Sortie de promotions de l'Académie militaire de Cherchell    Opportunités et défis    Ooredoo accompagne la cérémonie de sortie de promotion    La communication au sein de l'association    La CPI redouble d'efforts    «Nous sommes sur le bon chemin»    L'Algérie à un point de la qualification    Ligue de Diamant/Etape de Monaco (800 m): Sedjati troisième, Moula sixième    Les dattes primeurs entre abondance de l'offre et chute des prix    Le rôle du documentaire historique dans la dénonciation des crimes coloniaux souligné    Mosquée Essayida, la dame mystère    Sahara occidental: décès de la conseillère à la présidence de la République Khadidja Hamdi    Karaté / Championnat National : Participation record de 627 athlètes à la Coupole du complexe olympique (Alger)    Handball /Jeux africains scolaires 2025 : les sélections nationales U16 (filles) et U17 (garçons) engagées dans la compétition    Le Danemark refuse de soutenir un projet d'énergie renouvelable au Sahara occidental occupé    Formation professionnelle: publication d'une note encadrant la rentrée d'octobre 2025    Immatriculation des véhicules importés de "moins de 3 ans": calendrier spécial pour la réception des dossiers    Algérie-Tunisie: un stage de formation conjoint en plongée entre les services de la Protection civile des deux pays    24e édition du SITEV: une opportunité pour promouvoir la destination touristique Algérie    L'Algérie insiste sur la justice et la reddition de comptes en vue d'une résolution globale du conflit au Soudan    Le moudjahid Mohamed Lahouas inhumé à Oran    Expo Osaka 2025: le Premier ministre visite les pavillons de plusieurs pays frères et amis    AAPI: publication de 75 assiettes foncières destinées à l'investissement dans la nouvelle ville de Boughezoul    L'Algérie et la Tunisie se neutralisent (0-0)    Ouverture des travaux de la 47e session du Conseil exécutif de l'UA à Malabo    Installation du comité scientifique du Musée national de la civilisation islamique    Ouverture des inscriptions en vue de participer à la deuxième édition du Salon national du livre pour enfants    Mémoire nationale: le ministère des Moudjahidine lance sa plateforme numérique "Geoheritage" dédiée aux sites historiques    Décès de l'ancien ministre péruvien des Relations extérieures Garcia Belaunde: Chaib signe le registre de condoléances à l'ambassade du Pérou    Académie militaire de Cherchell: le président de la République préside la cérémonie annuelle de sortie de promotions    Israël est totalement incapable de survivre seul !    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha en visite à l'Académie militaire de Cherchell    Traque sans relâche contre les trafiquants de tabac !    Une hausse de près de 10% des cas de noyades mortelles    Confiance totale en nos capacités et en nos ressources    A peine installée, la commission d'enquête à pied d'œuvre    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Un tribunal de la "raison" et de la "saison"
Réponse à la tribune "Malentendus" et "sous-entendus"
Publié dans Liberté le 28 - 09 - 2020

Avec audace et aplomb, un aréopage de distingués spécialistes et experts patentés entame, dans Liberté, et par oxymore, une chasse aux sorcières (bon fils vs mauvaise fille), en confondant l'héritage (matériel) qui nous est légué et l'héritage (symbolique) que personne ne peut s'approprier.
Selon eux, une lecture doit se faire : 1- selon la ligne de partage de l'honneur et du déshonneur ; 2- non pas de la personne, de l'individu ou du citoyen, mais 3- de l'Algérie tout entière : "Boulbina n'honore pas l'Algérie en déshonorant l'un de ses meilleurs fils." Par ces mots, ils prétendent ainsi incarner (ils sont six...) et le "lecteur algérien" et l'Algérie elle-même.
Rien moins. Institué en tribunal de la "raison" et de la "saison" (qui n'entend ici la proximité entre tribune et tribunal ?), ce jury, telle une magistrature de la pensée, s'arroge ainsi le droit de condamner, c'est-à-dire de censurer, la liberté d'édition et la liberté de penser.
La liberté d'édition : non seulement, comme la mise au point des éditions Frantz Fanon l'a souligné, Pierre Amrouche, l'ayant droit ("principal") de son père, a donné son accord pour l'édition des conférences de Jean El-Mouhoub Amrouche, mais, le 18 avril dernier, je lui ai envoyé directement, avant publication, l'ensemble des textes, présentation de Réjane et Pierre Le Baut et préface de Seloua Luste Boulbina comprises.
