Les écrivains Ahmed Benzelikha et Mohamed Sari ont évoqué, lors de cette rencontre dédiée à Mohammed Dib, sa "portée humaniste" et son rapport à l'écriture. L'année 2020 marque le centenaire de la naissance de l'illustre écrivain Mohammed Dib. À cet effet, il était prévu des colloques, des conférences, des expositions, des projections ainsi que la traditionnelle cérémonie du prix littéraire Mohammed Dib, initié par l'association la Grande Maison. Mais le sort en a voulu autrement à cause de la pandémie de coronavirus qui a mis le monde à l'arrêt. Afin de rattraper ce retard, une rencontre sur cet intellectuel a été donnée samedi à la Bibliothèque nationale d'El-Hamma (Alger), dans le cadre de la manifestation "La rentrée culturelle" organisée par le ministère de la Culture et des Arts. À cette occasion, Mohamed Sari (écrivain, traducteur et président du conseil national des arts et des lettres) et Ahmed Benzelikha (écrivain, poète, linguiste et spécialiste en communication) étaient présents pour évoquer cet "intellectuel pluridisciplinaire", notamment sur son écriture et sa "portée humaniste". Avant d'entamer sa communication sur l'"Axe analytique de l'œuvre de l'écrivain et un axe intimiste recoupant l'itinéraire existentiel de Mohammed Dib", Ahmed Benzelikha a d'emblée raconté sa "rencontre" avec le poète à travers le feuilleton de Mustapha Badie. "À partir de là, j'ai été fortement imprégné par la démarche dibienne. Le personnage de Omar était celui par lequel nous avions les clés de l'œuvre dibienne." Pour le conférencier, du Sahara algérien aux neiges de Finlande, de la trilogie algérienne à la trilogie nordique, "le même questionnement humaniste se retrouve dans l'œuvre et la ‘mise en œuvre' de Dib. Un questionnement existentiel qui débouche sur l'universalisme avec des racines profondément algériennes ancrées dans le terroir". Selon l'auteur d'Elias (éditions Casbah), c'est une écriture qui "témoigne, qui agit, puis qui réfléchit en allant vers l'éclatement qui est aussi l'ouverture sur la quête du sens. Un double mouvement qui installe le signe dibien dans une dualité paradoxalement harmonieuse et qui fait se compléter les contraires, en mettant l'humanisme dans sa portée universelle, et ce, en partant de l'intime". Durant son intervention, M. Benzelikha a "analysé la portée du texte dibien et les positions de l'écrivain", et ce, en remontant jusqu'à sa première nouvelle intitulée L'Ami (publiée en 1947 dans une revue algéroise), afin de "démontrer l'universalité de son langage et, au-delà de toute la littérature dans sa dimension naturelle : l'humanisme comme rapprochement entre les peuples, les civilisations et les individus". Pour sa part, Mohamed Sari a évoqué ses traductions des œuvres de La trilogie nordique, qui lui ont "permis" de comprendre Dib. Après une lecture de la biographie de l'auteur du Métier à tisser, le conférencier a insisté sur le fait que Dib fait partie de cette génération d'écrivains (Feraoun, Mammeri, Kateb, Djebar) ayant "consacré" leur vie à l'écriture. "Il a écrit ce qu'il voulait lui-même. Il n'est pas entré dans l'idéologie néocolonialiste comme beaucoup d'écrivains, à l'instar aujourd'hui de Daoud et Sansal, qui se sont recyclés dans l'idéologie dominante", a-t-il indiqué. Il est revenu entre autres sur les différentes phases d'écriture de l'écrivain, du réalisme ; son engagement à dénoncer le colonialisme ; "son exil, sa marginalisation" ainsi que les refus de publication par le Seuil, car il défendait une écriture engagée pour son peuple. À noter que d'autres rencontres sont au programme à la BN jusqu'au 7 octobre.