De "tchipa" à hydrocarbures, en passant par "h'chouma", l'arabe algérien et autres termes bien de chez nous sont décortiqués par la plume de Abdelhamid Senouci Bereksi. Et ce dernier n'y va pas de main morte pour remettre en question des années de gouvernance chaotique, de mensonges et une mainmise autant sur les esprits que sur les richesses. Voilà donc l'ancien ambassadeur Abdelhamid Senouci Bereksi, qui décortique le climat sociopolitique algérien à la faveur d'une compilation, un abécédaire, ou, comme l'auteur lui-même aime à le préciser, "un recueil de mots, de maux et d'émotions d'un Algérien". Paru il y a quelques jours aux éditions Rafar, cet opus, fait de jeux de mots, de calembours et autres boutades correspondant à des termes choisis et classés par ordre alphabétique, est un condensé de réflexions subjectives. Qu'elles tournent autour du quotidien morose de l'Algérien lambda, de sa classe politique en total déphasage avec la société, ou des réflexions de cet ancien diplomate sur le Hirak. Ces petites notes acerbes et pleines d'humour, du reste, par un homme de terrain, connaissant bien les arcanes du pouvoir. De "tchipa" à hydrocarbures, en passant par "h'chouma", le dialecte algérien, le français et autres termes bien de chez nous sont décortiqués par la plume de Abdelhamid Senouci Bereski. Et ce dernier n'y va pas de main morte pour remettre en question des années de gouvernance chaotique, de mensonges et une mainmise autant sur les esprits que sur les richesses. Puis il y a ces passages autobiographiques, où l'auteur se permet plus de liberté en faisant appel à une réminiscence nostalgique de tout ce que l'Algérie a apporté et porté comme hommes braves, pendant et après la révolution de 62. À la définition du mot "fraude", il cite l'exemple de cette soirée bien particulière d'un certain 20 septembre 1962, alors qu'eut lieu l'élection de la première assemblée constituante. "Ce jour-là, dit-il, mon père, ancien prisonnier, était président d'un centre de vote de la ville de Tlemcen. La nuit, il fut ramené à la maison tout ensanglanté et ecchymosé." "Son crime ? poursuit Senouci, il avait refusé d'avaliser la liste d'élus que voulaient imposer les nouveaux occupants de mon pays (Ben Bella) et qui ne correspondait pas à celle des urnes !" Aux côtés de ce passé et sa révolution confisquée, l'auteur s'intéresse à l'actualité en y consacrant un petit livret intitulé Itinéraires du coronavirus M3, essai d'une uchronie du siècle XXI. Le coronavirus M3 devient le personnage principal de ce genre hybride, à mi-chemin entre la fiction et l'essai. Il narre au lecteur comment il a entrepris un voyage qui l'a mené de Wuhan, centre de la pandémie, en passant par l'Europe et les Etats-Unis, et la panique, suivie de l'anarchie qui a fait vaciller ces deux mastodontes économiques. Résultant d'un exercice d'introspection que le combo panique-confinement a imposé à chacun d'entre nous, le récit, teinté d'une bonne dose de fiction certes, ouvre le champ de questions telles que : quel avenir pour l'homme sur terre ? Courant uniquement derrière le profit et l'enrichissement. Que reste-il des relations entre les hommes, quand certains s'enrichissent toujours plus, tandis que d'autres meurent encore de faim ? Il a suffi qu'un organisme d'un micron se répande en quelques semaines sur terre pour lever le voile sur nos failles et nos lacunes, autant humaines que politiques et économiques.