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"La persistance des déficits éliminera toute marge de manœuvre"
Kouider Boutaleb, économiste et ancien chercheur au CREAD
Publié dans Liberté le 28 - 11 - 2020

L'économiste Kouider Boutaleb explique, dans cet entretien, que pour résorber le déficit budgétaire accumulé, le gouvernement a préféré "l'emprunt", auprès des agents économiques via la banque, à la fiscalité ordinaire. Une option qu'il juge complexe.
Liberté : Le projet de loi de finances pour 2021 vient d'être adopté sans que les parlementaires y apportent les amendements nécessaires pour répondre aux préoccupations des citoyens. Comment analysez-vous cet état de fait ?
Kouider Boutaleb : L'hémicycle était quasiment vide, ce qui montre à quel point nos députés s'intéressent à la vie socioéconomique du pays. Sous d'autres cieux les débats sur les lois de finances sont des moments attendus d'intenses débats, ce qui pousse les gouvernants à bien préparer leurs argumentaires sur des scénarios décisionnels scientifiquement établis — ce qui explique par ailleurs les nombreuses institutions dédiées aux études statistiques et socioéconomiques.
Les priorités de relance de l'économie divergent, les controverses sont nombreuses, induisant des amendements importants aux propositions de l'Exécutif ; nous sommes loin des chambres d'enregistrement, comme c'est le cas chez nous où, à l'exception de groupes parlementaires minoritaires, ce sont toujours les mêmes, aucune contradiction n'est apportée aux choix de l'Exécutif, si ce ne sont des propositions aux relents populistes.
Ce projet de loi de finances a été élaboré sur la base d'un prix du pétrole à 45 dollars le baril. Ces projections pour 2021 ne sont-elles pas trop optimistes ?
Trop optimistes sans doute. Nombreux sont les experts qui le pensent. Comment peut-on, en effet, se baser sur ces projections dans un secteur d'activité qui connaît une conjoncture mondiale très contraignante et pleine d'incertitudes quant à la relance de la demande internationale d'hydrocarbures.
Certes, selon les prévisions de l'AIE (Agence internationale de l'énergie), les prix du Brent grimperont autour de 42,5 dollars au cours du second semestre pour terminer l'année 2020 à 45 dollars. On pourrait, par conséquent, penser que les prévisions de la LF 2021 ne s'écartent pas des prévisions de l'AIE.
Cependant, cette agence a bien précisé, dans son dernier rapport mensuel sur le pétrole, que les prévisions d'évolution de la demande pétrolière pour cette année demeurent incertaines en raison de la crise sanitaire, évoquant des perspectives encore plus "fragiles" pour le marché.
Il aurait fallu, sans doute, être plus prudent et situer les prévisions en deçà des 45 dollars pour tenir compte de toutes les incertitudes. D'une manière générale, le projet de loi de finances pour 2021 adopté comporte plusieurs incertitudes relatives aux hypothèses sur la base desquelles, il a été
élaboré.
Le déficit budgétaire prévu en 2021 s'envolera à plus de 2 700 milliards de dinars. Selon le ministre des Finances, il sera financé par le marché financier. Qu'est-ce que cela signifie exactement ?
La question du financement des déficits budgétaires est à l'origine d'une abondante littérature. La théorie économique nous enseigne que pour financer les déficits budgétaires, les pouvoirs publics ont à leur disposition deux modes de financement, soit par le biais de la fiscalité (impôt) qui représente la ressource propre de l'Etat sur laquelle il peut agir à n'importe quel moment, soit par le biais de l'emprunt auprès des autres agents économiques.
Le gouvernement a exclu le recours à la fiscalité, et c'est donc l'emprunt auprès des agents économiques via la banque qui est privilégié, cela veut dire que les recettes collectées par l'impôt ne suffisent pas pour combler l'ensemble des besoins exprimés et que ces derniers ne peuvent se financer que par l'emprunt.
Le gouvernement recourra à la mise en œuvre des mécanismes de la politique monétaire stipulés dans la loi, en concertation avec la Banque d'Algérie, en sus d'un retour au marché financier. Il s'agit d'une option assez complexe.
En particulier l'idée d'utiliser une partie des réserves et affectations constituées par la Banque centrale et du placement d'une partie des fonds propres de la Banque d'Algérie en bons du Trésor, conformément à l'article 53 de l'ordonnance n°03-11 relative à la monnaie et au crédit, en sus de la dynamisation du marché des bons du Trésor, à travers le rachat d'importants crédits bancaires communs, et le refinancement des bons du Trésor émis en contrepartie du rachat de ces crédits bancaires communs.
Il s'agit, par conséquent, d'utiliser et de placer les réserves constituées par la Banque centrale, plutôt que de recourir à de nouvelles opérations de création monétaire. Implicitement, il n'est pas question de revenir vers un recours au financement non conventionnel, à savoir la planche billets.
Pourriez-vous être plus explicite ?
