En plus de la concurrence menée par les nouveaux fournisseurs, les prix ont considérablement chuté. Certains partenaires de Sonatrach y voient une "aubaine" pour réclamer une révision à la baisse des prix. Les temps ont rarement été aussi durs pour le gaz algérien, alors que les exportations gazières étaient déjà mal en point. Les effets de la pandémie de Coronavirus n'ont fait qu'accentuer les difficultés. Le gaz algérien vendu à l'Europe, son débouché traditionnel, perd même du terrain face à de nouveaux venus sur ce marché, comme les Etats-Unis ou l'Australie qui ont créé une concurrence accrue, exerçant une pression à la baisse sur les prix, dans un contexte où la demande en gaz dans les pays européens, comme dans d'autres régions du monde, a considérablement ralenti. Les importations à bas prix, expédiées par de nouveaux fournisseurs, font ainsi le bonheur des consommateurs européens et le malheur des fournisseurs classiques tels que la Russie, la Norvège, l'Algérie ou le Qatar. Un symptôme révélateur de la crise ; les relations commerciales entre Sonatrach et la société espagnole Naturgy viennent de prendre un sérieux coup de froid, après que l'entreprise ibérique eut demandé à la partie algérienne de réviser à la baisse les tarifs du gaz naturel convenus dans les contrats à long terme conclus entre les deux partenaires. Naturgy menace de porter l'affaire devant un tribunal international si la compagnie nationale des hydrocarbures ne se pliait pas à ses exigences. Par ce procédé, Naturgy affirme vouloir adapter les contrats internationaux de gaz naturel — de long terme — aux circonstances actuelles du marché. Tewfik Hasni, expert en énergie, contacté par Liberté, explique que "les Espagnols sont en droit d'invoquer la force majeure pour faire aboutir leur démarche, d'autant plus que le marché du pétrole, comme, de plus en plus, celui du gaz naturel, a été fortement perturbé par la pandémie de coronavirus". "Et puis, la notion de force majeure est consignée dans les contrats à long terme ; il n'y a rien à redire là-dessus", fait-il observer. Sonatrach jouissait d'une solide position sur le marché ibérique, mais elle a cessé d'être le premier fournisseur de gaz naturel de l'Espagne. Une position désormais occupée par les Etats-Unis. En février dernier, le gaz naturel américain représentait exactement 27% des importations espagnoles, selon les données de Cores, la société espagnole chargée de maintenir les stocks stratégiques de produits pétroliers et de contrôler les stocks de l'industrie des hydrocarbures. Sonatrach savait que le marché européen était devenu de plus en plus complexe. Cela l'a poussé à se tourner vers l'Asie pour y trouver des débouchés pour ses exportations. Le problème est que la crise sanitaire est d'ampleur mondiale et le gros marché asiatique n'y échappe pas. Pour Tewfik Hasni, on risque d'assister à des "prix du gaz négatifs, y compris sur ce marché", où les pays sont importants par leur taille et les volumes de leur consommation. Le prix de référence du GNL au comptant en Asie du Nord-Est a chuté à 1,90 dollars /MMbtu, il y a quelques jours, en baisse de 63,5%, selon des données chiffrées établies par Global Platts. Dans un marché de GNL au comptant surapprovisionné en raison d'un hiver plus doux que d'habitude et d'une production accrue en Australie, en Russie et aux Etats-Unis, la pandémie de Coronavirus a encore exacerbé l'offre, alors que la demande a fortement diminué dans des pays comme le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, la Chine et l'Inde. Global Platts avance qu'en Corée du Sud, les importations de GNL se situent autour de 2,5 millions de tonnes, contre 3,4 millions de tonnes, il y a un an.
