L'ancienne icône de la paix Aung San Suu Kyi a assisté hier aux appels de la Gambie, au nom du monde musulman, pour que "la Birmanie cesse le génocide contre la minorité rohingya", au premier jour d'audiences devant la Cour internationale de justice. Celle qui fut lauréate du prix Nobel de la paix en 1991 mais qui a vu son image ternie au sein de la communauté internationale depuis qu'elle a pris la défense des généraux de l'armée birmane impliqués dans le génocide, s'est présentée devant la Cour de La Haye alors que plusieurs organisations de défense des droits de l'hommes l'ont tenue responsable de la répression féroce qui s'est abattue sur les Rohingyas. Depuis août 2017, quelque 740 000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les exactions de l'armée birmane et de milices bouddhistes, qualifiées de "génocide" par des enquêteurs de l'ONU. "Tout ce que la Gambie demande, c'est que vous disiez (à la Birmanie) de mettre fin à ces tueries insensées, d'arrêter ces actes de barbarie et de cesser ce génocide contre son propre peuple", a plaidé le ministre gambien de la Justice, Abubacarr Tambadou, devant les juges de la CIJ. La CIJ, organe judiciaire principal des Nations unies, créée en 1946 pour régler les différends entre Etats membres, tient de premières audiences de mardi à jeudi dans ce dossier ultrasensible. "Chaque jour à ne rien faire, ce sont plus de gens tués, plus de femmes violées et plus d'enfants brûlés vifs. Quel crime ont-ils commis ? Seulement celui d'être nés dans une religion différente", a dénoncé M. Tambadou, ancien procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda. "Un autre génocide se déroule sous nos yeux, mais nous ne faisons rien pour l'arrêter", a-t-il martelé. La Gambie demande à la CIJ des mesures d'urgence pour mettre fin aux "actes de génocide en cours en Birmanie" en attendant que soit rendu l'arrêt définitif sur le fond de l'affaire, ce qui pourrait prendre des années. Les avocats de la Gambie ont en outre dénoncé l'apparition d'énormes panneaux d'affichage à travers la Birmanie ces dernières semaines, montrant Aung San Suu Kyi avec trois généraux de l'armée birmane souriants. Pour l'avocat Paul Reichler, cela montre que ces derniers sont "tous impliqués" dans les exactions commises à l'encontre des Rohingyas. Cela prouve "que la Birmanie n'a absolument aucune intention de tenir ses dirigeants militaires pour responsables", a-t-il affirmé.