendra les sacrifices de chacun." Walid Aouissi, Dahmani Nour El-Houda Yasmina, Samira Messouci, Guessoum Cherif, Benzine Khair-Eddine, Idir Ali, Safi Tahar, Bekkis Bakir et bien d'autres noms trônent sur le grand tableau qui orne la place de l'université choisie pour abriter l'événement. Parmi cette liste de noms, une phrase résume l'aspiration de tout un peuple : "Osez la liberté, c'est tellement mieux."