Il savait ainsi que Je suis un champ de bataille, le titre du livre, et D'imprévisibles déhanchements, celui de ma préface, sont des expressions de Jean El-Mouhoub Amrouche. Jusqu'à la "tribune" publiée dans votre journal, Pierre Amrouche n'a manifesté aucun désaccord non plus qu'aucune critique, ni à l'éditeur ni à moi, alors qu'il était en contact direct et avec l'un et avec l'autre.
Sous quel prétexte fallacieux et pour quelle tartufferie soutient-il aujourd'hui, avec d'autres, que le livre aurait été conçu dans son dos ? La liberté de penser : comme je privilégie la communication directe, l'échange et la discussion plutôt que les mauvais procès par presse interposée, j'exprime ici, en mon nom propre, ce que j'ai déjà adressé directement à Pierre Amrouche.
Il n'y a rien de pire, en matière intellectuelle notamment, que les procès d'intention car ils sont la porte ouverte à tous les mensonges et à toutes les violences.
C'est historiquement avéré. Pour la fille – puisqu'en ces lieux il convient d'abord d'avoir un père... – d'un des quatre Algériens du collectif d'avocats FLN qui plaidaient en France, et en français, pendant la révolution, il est piquant de constater, par exemple, que les délateurs, sycophantes et autres porteurs de figues de cette tribune enfoncent bruyamment une porte déjà grande ouverte depuis bien longtemps en expliquant que l'usage de cette langue a pu être, à l'époque, au service de mes compatriotes : ce que je n'aurais pas compris !
J'aurais même "sous-entendu", par "perception idéologique nationaliste ethno-centrée" (...), qu'il pouvait y avoir là "imposture" ou "trahison"... Le grotesque le dispute au ridicule.
Ni fleur ni couronne. Depuis toujours, les philosophes évitent le genre épidictique (éloge ou blâme) et ne manifestent pas de grandiloquence, de révérence, de condescendance dans leur propos. Car, alors, sans faire usage de leur liberté intellectuelle, ils imposeraient les codes de l'autorité sociale, c'est-à-dire de la "grandeur" ou de la carte de visite.
C'est pourquoi les philosophes pratiquent aussi la suspension du jugement (épochè). Cela exige de la rigueur et du sens critique. Cela demande aussi du courage, celui de penser par soi-même.
Pierre Amrouche, Amin Zaoui, Michel Carassou, Abdelhak Lahlou, Hervé Sanson, Tassadit Yacine répètent aujourd'hui, à Alger, le procès de Socrate à Athènes. On a accusé le philosophe de corrompre la jeunesse ("le lecteur algérien") et de ne pas honorer les dieux de la cité (les dieux de l'Algérie). Comme l'a souligné ultérieurement Cicéron, à cette époque, "la Grèce avait davantage de tyrans qu'un tyran n'a de gardes du corps".
On peut convoquer tous les témoins de la terre, avec ou sans youyous. Un écrivain n'appartient pas à ses enfants, fussent-ils ayants droit. Une œuvre n'appartient pas à un pays, fût-il l'Algérie. Une œuvre appartient à l'humanité tout entière, c'est-à-dire à personne en particulier.
Un écrivain aussi. Olivier Fanon et Amazigh Kateb le savent, qui, à raison, ne s'estiment pas dépositaires de textes, articles, entretiens et conférences qui ont, en tant que tels, nécessairement déjà échappé à leur auteur. C'est tout à leur honneur.
Nouméa, le 26 septembre 2020
Seloua Luste Boulbina
Agrégée de philosophie, docteur en sciences politiques, chercheuse (HDR) à l'université Paris Diderot. A notamment publié Les Miroirs vagabonds ou la décolonisation des savoirs (Les Presses du réel, 2018) ; Dix penseurs africains par eux-mêmes (Chihab, 2016) ; L'Afrique et ses Fantômes (Présence africaine, 2015) ; Les Arabes peuvent-ils parler ? (Blackjack, 2011/Payot, 2014) ou Le Singe de Kafka et autre propos sur la colonie (Sens Public, 2008/Les Presses du réel, 2020). A reçu un French Voices Award pour Kafka's Monkey and other Phantoms of Africa (Indiana University Press, 2019).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.