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"Nous avons manqué de pédagogie à l'égard des citoyens"
Mohamed Mebtoul, sociologue et fondateur de l'anthropologie de la santé
Publié dans Liberté le 11 - 07 - 2020

Liberté : Quelle lecture faites-vous des nouvelles mesures de lutte contre la propagation du coronavirus annoncées par la Présidence jeudi ?
Mohamed Mebtoul : Il faut sortir rapidement d'un hospitalo-centrisme qui a montré ses limites en révélant la saturation de nos principaux hôpitaux, des médecins épuisés qui paient le prix fort de leur isolement, des moyens techniques insuffisants, une organisation très administrée de notre système de soins. En outre, la communication focalisée uniquement sur le biologique et les règles à mettre en œuvre est nécessaire, mais non suffisante. La pandémie de Covid-19 a une dimension sociétale forte, pesante, diversifiée, selon les catégories sociales. Il n'est donc pas possible de sous-estimer la dimension sociale et psychique de la maladie, en l'appréhendant comme étant de l'ordre du résiduel. Il importe d'observer la société telle qu'elle est avec ses contraintes, ses conditions de vie, ses attentes, ses silences, ses blessures morales, ses métaphores, pour dire le mal. On ne change pas une société par décret. Il est important d'être à l'écoute des pratiques sociales des personnes ancrées dans une histoire sociale profonde, faite de souffrances multiples. La société ne fonctionne pas comme une cruche vide qu'il faut remplir d'attitudes et de connaissances pour que tout rentre dans l'ordre. C'est plus compliqué que cela ! On oublie que toute société produit un imaginaire, déploie au quotidien ses représentations sociales différentes qui sont autant d'interprétations sur le sens du risque, qui n'est pas celui produit par la médecine.
Les restrictions se multiplient, mais le virus continue de se propager et de faire des victimes. À quoi attribuez-vous cette incapacité à contenir la pandémie ?
On a tout simplement "oublié" les populations, étiquetées de façon rapide et paresseuse, "d'indisciplinées" sans en rechercher les raisons profondes. Il importe, enfin, de donner un sens pertinent à l'écoute, à la prise en considération de leurs conditions sociales, mais aussi de leurs propos sur ce virus invisible. C'est une bonne chose que certains reconnaissent enfin que les sciences sociales sont fondamentales pour décrypter la crise sociosanitaire et ses différents enjeux politiques, sociaux et économiques. C'est, au contraire, durant cette épreuve dramatique du coronavirus que la démocratie sanitaire peut avoir du sens et de la pertinence dans le souci de permettre cet élan mobilisateur de la majorité des agents sociaux. La confiance n'est pas un état, mais une construction sociale qui implique de la proximité, de la persuasion, de la discussion et des remises en question salutaires sur notre façon de communiquer qui est restée linéaire et sans souci de comprendre l'Autre. Dans le cas inverse, le risque est de stagner dans nos propres frontières symboliques et cognitives — les uns sont plus conscients que d'autres —, refusant de décrypter profondément, au-delà de la morale, les rapports sociaux puissants et inégaux qui marquent la société algérienne.
La société a été appréhendée par les responsables sanitaires comme une "addition de comportements", devenant des "électrons libres" qu'il est possible, par une hypermédiatisation du virus, d'assurer le contrôle sanitaire des espaces sociaux. Mais force est d'observer qu'il n'y a pas de société en soi, fermée sur elle-même, qui ne serait pas façonnée et instituée par le politique qui impose ses normes de fonctionnement, ses modalités socio-organisationnelles locales et nationales. Il faut d'abord que nos institutions changent, en prenant compte des attentes des populations et du personnel de santé, en réorganisant leur fonctionnement interne, en réfutant la routine et l'enfermement sur soi, dans une logique de justification qui fait peu cas de l'autre. L'ouverture sur la société est profondément liée à une démocratisation de l'information sanitaire, à une reconnaissance sociale du travail de santé dans tous ses aspects, même au sein des familles qui sont aussi productrices de santé. Enfin, il est important d'opérer les multiples réajustements socio-organisationnels qui sont nécessaires pour produire un nouvel ordre de vie — des trottoirs défoncés, de la saleté partout, la misère matérielle et morale visible dans beaucoup de quartiers, le désespoir, la production politique locale d'une distanciation sociale avec les habitants — qui puisse permettre d'accéder à d'autres formes de mobilisation de la société, qui ne se limitent pas à un discours de sensibilisation qui fasse abstraction de la parole et des pratiques sociales des populations.
Dans nos différentes enquêtes, les personnes ne cessaient de nous dire : "Personne n'est venu nous écouter et nous entendre dire nos souffrances." Libérer la société, c'est lui donner la possibilité de s'exprimer, de redonner du sens à ses exigences et d'être partie prenante dans le processus de prise en charge de la pandémie. La discipline collective n'est jamais une donnée naturelle qui viendrait du néant. Elle est liée à la reconnaissance de la citoyenneté, à l'ouverture d'un champ du possible qui redonne du sens à la dignité de la personne.
Malgré une comptabilité macabre qui frôle le millier de décès en Algérie et les dégâts observés dans d'autres pays, une grande partie de la population rechigne à porter le masque et à observer les règles de prévention. Pourquoi, selon vous ?
La société a été prise depuis des décennies dans l'emprise du modèle curatif qui valorise de façon extrême le médicament, les gestes médicaux immédiats, la technicité médicale, le mal organique, en "oubliant" la prévention sociosanitaire. Celle-ci est un rapport social sous-tendu par l'écoute, la reconnaissance sociale de l'autre, la solidarité, la responsabilité collective, la persuasion, la proximité sociale et non pas uniquement géographique entre les professionnels de santé et les patients.
Dans un système de prévention reconnu et valorisé, le statut des patients se transforme. Ce ne sont plus des malades anonymes ou privilégiés, mais ils acquièrent la place d'usagers-citoyens qui ont cette capacité reconnue de participer activement au processus de soins, impliquant la démocratisation du système de soins, et non pas sa bureaucratisation difforme qui efface toute dynamique sociosanitaire horizontale. La prévention sociosanitaire s'appuie sur l'interaction dynamique et la discussion. Elle redonne un sens pertinent au concept de risque qui est, de ce fait, reconnu et intériorisé par les différentes populations. En effet, l'intériorisation de la culture du risque n'est pas seulement médicale, mais sociale et politique.
Propos recueillis par : S. ould ali


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