La vie du poète originaire de Boudious (El-Milia à Jijel) prend tragiquement fin le 27 décembre 1993, dans la chambre où il résidait à proximité de l'INA à El-Harrach, où il enseignait la sociologie rurale. Pour ceux qui ont connu le poète, il est impossible que Youcef Sebti tombe dans l'oubli. Nombreux sont certainement ses amis qui se souviennent de cette nuit atroce où il a été lâchement assassiné, un certain 27 décembre 1993, dans la chambre où il résidait à proximité de l'INA à El-Harrach, où il enseignait la sociologie rurale. Youcef Sebti est de ces hommes qui ont gardé intact un lien viscéral avec leur patelin natal. Pour le poète, c'est son Boudious natal, une petite bourgade rurale, aujourd'hui anarchiquement urbanisée sur les hauteurs de la ville d'El-Milia (wilaya de Jijel), qui l'a marqué jusqu'à ce qu'il se soit éteint. "Souvent à son retour lors des vacances, il donnait des cours aux enfants de son village", se remémore un habitant de cette ville, tout en gardant de lui le souvenir d'un homme chétif à l'allure d'un intellectuel engagé. Son ami dans ce village n'était autre que le très apprécié instituteur de son époque, le cheikh Boulkhodra Messaoud, qui le côtoyait chaque fois qu'il revenait parmi les siens. "Les deux hommes étaient inséparables", se rappelle encore notre interlocuteur. À sept mois d'intervalle, les deux hommes ont quitté ce monde la même année, soit en 1993. Si des terroristes ont mis fin à la vie de Youcef Sebti, son ami de son village natal est mort avant lui, au mois de mai de la même année. Ainsi va le destin des hommes de cette ville, El-Milia, qui a vu l'un de ses meilleurs enfants mourir sous les balles assassines des terroristes islamistes qui ont choisi de l'achever alors qu'il n'avait que 50 ans. À Alger et ailleurs dans les autres villes du pays où il se rendait pour des rendez-vous poétiques, Youcef Sebti avait ses amis à lui parmi la classe intellectuelle. Dans un billet paru dans la rubrique "Raina Raikoum" du Quotidien d'Oran, Amine Bouali décrit l'homme qu'il dit avoir rencontré une seule fois lors d'un festival de poésie organisé l'été 1986 à Aïn Turk, près d'Oran, en ces mots : "L'homme était d'aspect chétif, sobre comme un moine bouddhiste, rare comme un poète de Djalaleddine af-Roumi." Plus loin, il écrit encore : "Durant les deux journées de la manifestation culturelle, Youcef Sebti n'arrêtait pas de gribouillait des notes sur un cahier d'écolier qu'il rangeait ensuite dans un cartable trois fois plus gros que lui." Dans l'un de ses poèmes, Youcef Sebti décrit les crues déchaînées de l'oued El-Kébir, traversant le village qui l'a vu naître, aujourd'hui mille fois transformé dans l'anarchie et une urbanisation sauvage qui n'a pas épargné le Boudious natal du poète. Ainsi il déclame : "Il se peut que l'oued El-Kébir déborde, qu'il envahisse vallées et plaines, qu'il emporte chênes, oliviers, troncs, qu'il recouvre de sa boue les terres ; qu'il rejette de son ventre des poissons inertes." De cet oued, il ne reste plus qu'un cours d'eau dont les crues sont endiguées par un barrage érigé plus loin en amont. Sa vallée et ses plaines sont transformées en un méga-site industriel, qui n'ont plus rien à voir avec les vers du poète.