Alors que tous les commerces ont repris leurs activités après plusieurs mois de confinement dû à la crise sanitaire, les débits de boissons alcoolisées ne sont toujours pas autorisés à travailler. L'ouverture des commerces de boissons alcoolisées devait se faire d'abord à la première phase du déconfinement, mais cela ne s'est pas produit. À la deuxième phase, il a été donné aux walis de prendre la décision en la matière, mais ces derniers se sont montrés peu enclins à le faire pour des raisons que les acteurs de la filière ne s'expliquent pas. Cette situation a exacerbé les inquiétudes des commerçants de boissons alcoolisées (grossistes, détaillants et propriétaires de bar) quant au devenir de leur activité. Des inquiétudes qui touchent également les producteurs et les agriculteurs dont l'activité dépend de la filière boissons alcoolisées. Ali Hamani, président de l'Association des producteurs algériens de boissons (Apab), qui ne comprend pas la mise à l'écart de cette activité, a qualifié la situation d'absurde dans la mesure où ces points de vente sont légaux avec un registre du commerce et qu'ils payent leurs impôts. En outre, a-t-il précisé, ces commerçants avaient pris les mesures nécessaires liées à la protection contre la propagation du virus (distanciation et paravent en plexiglas sur les comptoirs). Selon lui, ces points de vente ont le droit de travailler parce que c'est l'avenir de milliers de familles qui en dépend. Ali Hamani a qualifié la situation de préoccupante faisant même référence à la prohibition. Il a indiqué, à ce titre, que l'Apab avait saisi officiellement les services du Premier ministère, mais malheureusement, la lettre est restée sans réponse. Ali Hamani s'est ainsi demandé ce que deviendraient ces points de vente si cette situation perdurait, ajoutant que la mise à l'écart des vendeurs légaux a fait basculer le circuit de distribution vers le réseau du marché informel, avec une flambée des prix. En effet, la fermeture de ces commerces a offert sur un plateau le marché à l'informel. Cette prolifération de la vente clandestine de boissons alcoolisées inquiète les opérateurs de la filière exerçant leurs activités légalement. Inquiétude légitime Au-delà des commerçants, le président de l'Apab a souligné que cette situation met à mal tout le secteur de la production. Selon lui, une baisse importante de la production a été enregistrée, notamment pour la bière. Une usine a déjà fermé et les autres fonctionnent entre 25 et 35% de leur capacité de production, a-t-il affirmé. La menace de fermeture plane sur ces usines avec la mise au chômage de milliers de travailleurs. D'ailleurs, certaines unités ont commencé à mettre au chômage du personnel. La même situation est vécue par les producteurs de vin. Même si pour eux, le vin peut être stocké, leur avenir reste flou, notamment concernant l'attitude à adopter avec les agriculteurs qui, en période de vendanges, n'ont que ces producteurs comme débouché à leur raisin de cuve. Selon Ali Hamani, ce sont environ 8 000 agriculteurs qui dépendent de la bonne santé de la filière vinicole. Dans son ensemble, la filière boissons alcoolisées emploie plus de 25 000 travailleurs dont 5 000 emplois directs. C'est aussi près de 40 milliards de dinars de recettes fiscales pour le Trésor public. Chaque année, l'Algérie consomme quelque 1,2 million d'hectolitres de bière, 600 000 hectolitres de vin et 120 000 hectolitres de spiritueux importés sans oublier que l'Algérie est aussi un pays exportateur de vin. Cette décision de suspendre le commerce des boissons alcoolisées ne trouve aucune explication convaincante, si ce n'est, comme le soupçonnent certains, pour des considérations idéologiques. D'ailleurs, le mutisme des différentes organisations du secteur du commerce censées défendre les intérêts des commerçants est un indice à méditer. Saïd Smati