Akkey, le jugement des animaux (éditions Toom, 2019) est une bande dessinée d'aventure et d'action narrée aux bulles pétillantes du dessinateur Simon Pierre Mbumbo, qu'il a adaptée du scénario de Mohamed Naït Kaci, dit de son nom de plume "Mend Bizmar". Un pseudonyme qu'il a emprunté à son grand-père M'hand, qui était le sosie du chancelier Otto von Bismarck (1815-1898). "Le texte Akkey, qui signifie terre en tamazight, date de vingt ans (1997). Et c'est au hasard d'une rencontre avec le bédéiste camerounais Simon Pierre Mbumbo au Fibda que mon texte a été enfin adapté en 2018 dans la collection Kush. Et de France où il a fait une timide apparition, Akkey s'est illustré au salon de la BD à Genève", nous a confié ce natif de Fréha (Tizi Ouzou). S'agissant de l'intrigue, celle-ci revêt le sceau pédagogique eu égard à l'aspect historique que lui a conféré le scénariste Mohamed Naït Kaci, qui convie le lecteur à une excursion au cœur de l'immensité désertique du Kalahari, ce dernier sanctuaire des Bushmen de l'Afrique. En vacances dans le désert du Kalahari, Kriss se rafraîchissait au bord des fleuves Zambèze long de 2 750 km et Orange long de 2 160 km qui irriguent le Botswana ainsi que la Namibie. D'où l'inexactitude du mot désert qui est inadapté à l'image luxuriante de Kalahari, où fructifient en réalité la flore et la faune. En ce lieu que la Namibie et l'Afrique du Sud ont en partage, les animaux vivaient en idéale harmonie avec la nature et ce, jusqu'au jour où l'homme, ce prédateur en tenue de brousse, a pointé du bout de son fusil ce brin de paradis : "Le Kalahari, un des ultimes refuges, sanctuaire pour de grands animaux en voie d'extinction." Subjugué, Kriss y fouille de sa paire de jumelles la pluralité humaine, où l'avaient précédé l'Afrikaners puis ce pionnier blanc de Boers qui s'étaient incrustés par le feu et le sang dans "une région si vierge où vivaient le Boshimans, le Bantou Himbas et l'Ovambo". Et, depuis, l'occupant et l'opprimé se partagent dans l'iniquité "un havre de paix où l'atrocité des conflits fomentée par l'avidité des hommes de toutes nations y déversent leur fiel et attisent la haine". Mais n'est-il pas lui-même l'héritier de l'économiste des Lumière Adam Smith (1723-1790) ? Et à l'issue de son safari de reconnaissance à "Akkey", Kriss décide d'ensevelir ce lieu de délice sous l'épitaphe d'un hideux "camping paradis" en faisant fi de la désapprobation de son père Gary. "Mon fils, l'argent n'est pas tout dans la vie et il ne te sera d'aucun secours à toi et à tes actionnaires lorsque tout sera pollué ici-bas !" Quant aux planches, le "strip" et la "case" augurent l'esthétique des décors qu'il y a dans les plans panoramiques et le plan général. "Notre rencontre date du Fibda 2010, où Mend Bizmar m'a présenté son texte de vingt pages qui avait l'allure d'un roman que j'ai adapté avec le concours d'un scénariste", a déclaré Simon Pierre Mbumbo, qui est diplômé de l'Ecole des Beaux-Arts d'Angoulême et cofondateur en France du groupe "L'Afrique dessinée". Du reste, l'aventure de la BD entre Mend Bizmar et Simon Mbumbo n'a rien à envier aux formes des dessins de félins de Kalar (éd. Imperia) du dessinateur espagnol Tomás Marco Nadal (1929-2000). Pour conclure, "vous verrez dorénavant d'un autre œil l'hyène qui n'est pas aussi charognard que ça, puisqu'elle nettoie la forêt des restes de repas d'autres félins", comme le fait de nos jours l'éboueur pour le pollueur de nos villes. Donc et "à travers Kriss, c'est l'être humain qui est jugé pour ses actes malveillants envers notre bonne vieille terre", lit-on en quatrième de couverture.