Les marchés pétroliers suivent, depuis plus d'une semaine une tendance à la hausse. Hier, le baril de Brent a dépassé les 68 dollars dans un marché soutenu par une convergence de vues concernant les questions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine et la réduction de l'offre pétrolière de l'Opep et de ses alliés. Cependant, toute la question est de savoir si cette tendance haussière résistera ou non aux aléas du marché, notamment à l'abondance de la production du schiste américain. Les points de vue divergent quant à ce qui peut être accompli concrètement par l'Opep et ses partenaires pour un marché du pétrole stable avec des prix équitables et raisonnables à la fois pour les producteurs et les consommateurs. L'Arabie saoudite, le plus gros producteur de pétrole, veut conserver son rôle de chef de file de l'Opep en prêchant par exemple, la baisse de production. Le royaume continue d'agir directement sur la production afin de mettre en équilibre l'offre et la demande, invitant d'autres pays pétroliers à le suivre dans cette voie. Riyad avait, par ailleurs, compris qu'il fallait cohabiter avec les producteurs de schiste. Mohamed Terkmani, expert pétrolier, estime, à ce sujet, qu'aujourd'hui, "les Saoudiens, comprenant qu'ils ne peuvent venir à bout des schistes, ont décidé de coexister avec eux, ce qu'ils auraient dû faire en 2014, s'ils avaient compris que, face aux producteurs américains, inonder le marché était un très mauvais choix qui se retournerait contre l'Opep". Il ajoute : "Ils ont fini par le comprendre, ce qui les a amenés à inverser leur stratégie en prônant maintenant, avec plus de zèle, une réduction de l'offre afin d'accroître les prix, quitte à avantager, par la même occasion, les producteurs de schistes qui, eux, produiront plus." Selon M. Terkmani, "les Saoudiens vont même jusqu'à donner l'exemple aux autres pays membres de l'Opep et à leurs alliés non-Opep, en consentant les plus fortes réductions allant jusqu'à ajouter une baisse supplémentaire de 500 000 barils/jour par rapport à leur quota officiel de l'Opep". "Et, ils ont commencé à le faire, dit-il, à l'avance, depuis décembre 2018, sans attendre le début officiel des réductions fixé au 1er janvier 2019 dans le cadre des accords Opep/non-Opep". Et de poursuivre : "Ils sont, à présent, aussi déterminés à réduire leur production qu'ils ne l'étaient à inonder le marché auparavant." Ali Kefaïfi souligne, lui, que le marché pétrolier mondial "entre dans un nouveau cycle" où l'Opep est très vulnérable et où la transition énergétique commence à poindre. À court terme, 2020, note-t-il, le marché sera "équilibré" et "marqué par une augmentation de l'offre des non-Opep, une croissance de +2,2 millions de barils par jour (bpj) dont 1,1 million de bpj provenant des Etats-Unis". "L'Opep+ devra, recommande-t-il, réduire sa production d'environ 0,4 million de bpj, au 3e trimestre sous peine de faire face à une baisse des prix (50 dollars le baril)". L'expert ajoute que "l'Arabie saoudite a besoin d'un prix moyen supérieur à 70 dollars le baril pour la cotation boursière domestique d'Aramco, nonobstant le fait que l'équilibre du budget du royaume a besoin d'un prix de 86 dollars le baril".