À Ath Lahcène, village natal d'Idir, qui côtoie les cimes, les ruelles sont quasi désertes. Les discussions sont à peine engagées que l'on se rend compte que les habitants sont encore assommés par la triste nouvelle. L'enfant prodige n'est plus de ce monde. Calmes, mais ce sont des villageois inconsolables que nous avons eu à rencontrer. "Hamid Cheriet nous a quittés, mais Idir restera éternel", lâche, triste, Sami Cherat qui dit trouver dans cette phrase piquée à son cousin Brahim une belle formule pour se consoler. Sami n'achève pas une phrase sans qu'il ne soit étranglé par l'émotion. "On a reçu la terrible nouvelle comme une stase", renchérit-il, lui qui garde d'Idir des souvenirs plein la tête. Profondément ému, Sami préfère laisser parler un des plus proches du chanteur. Lui c'est Belkacem Cheriet, le cousin de celui qu'on aime à appeler fièrement l'ambassadeur de la chanson moderne d'expression kabyle. "La triste nouvelle est tombée au milieu de la nuit, la plupart des habitants ne l'ont apprise que ce matin au réveil et ça a été un choc pour tout le monde", raconte Belkacem expliquant que les habitants n'ont pas encore confirmé la rumeur, de la veille, sur l'hospitalisation du chanteur, c'est finalement son décès qui est annoncé. "Je garde de lui l'image d'un homme humble, modeste et humaniste qui a été toujours proche des siens malgré la distance", dit-il avant d'éclater en sanglots. "Idir a toujours vécu avec nous, il n'y a que son corps qui était en France", a témoigné cet homme de 82 ans dont les souvenirs avec son cousin remontent jusqu'à leur enfance. D'ailleurs, Belkacem a tenu à rectifier la date de naissance de son cousin : "Il est né le 25 octobre 1945 et non pas en 49 comme cela se dit à chaque fois". Mais Belkacem préfère évoquer sa dernière rencontre avec son cousin. "Il est revenu pour son gala à Alger mais sans venir au village. La dernière fois qu'il est venu au village remonte à 2015 lorsqu'il est venu au festival ‘Lumière sur le patrimoine de la Kabylie'. Il est resté au village 15 jours et le dernier geste qu'il a accompli était de se recueillir sur la tombe de Mouloud Mammeri et sur celle de Matoub Lounès", se souvient-il tout en rappelant qu'Idir était très proche de l'écrivain. La fierté, c'est, à vrai dire, tous les habitants d'Ath Yenni qui l'exprimaient, hier, malgré leur douleur. "C'est lui le miroir qui a permis au monde entier de connaître notre culture berbère, il était notre ambassadeur, notre fierté", dira Achour, un autre habitant du village qui estime qu'Idir est un immortel dont le nom sera gravé dans l'histoire. "Son projet était de revenir au village" "La dernière fois qu'il est venu au village, Idir a émis le vœu de revenir et de s'installer ici. Il disait que se lever le matin et saluer le Djurdjura en face, est ce qu'il y a de plus beau et d'apaisant pour moi", confie Sami Cherat, président de l'association Talwith avec laquelle le chanteur partageait des activités à distance. "Mais sa maladie, ces derniers temps, l'a contraint de rester en France mais sans jamais perdre contact avec son village", a-t-il ajouté avant de nous conduire vers la demeure familiale où Idir passait ses jours quand il venait au village. Même s'ils ne savent pas où sera inhumé l'artiste, les habitants du village comptent lui rendre un grand hommage. "Nous allons lui rendre un hommage à la hauteur de l'homme qu'il a toujours été pour les siens, sa culture et sa région", promet Sami Cherat. "Pour nous, Idir restera une étoile qui brillera éternellement dans notre ciel", dira un habitant à Ath Yenni. "Avava Inouva raisonnera à jamais dans ses montagnes", dira un autre villageois les larmes aux yeux.