Il s'agit de recours à la levée de fonds à travers les emprunts obligataires et le recours à la finance islamique. Le gouvernement évoque la finance islamique en pensant que ceux qui sont dans l'informel viendront vers les banques déposer leur argent. L'espoir fondé sur la finance islamique n'est-il pas quelque peu exagéré ? Car, faut-il le souligner, la finance islamique est bien connue en Algérie.
Cependant, les banques islamiques ne détiennent, en termes de collecte de ressources, qu'une part très minime en comparaison avec le total des ressources, soit à peine 1,69% en 2014. On peut s'interroger sur le peu d'intérêt porté par les épargnants et détenteurs de capitaux aux produits financiers répondant à la chari'a par ces banques. Pour les économistes, ce qui fait bouger les détenteurs de capitaux, et d'épargne monétaire, c'est la rentabilité envisagée, cela ne relève ni de l'éthique ni de la morale.
Ainsi, tant que le commerce, notamment dans l'économie informelle, assure des rentabilités plus élevées, personne ne mettra son argent dans les banques, fussent-elles "islamiques", excluant les taux d'intérêt (ribaa) et notamment chez nous où la propension à pratiquer le commerce est très perceptible chez les détenteurs de capitaux et hautement apprécié pour gagner de l'argent.
Du moins, c'est ce qui est toujours affirmé par ceux-là mêmes qui s'enrichissent par le commerce notamment des produits importés. Concernant la levée de fonds à travers les emprunts obligataires, là aussi, on demeure sceptique au vu de l'expérience de l'emprunt national lancé en 2016, et qui n'a guère suscité l'intérêt escompté auprès des ménages, ni des hommes d'affaires.
Le déficit du budget, ajouté à celui du Trésor, qui grimpe, lui, à plus de 3 000 milliards de dinars, peut entraîner une situation extrêmement tendue au plan macroéconomique. Cette situation ne va-t-elle pas accroître les risques de poussées inflationnistes ?
L'inflation, faut-il le rappeler, signifie l'augmentation des prix sur une période donnée. De nombreux facteurs sont à l'origine des augmentations des prix, comme la dévaluation de la monnaie nationale. Le projet de LF 2021 énonce que la dévaluation du dinar prévue par rapport au dollar américain est de 5% durant les trois prochaines années. Il faudra 142 DA pour un dollar américain en 2021,149 DA en 2022 et 156 DA en 2023.
Si on considère que le volume des produits d'importation consommés par les ménages algériens (produits finis de large consommation dont la liste est longue) et semi-finis (les inputs industriels et agricoles) entrant dans le cycle de productions locales, les taux d'intégration de nos usines privées et publiques étant très faibles, des augmentations de prix découleront nécessairement des nouveaux différentiels de change engendrés par les dévaluations du dinar.
Nonobstant d'autres facteurs impactant l'évolution de l'inflation des prix dans une perspective d'ajustement des importations, il sera difficile de ne pas en subir les conséquences inflationnistes, car l'argent créé alimente la circulation monétaire dans un contexte de raréfaction de l'offre de marchandises.
Compte tenu de la situation de crise budgétaire et de la diminution des réserves de change, et sans doute plus encore des conditions productives du pays, à savoir la faible productivité des facteurs, le taux d'intégration industrielle tout aussi très faible, la dépendance quasi totale des revenus tirés de la vente des hydrocarbures — le pays assurant la satisfaction de la demande domestique par le biais d'importions coûteuses —, les pressions inflationnistes s'accroîtront très certainement sans doute au-delà des prévisions du gouvernement, qui sont de l'ordre de 4,5%.
Comment voyez-vous évoluer la politique budgétaire dans les toutes prochaines années ?
Il existe en Algérie un large consensus sur de sombres perspectives à moyen terme si le gouvernement persiste dans ses méthodes obsolètes et non conformes aux enseignements, tant théoriques qu'empiriques. Les sources de financement étant ce qu'elles sont, on prévoit une persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose encore le pays, en ramenant les réserves de change à moins de 5 mois d'importation dès 2022 et à 12 milliards de dollars, c'est-à-dire 3 mois d'importation, en 2023.
Si rien n'est entrepris radicalement sur le plan du "déboulonnement du système", pour reprendre l'expression d'un ministre économiste de son état, pour reconstruire une base économique saine dans un environnement institutionnel efficient, les marges de manœuvres, dont dispose encore le pays, disparaîtront en toutes hypothèses.
Par conséquent, à l'heure où le pays traverse une crise financière aiguë due à la baisse des prix du pétrole et aux conséquences économiques de la Covid-19, telles que le ralentissement de l'activité économique, sinon l'arrêt pour de nombreuses entreprises et services marchands sur plus de 9 mois, la rationalisation des choix budgétaires est plus que jamais à l'ordre du jour. La question qui se pose est de savoir quel contour revêtira ou devrait revêtir la politique budgétaire ?

Entretien réalisé par : YOUCEF SALAMI


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