Le dialogue avec les groupes extrémistes semble être devenu une priorité absolue dans la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, suggère le Commissaire à la paix et à la sécurité de l'Union africaine, Smaïl Chergui, dans une tribune publiée mercredi dans les colonnes du quotidien suisse Le Temps. Invitant les différents acteurs locaux, régionaux, continentaux et internationaux à adopter une "approche multidimensionnelle", M. Chergui estime que "l'accord signé avec les talibans, le 29 février 2020, peut inspirer nos Etats membres pour explorer le dialogue avec les extrémistes et les encourager à déposer les armes, en particulier ceux qui ont été enrôlés de force". Mais pour mener à bien une telle entreprise, "la bonne gouvernance ne doit pas rester un slogan creux, la reddition de comptes devra être sacralisée et le développement socioéconomique induire industrialisation et création d'opportunités d'emploi, afin de surmonter les problèmes structurels actuels et les menaces aux acquis démocratiques", souligne le Commissaire à la paix et à la sécurité de l'UA, dénonçant le statu quo et rappelant avec insistance que "la légitimité n'est pas l'affaire d'un jour, c'est une conquête". Devant la menace terroriste, les Etats de la région, mais aussi les acteurs étrangers ont misé sur la seule approche militaire aux résultats très limités. Une approche qui a alimenté "la colère" des populations directement confrontées sans armes à la menace terroriste, donnant lieu également à une multiplication des violences intercommunautaires et des exactions extrajudiciaires au nom de la lutte contre le terrorisme. "La création de la Force conjointe du G5 Sahel en 2017, avec les 15 200 personnels de la Minusma et le soutien de partenaires extérieurs, a produit des avancées non décisives", note Smaïl Chergui dans sa tribune, rappelant que "le terrorisme et les violences entre communautés persistent et la menace s'étend à l'Afrique de l'Ouest". Et d'insister encore sur le fait que "la solution ne peut se limiter au sécuritaire. Le Sahel étouffe, cependant, de programmes à répétition et de plus de 17 stratégies, alors que le G5 Sahel a formulé son propre Plan d'investissement prioritaire en 2014". Pour lui, "le moment est venu de revisiter et d'adapter les stratégies de stabilisation de la région du Sahel pour les unifier. De s'attaquer au miel qui attire les abeilles. Une approche multidimensionnelle est requise. Elle combine réponses militaire et sécuritaire, actions de développement, primat de la justice et inclusion des communautés locales, des femmes et des jeunes dans la définition et la mise en œuvre des politiques". Autrement dit, "une appropriation nationale et régionale loin de toute imposition de modèle ou projets de développement, basée sur la reconstruction du tissu social et la consolidation de l'unité nationale". Pour conclure, Smaïl Chergui estime que "notre continent a changé et les Africains doivent s'approprier le processus et le cheminement vers un changement transformateur".